MACRON : En Marche vers le Pouvoir Absolu ?
Par Philippe D. VINCENT
Polytechnicien, créateur d’Entreprises dans le numérique, Patron d’une PME à forte croissance, tout dans mon profil me destinait à être partisan d’Emmanuel Macron.
Et en même temps, élevé à l’Ecole de la Science et de la Raison, je me suis toujours attaché à retrouver l’esprit du XVIIIé siècle dans l’interprétation des phénomènes que j’observe. Cela ne veut pas dire que tout soit rationnel, mais la raison doit être le guide qui encadre nos passions, ce que j’ai formulé dans l’aphorisme :
Toute Passion qui ne serait pas domestiquée par la Raison serait la porte ouverte à tous les fascismes,
Toute Raison qui ne se nourrirait pas de Passion ne serait qu'une terre aride incapable de porter de fruits.
A ce titre, l’observation du phénomène Macron m’a fait détecter, dans sa démarche, de graves erreurs potentiellement dangereuses pour notre Démocratie Républicaine.
Mes deux critiques majeures portent sur sa méthode et sur l’idée de base de son mouvement.
1- La passion d’abord.
Dans un premier temps, Emmanuel MACRON a joué sur la séduction, l’émotion et l’affectivité pour s’attacher des partisans fidèles (en particulier, les jeunes), prêts à le suivre « par amour », dans toutes ses proclamations ultérieures ([i]). N’eût-il pas mieux valu partir de l’exposé de son programme, pour entrainer l’enthousiasme par l’adhésion à ses idées ?
Ce qui me gêne, dans cette prééminence de la passion, c’est que les régimes fascistes ont suivi la même méthode pour arriver au pouvoir. On se souvient des discours enflammés du Duce, de la Marche sur Rome, de Juan Perón et sa madone Eva. On se souvient des mouvements de jeunesses sur lesquels les deux dictateurs se sont appuyés pour prendre le pouvoir.
Bien sûr, on ne peut a priori assimiler MACRON à un fascisme, mais cette proximité de méthode est dérangeante pour quelqu’un qu’on ne connait pas vraiment. On peut imaginer le scénario catastrophe d’un glissement progressif vers un pouvoir personnel fascisant :
Après les flonflons, le Président Macron se retrouve confronté au réel. Il ne peut tenir ses promesses démagogiques. E.M. se raidit. Avez-vous remarqué comme son sourire enjôleur se métamorphose en un regard dur qui fait frémir, quand on lui tient tête, comme Léa Salamé lors du débat sur France 2 du 6 avril ? Cet homme ne supporte pas la contradiction !
Après avoir attiré les jeunes en mal de reconnaissance et les vieux en mal de recyclage, avec ses « je vous aime farouchement » (qui voulaient dire en réalité « aimez-moi farouchement »), viendra le temps des « Au secours mes amis, ils veulent nous empêcher de sauver la France ».
C’est ainsi qu’arrivent les fascismes. Il y a dans celui qui a pris pour initiales de son mouvement celles de son nom, les germes d’un pouvoir personnel autoritaire qui prétendra sauver le pays dans une Union Nationale Musclée. On sait comment ça commence, on ne sait pas comment ça finit.
2 -Ni Droite, Ni Gauche, Ni centre !
L’idée de base du mouvement « En Marche » est de partir d’un constat : les citoyens en ont marre d’assister aux bagarres incessantes entre les représentants de la gauche, de la Droite, du Centre. On se dit : ne peuvent-ils se mettre d’accord sur la meilleure politique pour le pays ? Pour répondre à cette exaspération, Emmanuel MACRON propose de créer un grand Parti où toutes les sensibilités seraient représentées par des gens de bonne foi prêts à sauver le Pays.
C’est, malgré les apparences, une mauvaise idée car elle conduirait à un affaiblissement du Débat Démocratique.
Une fois En Marche au pouvoir, il n’y aurait plus lieu de discuter à l’assemblée entre les conceptions de Gauche, de Droite ou du Centre, puisque ces tendances seraient représentées à l’intérieur du « Mouvement ». Le Débat démocratique doit être public, et la structuration de l’Assemblée en Partis est une nécessité pour la transparence et la participation des citoyens à la conduite du pays Avec MACRON, les discussions se feraient "en petit comité"…
Pire, la composition de la majorité Parlementaire se déciderait avant le vote, par les arbitrages internes à EM. L’opinion glisserait-elle à droite ou à gauche, elle n’aurait aucune manière de l’exprimer dans les urnes, puisqu’un seul nom serait proposé à chacun, au gré de sa circonscription. Et puis, les députés s’auto-reconduiraient tous les 5 ans, les décideurs restant les mêmes et la stabilité du Mouvement exigeant cette conservation des équilibres.
En amalgamant dans un même mouvement des courants de pensée aux logiques différentes, E.M. détruit ce qui constitue l’essence même de la Démocratie : le pluralisme transparent.
La Démocratie repose sur la structuration formelle de la diversité politique afin de rendre visible à tous les échanges d’arguments, et qu’ainsi les citoyens participent à ces débats. C’est une nécessité pour la cohésion nationale, pour éviter que le peuple ne se retrouve sous tutelle, le peuple qui, en Démocratie, est censé être la source du Pouvoir (article 3 de la Constitution).
Le plan de Macron, s’il se réalisait, conduirait de facto à cette confiscation au profit d’un président qui aurait dans ses mains tous les pouvoirs : ce serait un Coup d’Etat Permanent instauré de fait par un Macron autoproclamé Monarque éclairé.
La Démocratie n’est pas la délégation à un homme de la conduite du pays, quelles que soient ses qualités. L’idée de MACRON contient en germe l’instauration d’un régime de Parti Unique.
3 – Un peu d’humour : le Ratissage.
MACRON ratisse large, entend-t-on souvent. En réalité il fait plutôt penser à un rameur dans son canoé-kayak qui donne un coup de rame à droite, un coup à gauche … pour ramasser à la pelle le plus de soutiens possibles. Le français a un mot pour cette action désordonné des pagaies, la pagaille.
4 – Conseil d’ami.
Comme antidote au risque qui guette les chefs d’Entreprise de prendre la grosse tête, je me suis inventé un proverbe que je me récite tous les matins. Il marche aussi pour les hommes politiques, et je le dédie au chef du mouvement En Marche:
« Quand on marche en se regardant le nombril, on a toutes les chances de se casser la gueule ! »
Bonne chance et … attention à la marche !
Philippe D. VINCENT site : ausecoursvoltaire.fr
Polytechnicien (61), Doc.es Sciences Math. (1969), Chef d’Entreprises (groupe INOVATIC)
[i] Lors d’un meeting d’EN MARCHE, Emmanuel MACRON, en pleine exaltation devant la foule, lâche, au milieu d’une tirade enflammée :
« Et puis je supprimerai le RSI ! ».
Tonnerre d’applaudissements, agitation frénétique de drapeaux, enthousiasme de la foule des jeunes placés au premier rang ! Bravo pour la scénographie !
Je me dis : combien de ces jeunes ayant au plus 23 ans, qui applaudissent à tout rompre, savent ce qu’est le RSI ! Si Emmanuel MACRON avait déclaré : « Et je supprimerai le RSA », j’imagine qu’ils auraient applaudi de la même manière …