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Billet de blog 2 janvier 2017

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l'Eternel Tout-Puissant de la déclaration d'indépendance israélienne.

Eu égard à l’idolâtrie israélienne pour les armes, on pourrait imaginer une mise à jour de la Déclaration « d’indépendance », laquelle déclarerait vénérer, en fait de « Tout-Puissant », un dieu du métal , comme le sumérien Ninurta, fils d’Enlil.

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La déclaration d’indépendance d’Israël en appelle au Dieu unique pour fonder en droit ce qu’elle nomme la « rédemption d’Israël ». Ainsi lit-on dans le document du ministère des Affaires étrangères :

« Confiants en l’Éternel Tout-Puissant, nous signons cette déclaration sur le sol de la patrie, dans la ville de Tel-Aviv, en cette séance de l’assemblée provisoire de l’État, tenue la veille du shabbat, 5 Iyar 5708, quatorze mai mil neuf cent quarante-huit. »

À lalecture du Dictionnaire universel : « Dieux, déesses et démons », aux éditions du Seuil sous la direction de Patrick Jean-Baptiste, l’Éternel Tout-Puissant ne semble pas en mesure d’assurer la fondation et la restauration que suppose une entreprise de « rédemption ».

« Le monothéisme, disent les auteurs, n’est jamais acquis ; et la ligne imaginaire qui le sépare du polythéisme, n’existe que dans les livres d’histoire des religions. En dehors du cercle restreint d’une élite de théologiens et philosophes, la croyance en un dieu unique, à la fois transcendant et immanent, atemporel et historique, personnel mais irreprésentable, omniscient et omnipotent, est rarissime. Inversement, la croyance en une foule de divinités spécialisées et locales, personnelles et collectives, ne se dépare jamais de la conviction qu’il existe une hiérarchie céleste où le adieu que l’on a choisi de vénérer en priorité est finalement le seul qui compte vraiment, les autres membres du panthéon lui étant inféodés. » 

Et de mentionner, entorse à la dimension transcendantale, la Shekinah, entité de lumière ou gloire, intermédiaire entre Dieu et l’homme, affublée d’un équivalent araméen destiné à atténuer tout anthropomorphisme. Etaussi cet irrépressible besoin anthropomorphique de représenter comme l’atteste, entre autres, une pièce de monnaie de 380 av. J.-C. représentant Yahvé avec son épouse Ashéra. Un besoin prégnant également chez les chrétiens, Dieu le Père invisible devenant visible dans l’iconographie post-christique à partir de la fin du premier millénaire.

Quand Ben Gourion dit que face à des découvertes historiques et archéologiques qui contreviennent au texte biblique, il continuera à se référer à ce dernier, il ne fait pas autre chose que choisir le dieu personnel et collectif qu’il vénère en priorité, en l’occurrence la divinité spécialisée du sionisme. La conquête de Canaan par Josué, bien que mythique, servira ainsi d’arrière idéologique aux conquêtes territoriales des acteurs sionistes, « prophètes en armes autorisés » à la façon du Prince de Machiavel.

On lit page 863 du dictionnaire précité, que Yahvé est également appelé Elohim « Dieu », dans la Genèse, et que divers indices laissent entendre qu’il n’est pas seul, qu’il est entouré d’une cour céleste d’immortels, les fils d’Elohim, comme l’atteste sa réaction à la consommation du fruit défendu de la connaissance par Adam : « Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal, (Gn 3 22). » Or, nous dit le dictionnaire, il ne peut s’agir ici d’un pluriel de majesté, puisque Yahvé emploie toujours la première personne du singulier, anomie, quand il parle.

Ce dieu, prétendument « tout-puissant », partage donc en fait sa puissance avec d’autres divinités.

Que le dieu en question soit par ailleurs éternel, cela va à l’encontre de l’historicité dont témoignent les recherches historiques et archéologiques. Il faut attendre, dit le dictionnaire, « le saccage du temple de Jérusalem et la déportation des élites judéennes en Babylonie pour que Yahvé élabore une eschatologie véritablement universelle. (La noblesse et la classe sacerdotale de Jérusalem, installées près de l’Euphrate sont obligées de repenser la théologie yahviste afin d’expliquer la perte de la Terre Promise. Sous l’influence de grands penseurs tels Ezéchiel et le deuxième Isaïe (celui de l’exil), elles entreprennent de mettre en forme ce qui deviendra la Bible hébraïque et de faire de Yahvé le dieu de l’humanité entière). » Une mise en forme tardive comme le rappelait Régis Debray le 14 juillet à France Culture dans Allons au fait, qualifiant le dieu unique de « tard venu, parachuté de dernière minute, y compris sur les terres du peuple hébreu. » Tardive parce qu’il a fallu au dieu unique attendre que l’homo sapiens, âgé lui de plus de 100 000 ans, et non de 2 500, se mette à l’élevage et à l’agriculture, en d’autres mots se sédentarise, pour que soient créées les conditions de possibilité de l’invention de l’écriture. Une affaire tout humaine donc, égale aux créations divines par son inventivité, en l’honneur de laquelle les Mésopotamiens vénéraient le dieu Nabu, fils de Marduk, dieu de l’agriculture devenu dieu suprême du Panthéon. Une révolution par l’écriture ainsi présentée par Régis Debray : « Si le Dieu sans visage, le Tout Voyant ne se laisse pas voir, il a su se faire entendre derrière le rideau, la vue n’inspire pas confiance dans le désert, alors entre le mythe et le mirage, choisir le premier est plus fiable et la théophanie première de dieu a été sonore. Puis les Écritures ont enregistré interpellations, appels, murmures, et reliés en un volume, une fixation graphique, la Torah ».

