Le 7 octobre 2023, l’organisation terroriste Hamas lance une série d’attentats d’une horreur absolue contre Israël – massacre dans un kibboutz, bombardement d’un concert de musique, viols et enlèvements – qui au total feront 1200 victimes, le plus important pogrom depuis la seconde guerre mondiale.
La condamnation de ce qui n’est rien d’autre qu’une tentative de déstabilisation d’Israël est unanime.
Le gouvernement israélien, après quelques jours de flottement et de mise en cause des services de renseignements qui n’ont rien vu venir, lance une riposte militaire massive contre les terroristes dans la bande Gaza, leur base de repli.
Le monde entier soutient ce qui est considéré comme une riposte légitime.
Mais rapidement, l’objectif de combattre les terroristes et d’anéantir le Hamas se transforme en guerre contre la population de Gaza. Au prétexte que les terroristes se cachent dans les sous-sols des bâtiments administratifs et des hôpitaux, ceux-ci sont bombardés sans discernement. Le nombre de victimes augmente chaque jour : 5000, 10 000, 20 000, etc.
Netanyahou et ses alliés – les partis religieux intégristes – cachent de moins en moins que leur objectif est de « nettoyer » Gaza en repoussant la population, jusqu’à la mer ou vers d’autres pays, comme l’Egypte ou la Jordanie pour réaliser le rêve du « Eretz Israël », le grand Israël, y compris au prix d’un embrasement de la région, avec des attaques contre l’Iran et le Liban. La politique du gouvernement israélien, c’est le nettoyage ethnique ou le génocide.
La communauté internationale tente de calmer le jeu et de ramener Netanyahu à la raison. Le premier ministre tergiverse. Mais l’élection de Trump le désinhibe. Assuré du soutien absolu du nouveau locataire de la Maison Blanche, il relance la machine infernale, ignorant les accusations de « crimes de guerre et contre l’Humanité » lancées notamment par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.
Inévitablement, ce qui devait arriver arriva et rapidement : une montée pour ne pas dire une explosion de l’antisémitisme dans le monde entier, y compris en France. Netanyahu devient le plus grand pourvoyeur d’antisémitisme. Mais il est dans le déni et l’inversion de culpabilité. Jeudi 22 mai après le meurtre de deux jeunes fonctionnaires de l’ambassade d’Israël à Washington, il a dénoncé cet acte antisémite dont il a fait porter la responsabilité à la communauté internationale et en particulier à certains pays occidentaux comme la France qui ont la mauvaise idée de critiquer les actions de son gouvernement à Gaza. Il ne lui vient pas à l’esprit que ce sont les crimes de guerre qu’il commet dans ce territoire qui suscite l’antisémitisme. Cette posture fait peser une lourde menace sur la communauté juive mondiale.
En effet, toutes les autorités politiques internationales, de plus en plus hostiles à la politique de Netanyahu s’efforcent d’expliquer qu’il ne faut pas confondre Israël et son gouvernement avec la population Israélienne et la diaspora juive et condamnent les actes antisémites, quel qu’en soit la nature, des propos à l’agression ou au meurtre en passant par les tags et le déferlement de haine sur les réseaux sociaux.
C’est l’Etat d’Israël, le gouvernement et le premier ministre qu’il faut condamner, pas les juifs.
Mais, cette digue consistant à distinguer l’Etat Hébreu et son gouvernement des juifs tiendra-t-elle longtemps ?
N’approche-t-on pas d’un moment de bascule où cette digue cédera et où cette distinction ne sera plus audible ? La réponse est entre les mains des Israéliens et des juifs du monde entier. En effet, si les uns et les autres ne se lèvent pas massivement et violemment pour dénoncer les agissements du gouvernement Netanyahu, de sa coalition de dirigeants de partis religieux intégristes et des hauts cadres de Tsahal, il deviendra difficile de faire la distinction entre d’un côté l’Etat d’Israël et sa politique et de l’autre le peuple juif. Celui-ci sera jugé comptable et responsable devant la communauté internationale et l’Histoire de la situation à Gaza. Le silence vaudra complicité. Ce glissement rappelle un précédent historique.
Dans les années 30, avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler et l’activation de sa politique raciste et surtout antisémite, on dénonçait les nazis, pas les Allemands eux-mêmes. On faisait la distinction entre les dirigeants de cette Allemagne brune et le peuple germanique. Mais, à partir de 1940, plus de distinction entre Allemands et nazis. Ce ne sont plus les nazis mais l’Allemagne et le peuple allemand qui sont responsables des horreurs de la seconde guerre mondiale et encore, au début, on ne savait pas tout – loin s’en fallait – sur la réalité des camps de concentration.
On approche de cette heure où la digue va sauter et où l’amalgame s’imposera parce que, contrairement à « l’allemand moyen » des années 40, « le juif moyen » d’aujourd’hui ne peut pas avoir l’excuse de ne pas savoir, de n’être pas informé.
Informé de quoi ? Informé par exemple que Netanyahu organise le ghetto de Gaza comme Hitler avait organisé le ghetto de Varsovie.
La preuve par l’Histoire.
