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Billet de blog 23 novembre 2020

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Colère au temps de la covid

En plein confinement, des milliers de personnes ont bravé samedi le risque épidémique pour manifester contre la nouvelle loi dite "sécurité globale". Le pouvoir exécutif a profité de la paralysie sociale induite par la crise sanitaire pour avancer ses pions liberticides. Réquisitoire contre une trahison.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

3000 personnes côte à côte dans la rue samedi à Montpellier, plus de 10 000 à Paris, 6000 à Toulouse, 4000 à Marseille, 2500 à Lyon, un millier à Rennes, autant à Lorient, à Lille, à Clermont-Ferrand, des centaines dans des dizaines d’autres villes françaises, en plein confinement. Que s’est-il passé pour que de telles foules de gens (22 000 sur le territoire selon les autorités) aient pris le risque de braver le danger épidémique (et celui des condamnations pénales) pour se réunir ensemble ? Il s’est passé qu’alors que depuis près de neuf mois le Pouvoir exécutif qui nous gouverne ne cesse de nous affirmer que la lutte contre la Covid doit être notre priorité à tous, que la gravité du moment exige que chacun sacrifie ses intérêts particuliers pour combattre à l’unisson la pandémie, que c’est la confiance en sa clairvoyance et en sa bonne volonté au service du pays qui nous permettra de nous en sortir, alors qu’il nous réclame de lui accorder notre crédit total exceptionnel pour affronter cette crise sanitaire sans précédent, ce même Pouvoir exécutif trahit en catimini notre démocratie en verrouillant dans notre dos, sans quasiment aucune discussion parlementaire digne de ce nom, encore moins de débat public, la loi dite « sécurité globale ». Emmanuel Macron et ses affidés du Ministère de l’Intérieur ont profité de la période dramatique que nous traversons, de la paralysie sociale induite par l’état d’urgence sanitaire, de la peur (légitime) de la population et de tous les effets psychologiques qui en découlent, pour entériner le projet certainement le plus attentatoire à nos droits fondamentaux depuis la Libération, c’est-à-dire la liberté d’informer et le droit à notre vie privée. Sans aucun débat digne de ce nom, non. Fini le droit de regard des citoyens sur les fonctionnaires en charge de la sureté de leur personne. L’article 24, qui fera coûter un an de prison et 45 000 euros d’amende à quiconque « diffusera l’image du visage ou tout autre élément des forces de l’ordre en intervention susceptible de porter atteinte à leur intégrité physique ou mentale », a d’ores et déjà été adopté par l’Assemblée en première lecture, emballé sans peser en petit comité, par 146 voix contre 24. Il y a 576 élus à l’Assemblée Nationale. Où étaient les 406 autres ? Mardi soir, Monsieur Macron va à nouveau s’adresser à nous. Il va nous communiquer ce que son Conseil scientifique lui a demandé de continuer à nous imposer pour juguler l’épidémie. « Cela va être encore difficile, va-t-il nous expliquer (JDD du 22 novembre), le niveau de circulation du virus est encore élevé…  mais c’est la confiance [en lui et en son gouvernement] qui est la clé du succès. » Pas question de déconfiner. Conscient des efforts auxquels il va encore nous demander de consentir, notre Président les justifie en déclarant (toujours dans le JDD) que « la France doit être au rendez-vous de l’Histoire. » Pendant ce temps, les articles 21 et 22, la suite de la loi « sécurité globale », vont passer à leur tour au service des emballages de l’Assemblée Nationale pour approbation (rappelons que La République en Marche détient la majorité des sièges). L’article 21, c’est en substance la vidéosurveillance et la reconnaissance faciale généralisées, avec des images qui vont être transmises en temps réel à la Police, laquelle va détenir le droit exclusif de les stocker et de les utiliser. Quant à l’article 22, c’est ni plus ni moins que l’entrée dans l’univers orwellien auquel, pour les plus optimistes, ou les plus naïfs, d’entre nous nous ne voulions pas croire : le blanc-seing donné aux pouvoirs publics pour la surveillance de masse de nos espaces de vie par des drones ! Comment un gouvernement peut-il demander à une population de lui faire confiance et la considérer en même temps comme suspecte et criminelle en puissance dans son ensemble ? La loi « sécurité globale » est la preuve que l’Etat a échappé à sa finalité première – qui est d’assurer non seulement la sureté de ses citoyens, mais aussi, et surtout, leur liberté essentielle – pour se transformer en un léviathan uniquement préoccupé de sa propre conservation. Allons-nous abandonner nos vies au monstre ? Si vous avez envie de dire non, alors dépêchez-vous de rejoindre l’un ou l’autre des collectifs qui se sont organisés un peu partout en France pour le remettre à sa place. Il est encore temps. Il y a encore le Sénat et le Conseil constitutionnel. Dans les jours prochains, ainsi, nous serons à nouveau dans la rue. Encore plus nombreux. Si le bénéfice espéré du confinement de ces dernières semaines en fait les frais, avec la crise politique qui peut-être en découlera, la responsabilité en incombera à ceux qui nous ont trahi. Notre liberté n’a jamais été, et ne sera jamais, négociable. 

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