L’histoire de l’homo sapiens ne plaide donc pas en la faveur de l’éternité affichée du dieu unique, pas plus qu’elle ne parle d’ailleurs en faveur de sa puissance puisque l’homo sapiens continue en Inde, au japon ou en Chine à vivre sans lui…

En remontant en deçà des quelque 500 ans av. J.-C. où a été entreprise la « mise en forme », on n’approchera pas plus de l’éternité affichée. En revanche, on va découvrir, outrage à sa souveraineté et donc sa transcendance, un dieu dépendant de la matière. Le même dictionnaire nous dit en effet que Yahvé est « un dieu originaire de la région cuprifère au sud-est de la mer Morte. Que son nom apparaît dans les textes égyptiens dès le XIVe, voire le XXe siècle av. J.-C. Que, comme les Shasous (vivant près du Mont Séir) avaient pour principale activité l’exploitation des mines de cuivre, Yahvé était sûrement un dieu de la métallurgie. […] Que l’on retrouve une trace de la culture métallurgiste dans les trois « signes » donnés à Moïse avant son retour en Égypte. »

Ainsi du bâton que Moïse jette à terre et qui se transforme en serpent (une image empruntée à la fonte du bronze.)

Ainsi du buisson-ardent qui brûle sans se consumer (comme le métal.)

Ainsi le fait que Moïse place sa main dans la poche de sa tunique, l’en ressort blanche comme neige, avant de lui rendre sa carnation par un second passage dans la poche. (Une métaphore des effets de la chaleur sur un bronze malade couvert de sulfates corrosifs qui blanchissent en séchant et rendent la refonte nécessaire.)

Ainsi de Moïse versant de l’eau du Nil sur de la terre sèche pour la transformer en sang. (Rappel d’un moyen d’évaluer la présence de cuprite dans un filon, en mouillant la poussière.)

Ce n’est donc pas un hasard, poursuivent les auteurs du dictionnaire, si « le peuple d’Israël fait son entrée sur la scène historique vers 1210, à l’époque du pharaon Merenptah. Le royaume d’Alashia (Chypre), principal producteur de cuivre, est alors sous la menace des Peuples de la mer. Merenptah doit trouver une autre source de métal pour ses armées en guerre... En déplaçant sa capitale à Memphis, capitale des bronziers, il espère se concilier les Shazous de l’Arabah. L’exploitation des mines de cuivre édomite est alors relancée, mais le joug de l’Égypte est mal vécu par les locaux, et une révolte éclate. […] On peut supposer que Yahvé joue un rôle central dans cette rébellion. Sans doute permet-il de fédérer, autour d’un noyau qénite, les tribus de Canaan bientôt connues sous le nom d’Israël. […] Pendant les siècles suivant, la puissance d’Israël augmentera au même rythme que la production de cuivre édomite, comme si l’un n’allait pas sans l’autre. »

Yahvé, disent les auteurs « a été pendant longtemps un dieu dynastique et par extension nationale, jaloux de ses prérogatives. Mais, tout comme Assour le dieu impérial des Néo-Assyriens, il n’était pas unique dans la mesure où l’existence des autres dieux nationaux n’était pas remise en cause. »

Yahvé apparaît donc, comme une création d’humains, locaux idolâtrant une matière vitale, à savoir le métal dont on fait les armes. Une idolâtrie qui n’est pas sans rappeler « l’être au monde militaire israélien » dont les salons d’armements à travers le monde constituent la vitrine.

Si, dit le dictionnaire des dieux, déesses et démons, « les Judéens d’avant l’exil à Babylone pensaient que tous les malheurs des hommes étaient la conséquence de leur libre arbitre, Yahvé rétribuant les mérites et punissant les fautes de tout un chacun, et à l’échelle collective du peuple dans son entier, leurs successeurs de l’époque perse (jusqu’avant les années 330 av.J.-C.) ont fini par adopter la croyance en un ange déchu, Satan, responsable avec son armée du chaos et du mal. »

On a ici un paradigme de l’idéologie sioniste, faisant porter, à la différence des juifs d’avant 587 av.J.-C., la responsabilité du Mal sur l’Autre, en l’occurrence le « terroriste » ou le dénommé « antisémite », incarnation de Satan.