En octobre 1940, les Allemands ordonnent aux juifs de Varsovie de se regrouper dans le quartier juif historique de la capitale polonaise. En quelques semaines, 400 000 juifs seront implantés dans ce petit périmètre qui ne comptait que quelques milliers d’habitants. Le secteur est totalement bouclé au sens propre du terme avec la construction d’un mur d’enceinte. Obligés, pour beaucoup, de vivre dans la rue, privés d’eau, de médicaments et de nourriture, 80 000 juifs de Varsovie – hommes, femmes et enfants - vont mourir de froid, de maladie et de faim.
Or, que fait Netanyahu en bombardant sans cesse et sans distinction les habitations, les infrastructures - à commencer par les hôpitaux -, en forçant les Gazaouis à se regrouper dans un espace de plus en plus réduit, en bloquant l’aide humanitaire et l’arrivée de la nourriture si ce n’est un ghetto de Gaza ? 55 000 Gazaouis – hommes, femmes et enfants - sont déjà morts des bombardements mais aussi, faute de soins, et maintenant de nourriture parce que les convois humanitaires sont bloqués depuis des semaines. Les stocks s’épuisent, la famine menace. L’objectif n’est même plus caché. Le ministre du patrimoine, Amichaï Eliyahu a déclaré, au début du mois de mai, à propos des Gazaouis, « ils devraient mourir de faim ».
En 2024, Yoav Gallant, alors ministre de la défense déclarait à propos aussi des Gazaouis « nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence ».
Eh oui, le ministre d’un Etat démocratique, créé sous les auspices de l’ONU, soutenu et protégé par toutes les puissances démocratiques compare un peuple à des animaux.
Le premier ministre israélien n’a que faire des otages détenus par le Hamas. Il a accepté – sous la contrainte internationale – plusieurs cessez-le-feu pour permettre la libération d’otages ayant une double nationalité, notamment française. Au début du mois de mai, pour obtenir la libération d’un otage israélo-américain, Donald Trump est passé par-dessus la tête de Netanyahu en négociant directement avec le Hamas. Les otages qui ont « le malheur » de n’avoir qu’un passeport israélien sont, pour le chef du gouvernement de Tel Aviv, à classer dans la catégorie « pertes et profits ».
Comment croire que, cela se passant au vu et au su de tout le monde, diffusé sur toutes les télévisions du monde, un jour ou l’autre – et sans doute dans pas longtemps – les juifs en tant que peuple ne seront pas jugés responsables et coupables de ce qui n’est rien d’autre qu’un crime comme l’humanité dont l’intensité se rapproche de celui dont ils ont été victimes avec la Shoah ?
Ce jour-là, l’antisémitisme - qui ne cesse de progresser - deviendra incontrôlable et pire encore, il sera difficile de le combattre et de justifier ce combat au nom de l’histoire et des valeurs humanistes parce que, à l’argument de la Shoah, sera opposé celui de Gaza. Varsovie, versus Jabaliya.
Selon un proverbe bien connu, « qui sème le vent récolte la tempête ». Par leur silence qui vaut complicité avec le gouvernement d’Israël, les juifs vont se prendre une tempête qui va les ramener aux heures les plus sombres de leur histoire.
Emmanuel Macron peut bien déclarer que la situation à Gaza est « une honte », annoncer que la France va reconnaitre l’Etat de Palestine, l’Union européenne peut bien décider de rompre l’accord d’association avec l’Etat hébreu parce que celui-ci ne respecte pas les droits de l’homme, Donald Trump peut bien dénoncer cette situation et les pays arabes peuvent bien menacer Israël, à la fin des fins, seuls les juifs - israéliens et diaspora unis - ont la capacité d’obliger Netanyahu à arrêter ses folies criminelles.
Dans quelques dizaines d’années, peut-être qu’un président ou un premier ministre d’Israël reconnaitra la responsabilité de son pays et dira, à la manière de Jacques Chirac en 1995, à propos du rôle des autorités françaises dans la rafle du Vel d’Hiv de 1942 que « ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions ». Mais pour que cela soit possible, il faudrait qu’aujourd’hui se lève une résistance intérieure en Israël et extérieure dans la communauté juive internationale.
Il y a certes des manifestations de la part d’une partie de la population israélienne contre la guerre et surtout pour le retour des otages mais où sont l’opposition politique, les partis de gauche, les héritiers de Rabin et Pères ?
Dans la diaspora, où sont les grandes voix de la communauté juive mondiale ?
En France, dans une tribune publiée dans Le Monde le 8 mai, des personnalités juives comme la rabbine Delphine Horvilleur, la journaliste Anne Sinclair et l’historien Marc Knobel, ont dénoncé la « déroute politique » de l’Etat hébreu. Des philosophes, historiens et sociologues ont également pris la parole ces derniers jours face à la situation catastrophique dans l’enclave palestinienne.
C’est un premier pas mais où sont passés le Conseil représentatif des institutions juives (CRIF) et le grand rabbin de France Haïm Korsia ? Leur silence est trop assourdissant pour être acceptable.
La communauté juive mondiale doit se réveiller parce que le jour où, de peuple victime, les juifs deviendront peuple bourreau, il sera trop tard.