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Billet de blog 8 févr. 2023

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Le Crash de la santé

Les hôpitaux sont gérés depuis plus de 20 ans selon le concept d'un « New Public Management », application aveugle de la mondialisation au service public. Comme la réduction de l'offre se traduit par des fermetures de services ou d'établissements, et un non renouvellement du personnel, ceux qui restent se trouvent soumis à des pressions intolérables. Bref cette « mise en tension du marché » est une mise en tension du personnel restant. 

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Le New public management considère, en France, depuis 1996, que la santé est un marché classique. Dans ces conditions, on définit un concept décrivant la production de soins et leur consommation à l'image du marché des téléviseurs, à ceci près que l'objectif n'est pas l'extension de ce marché mais sa réduction.

Si on considère que l'intérêt du consommateur est d'acheter le meilleur au meilleur prix, on va concilier la diminution des dépenses et l'intérêt du consommateur en mettant le marché « en tension » : cela signifie qu'on va diminuer volontairement l'offre de soins, ce qui amènera la demande à s'adapter, et à choisir le meilleur disponible au plus bas prix.

Cela peut marcher avec des téléviseurs : il s'agit d'un produit non nécessaire, on peut donc réduire la demande pour s'adapter à la réduction de l'offre et maintenir des prix acceptables. Mais pour la santé, cela ne marche pas comme ça : le nombre de malades reste le même, il augmente même avec l'augmentation de la moyenne d'âge. Comme la réduction de l'offre se traduit par des fermetures de services ou d'établissements, et un non renouvellement du personnel, ceux qui restent se trouvent soumis à des pressions intolérables. Bref cette « mise en tension du marché » est une mise en tension du personnel restant, d'où les multiples mises en garde depuis plusieurs années, puis une désaffection pour le métier lui-même qui aboutit au crash actuel. Ce crash se manifeste par les départs en masse des salariés, une augmentation de la morbidité générale du pays, et n'est même pas efficace sur le plan financier car l'augmentation de la morbidité a des conséquences négatives sur l'économie, et que l'augmentation de la demande face a une offre réduite conduit immanquablement à l'augmentation des prix.

On compte sur le fait que, psychologiquement, les consommateurs sont prêts à dépenser plus pour préserver leur santé. Cette compression d’un secteur public, dont les résultats étaient bons,  au moins avant qu’on rende la vie impossible aux salariés, se solde par l’extension d’un secteur privé où toutes les options sont admises, de la compétence la plus haute au charlatanisme le plus intégral. Ce secteur, toujours dans le respect des lois du marché, a intérêt à augmenter ses prix, ce d’autant que la concurrence du Public se fait moins forte, et comprimer ses dépenses, en limitant le nombre de postes et les salaires, souvent aux dépens de la qualité des soins.

 Cette situation de mise en tension de la santé de la population aiguise d’autres appétits : le contingentement des dépenses fait que l’assurance maladie ne rembourse plus que les gros risques, les « petits risques » étant assurés par les mutuelles et les « banques-assurances ». La politique de ces dernières consiste à viser les classes les plus aisées au dépens des mutuelles qui se retrouvent cantonnées à des catégories incapables de payer des primes suffisantes, de sorte que leurs prestations diminuent De leur côté les big pharmas ont bien compris que le moment est favorable pour augmenter le prix des médicaments de base, car l’Etat se retire peu à peu de toutes ses fonctions, aussi bien en matiere de soins que de surveillance du marché. Dans ce désordre qu’il a lui-même créé l’Etat considère l’augmentation des dépenses comme la conséquence de la mauvaise gestion du public et son incapacité à faire des économies, de sorte qu’il estime urgent de réduire encore l’offre, et le cercle vicieux est enclenché. Notre système de santé entier bascule dans le privé, à l’américaine, pour le malheur de la population et le plus grand profit des escrocs.

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