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Billet de blog 14 mai 2024

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ELECTIONS EUROPEENNES : LE FIASCO DU POLITIQUEMENT CORRECT

En plaçant en tête de leur liste des femmes, les principaux partis politiques ont voulu se donner une image moderne, féministe, ouvert à la diversité et surtout à la parité. Mais, ce casting, digne de la téléréalité, se fracasse sur la règle d’or de la politique : l’incarnation.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En plus d’être des femmes, Valérie Hayer, Manon Aubry, Marie Toussaint et Marion Maréchal ont deux points communs : elles sont têtes de liste de leur parti respectif pour les élections européennes et leur campagne est, à ce jour, un désastre.

Pour chacune d’entre elle, on peut trouver une cause spécifique à cette situation.

Valérie Hayer part avec un handicap du fait même qu’elle représente la majorité. Depuis l’instauration du quinquennat, les élections entre deux présidentielles – municipales, régionales, européennes – sont des élections sanctions du pouvoir, à la manière des mid-term élections américaines. Il n’est donc pas étonnant que la liste Renaissance soit distancée par celle du RN.

Marie Toussaint a pour handicap d’être novice en politique et de porter le message embrouillé des écologistes dont on retient moins les propositions pour le climat que les errements wokistes et faussement féministes.

Manon Aubry est plombée par les errements de Jean-Luc Mélenchon sur le Proche Orient, l’Ukraine, le Hamas, Gaza et autres sujets.

Marion Maréchal est victime de ses erreurs stratégiques. Pour marquer sa rupture et montrer qu’elle avait largué les amarres avec la Marine, la petite fille préférée du fondateur du FN a supprimé de son patronyme, la mention Le Pen, croyant ainsi ne plus avoir à porter la mauvaise image de la « marque » Le Pen. Mais, de ce fait, elle a perdu une identité politique qu’elle a apporté sur un plateau à Éric Zemmour qui incarne l’extrémisme de droite.

Pour acceptables qu’elles soient, ces explications ne suffisent pas à comprendre pourquoi ces candidates « n’impriment pas » comme disent les médias.

Il apparait que ce fiasco tient à deux raisons qui se cumulent et dont les partis politiques sont responsables.

La première est la contradiction entre le discours et les actes. Tous les politiques – qu’ils soient pro ou anti-européens – s’accordent sur le fait que l’Europe est essentielle puisque notre destin se joue à Bruxelles et donc à Strasbourg. Mais, au moment des élections, il n’y a plus personne, aucun des leaders – à l’exception de Jordan Bardella – ne s’engage directement.
Dans la majorité, c’est sauve qui peut. Toutes les têtes de pont – de Attal qui préfère les ors de Matignon à Le Maire qui s’accroche à Bercy en passant par Beaune qui pense à la Mairie de Paris en se rasant le matin – se sont défilés.

Chez les écologistes et les LFI, Marie Tonnelier et Mathilde Panot n’ont pas un seul instant songé à s’exiler dans la capitale alsacienne, synonyme d’éloignement des feux médiatiques et du jeu politique national.

La seconde raison est que pour donner le change et faire illusion, les partis politiques ont fait le choix du politiquement correct en nommant des « femmes jeunes, compétentes, modernes qui renouvellent et apportent un air neuf à la politique » selon les éléments de langage qui surfent sur l’air du temps et qui permettent de se donner bonne conscience en montrant son attachement à la place des femmes en politique et à la parité.

Le résultat est un naufrage. Voilà, ce qui arrive quand on confond la politique avec la star-académie, quand on fait un casting pour télé-réalité et non des choix en fonction d’une stratégie politique.

Ces têtes de liste qui sont en réalité des choix par défaut sont transparentes et n’incarnent rien, ce qui est la pire des situations en politique. La politique, c’est l’incarnation d’une idée, d’un projet.

A ce titre, ce n’est pas un hasard si Jordan Bardella caracole en tête des sondages et Raphaël Glucksmann progresse au point de menacer la liste macroniste.

N’en déplaise aux féministes et aux bien-pensants, cela n’a rien à voir avec le sexe des candidats. L’incarnation est – si on peut dire - non binaire. Elle s’exprime aussi bien au masculin qu’au féminin.

La performance de Bardella et Glucksman ne tient pas au fait qu’ils sont des hommes mais que l’un et l’autre incarnent une idée : la déseuropéanisation pour le premier et une Europe indépendante et puissante, pas très éloignée d’ailleurs de celle voulue pas Emmanuel Macron.

Les politiques ont oublié cette règle d’or. Dans les différents partis, il y a plusieurs figures -féminines autant que masculines - qui auraient pu incarner une idée et une certaine approche de l’Europe mais ils ont fait un choix reposant sur une logique politiquement correcte.

Cet échec des candidatures féminines mettra-t-elle un terme à la montée en puissance de la féminisation de la vie politique, à l’obsession de la parité ?

Non, au contrairement. Paradoxalement, ce sera l’apothéose, l’aboutissement du long chemin vers la reconnaissance de la place des femmes en politique et leur statut égalitaire avec les hommes, …. si on en croit Françoise Giroud.

La journaliste, co-fondatrice de l’Express a été la première femme à entrer dans un gouvernement pour défendre la cause des femmes. En 1974, avec le titre de secrétaire d’Etat à la condition féminine, elle avait lancé un ambitieux programme visant, dans tous les domaines – social, travail, loisir, politique – à assurer la promotion des femmes et leur égalité avec les hommes, objectif ultime.  Or, elle considérait – avec un certain humour – que « la femme sera vraiment l'égale de l'homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente.”

A voir le spectacle donné par des hommes et des femmes politiques, on ne peut qu’en conclure que l’égalité homme-femme selon Françoise Giroud est atteinte.

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