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Billet de blog 3 novembre 2013

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LA HONTE NE TUE PAS SURTOUT CHEZ LES NANTIS

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Grève des médecins libéraux de Mayotte à partir du 30 septembre - Grève des fonctionnaires ''expatriés'' à Mayotte à partir du 29 octobre 2013 

Les motifs de grève ne manquent pas à Mayotte et certains de ces motifs devraient soulever les foules de l'île et de la métropole :

  • Pour les enseignants, le manque de moyens récurrent imposant des conditions de travail scandaleuses. Une salle de classe, utilisée le matin pour un groupe d'élèves et l'après midi pour un autre ne serait qu'un exemple symptomatique parmi tant d'autres.

  • La minimisation systématique des budgets publics, ne prenant par exemple jamais en compte une part importante de la population car déclarée ''en situation irrégulière''.

  • L'application hétérogène des prérogatives issues des lois Françaises, faisant du terme de ''département'' une notion totalement galvaudée.

Pourtant aucune de ces nobles causes n'émeut la population, les élus ou les syndicats. Les revendications mises en avant par ces derniers et les manifestants portent toujours et exclusivement sur des avantages financiers ou fiscaux dus et exigés.

Les médecins se plaignent d'avoir à cotiser pour leur retraite, ils se plaignent de devoir payer l'impôt sur le revenu, il se plaignent que l'absence de CMUC leur retire une partie de leur clientèle, ils ne se plaignent pas de pouvoir travailler à mi-temps pour un revenu supérieur à celui qu'ils auraient eu en métropole, ils ne se plaignent pas de n'avoir aucune garde et presque aucune urgence à assurer.

Les médecins se plaignent d'être trop peu nombreux et ils ont raison, ils se plaignent d'être de moins en moins nombreux et ils ont encore raison, ils soutiennent que si on leur donnait des avantages financiers ou fiscaux supérieurs à ceux des autres départements d'outremer, ils seraient plus nombreux...peut-être un peu, mais le problème d'attractivité de ce département est-il vraiment un problème financier ?

Quand on a la chance de pouvoir choisir son lieu de travail, on choisit un peu un revenu et beaucoup un cadre de vie. Or à Mayotte, le cadre de vie se dégrade et la grande majorité des problème sociaux est en rapport avec les inégalités croissantes de niveau de vie sur le territoire : quand des individus sans ressource aucune, dont les enfants meurent de faim au sens médical du terme, cohabitent avec des nantis qui protègent leurs richesses derrières des barreaux métalliques et des portes blindées, quand des milliers de gens sont réduits en esclavage, même moderne, la violence ne peut que croître et la qualité de la vie se dégrader.

Attribuer des avantages financiers ou fiscaux à une des tranches de population les plus riches de l'île, céder à la pression corporatiste de gens qui cherchent à créer une rente de situation et menacent de partir si on ne leur cède pas c'est confirmer au monde entier que la France a perdu ses valeurs, celles qui faisaient d'elle un grand pays par son rayonnement culturel et politique.

Mayotte est une petite île, trop petite pour sa population, mais si l'Etat français qui la gouverne depuis tant d'années avait joué son rôle les métiers de la santé ne seraient pas des activités à but lucratif mais des tâches justement rémunérées reposant sur des structures d'Etat car exécutées au milieu de citoyens qui n'ont pas les moyens financiers de les prendre en charge ; l'éducation ne serait pas à la dérive faute de compétences et de moyens matériels ; la notion de ''solidarité entre les citoyens'' avec la participation de tous selon ses moyens au financement des services publics ne serait pas une notion incomprise et considérée comme injuste ; la gouvernance du département ne serait pas entre les mains de grandes familles ou de grands groupes français ou étrangers qui exploitent les habitants et l'Etat à travers eux.

Il y a deux ans maintenant la population de l'île s'est soulevée ''contre la vie chère'', 42 jours de grève qui se sont révélés complètement inutiles car depuis rien, ou presque, n'a changé les prix des denrées alimentaires restent très nettement supérieurs à ceux de la Réunion qui n'est pourtant pas plus éloignée de la métropole. Pire la concession de service public de la gestion du seul port de l'île a été attribuée à un importateur !

La population de Mayotte a une résilience extraordinaire, probablement liée à leur ancienne culture et leur religion mais laisser s'accumuler les injustices et les négligences risque de faire le lit d'une croissance de la violence ''urbaine'' et d'une révolte là où on attendrait une révolution.

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