Pour autant, le libre arbitre couplé au sentiment de responsabilité, (transformé en « haine de soi » par les sionistes), n’est pas, comme l’idolâtrie des armes, tombé du ciel. À la formule de Renan : « le désert est monothéiste, sublime dans son uniformité, il révéla à l’homme l’idée de l’infini mais non le sentiment d’une vie incessamment créatrice qu’une nature féconde a inspiré à d’autres races ». Cet extrait de Histoire générale et Système comparé des Langues Sémitiques, Régis Debray le commente comme suit : « C’est en périphérie que les tables de la Loi sont octroyées, c’est là que Moïse rencontre Dieu au milieu des cailloux, sur le mont Oreb. La ville et ses fastes confrontent l’homme à l’homme. Babylone, en revanche est le siège impur du pouvoir, où se pavanent les antéchrists. Le désert et son dénuement incitent à lever la tête, à trouver l’interlocuteur au-dessus puisqu’il n’y en a pas à côté. On fait alors parler le Grand Autre, on devient ventriloque. »

Une ventriloquie dont relèveraient les propos d’un Lieberman comparant l’absence de veto des États-Unis à la condamnation de la colonisation et la réunion des chefs d’États du 15 janvier 2017, à l’affaire Dreyfus.

Ventriloques assurément les fondateurs sionistes et leurs successeurs jusqu’à nos jours.

Plus qu’à l’Éternel Tout-Puissant, c’est au Prince de Machiavel, considéré par Althusser comme un manifeste, que devraient se référer les auteurs de la déclaration « d’indépendance » tant les acteurs sionistes s’apparentent au Prince, « prophète autorisé », de l’auteur.

Le Prince est en effet, autorisé de Dieu, comme Ben Gourion et ses pairs, se référant au « cadastre » qu’offrirait aux sionistes la bible.

Le Prince doit décider et agir seul. Un écho de l’unilatéralisme israélien qui fait obstruction à toute intervention d’un tiers international dans le règlement de l’annexion de la Palestine, baptisée « conflit israélo-palestien. »

Le Prince est, selon Machiavel, un prophète en armes, à la différence des prophètes de prière comme Savonarole, qui finira au bûcher, ou des prophètes du seul savoir, et donc « oiseux » et inopérants comme Platon ou Aristote. Un paradigme ici de la puissance de l’armée israélienne et d’un service militaire de deux ans pour les femmes et trois ans pour les hommes.

Le Prince recourt à un forçage incontournable, pour fonder ce qui après coup passera pour « naturel ». On reconnaîtra ici la politique du fait accompli sur le terrain dans les Territoires occupés, qui, le temps aidant, aboutit à une forme de normalisation, autre nom de l’annexion.

Le Prince prend, pour réparer un État « corrompu » ou fonder un Empire, des mesures inchangeables où les dispositions morales et psychologiques n’entrent pas en considération et sont hors de propos. Un écho ici des quelque 2 500 ordres militaires utilisés par Israël depuis 1967 pour détruire la société palestinienne, saper toute reconstruction de mouvement national. Une illustration aussi, de la surdité de son gouvernement eu égard aux condamnations des droits humains formulés dans les résolutions onusiennes. Un rappel aussi des juifs non sionistes, qui auraient « la haine de soi ».

Citons à cet effet ce passage éloquent du livre VI du Prince de Machiavel : « si l’on doit peu raisonner sur Moïse, parce qu’il ne fut qu’un simple exécuteur des ordres de Dieu, il y a toujours lieu de l’admirer, ne fût-ce qu’à cause de la grâce qui le rendait digne de s’entretenir avec la Divinité. Mais en considérant les actions et la conduite, soit de Cyrus, soit des autres conquérants et fondateurs de royaumes, on les admirera également tous, et on trouvera une grande conformité entre eux et Moïse, bien que ce dernier eût été conduit par un si grand maître. […] Qui lit la Bible de manière sensée, verra qu’il a été forcé, en voulant que ses lois et institutions fussent acceptées, de tuer un très grand nombre d’hommes. »

L’instrumentalisation de la figure mythique de Moïse (dont on n’a aucune preuve de l’existence) dans Le Prince de Machiavel, a fourni un mode opératoire utilisable et utilisé au-delà des limites de Florence et de l’Italie…

Eu égard à l’idolâtrie israélienne pour les armes, on pourrait imaginer une mise à jour de la Déclaration « d’indépendance », laquelle déclarerait vénérer, en fait de « tout-puissant », un dieu du métal , comme le sumérien Ninurta, fils d’Enlil, ce métal constitutif des armes livrées, entre autres, par 21 pays européens sur 27, en 2012, année de la signature d’un accord de coopération avec Israël portant sur 60 programmes…

Philippe Cross.

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