« Yesterday ... »
Malgré les apparences, le présent livre n’a pas été écrit pour des experts. Et même s’il y est beaucoup question d’économie et d’argent, ce n’est pas pour autant un traité d’économie. Il a été écrit « pour tout le monde » en se fondant sur l’idée que chacun est en mesure de délibérer valablement sur certains sujets, par exemple les règles de fabrication de l’argent, dont on recommence aujourd’hui à pressentir l’enjeu vital. On va s’en expliquer ici.
Il n’y a en fait dans ce livre que deux idées ou, peut-être, trois ; tout dépend de la façon dont on les regroupe. Malgré les apparences, ces pages n’ont pas pour ambition de démontrer que pour tordre le coup au chômage et à la pauvreté, il n’y aurait qu’une voie possible, à savoir instituer une allocation universelle et faire « marcher la planche à billet ».
Le propos est plus modeste. Il s’agit non pas de démontrer mais, plus simplement, de contribuer à réintroduire une part de doute dans le débat actuel en matière de politique économique.
Vers la fin des années 90, il était beaucoup question dans notre pays de ce qu’il était convenu alors d’appeler la « pensée unique », c’est-à-dire l’idée selon laquelle une conception monolithique et impérieuse de la politique économique était en train de se répandre, étouffant peu à peu toutes les autres propositions, éventuellement aussi riches de potentialités et de progrès.
Ce débat sur la « pensée unique » est complètement oublié aujourd’hui. Les crises financières sont passées par là et le monde occidental, Europe en tête, ne pense plus qu’à une seule chose : la compétitivité.
Dans un pays dont on nous dit qu’il est en voie de désindustrialisation, première étape vers le sous-développement, la reconquête de la compétitivité fait consensus. Il nous faut donc rassembler nos forces et chacun à sa place doit travailler à la réussite du plan qui a été arrêté par le Gouvernement pour le bien du pays. La tension ne cesse de monter, l’état de péril économique est déclaré. On ne parle plus que de menaces, d’efforts et de dangers ...
Quelle tristesse cependant d’entendre aujourd’hui ces appels au courage et à la mobilisation qui en rappellent d’autres, plus anciens et de funeste mémoire ... C’est d’autant plus triste que durant les trois décennies qui ont suivi la seconde guerre mondiale, on n’entendait pas du tout la même chose en Europe. Dans les copies de tous les lycéens, il n’était question que de progrès et de réformes. Durant ces années, le mot réforme était synonyme d’émancipation et partage de la prospérité. Aujourd’hui, le même mot ne signifie plus que redressement moral et financier. Comme si le progrès du pays ne dépendait plus désormais que de la mise en oeuvre de réformes, forcément courageuses et impopulaires, qui visent à faire marcher d’un même pas une société soupçonnée de laisser-aller. Il importe de mettre fin à l’irresponsabilité : tout a un coût et tout doit se payer.
En fait, on le sent bien, c’est l’idée même de progrès collectif qui est en train de nous échapper. Désormais, le progrès est devenu une vertu individuelle : on ne progresse que par le travail et l’effort personnel, avec un seul critère : s’imposer et gagner. Le progrès collectif, celui qui protège et rend possible l’amoncellement désordonné des petits bonheurs individuels, est en train de devenir une utopie. Quel effarant changement de perspective par rapport aux années d’après guerre.
Il est vrai que durant ces années, il était difficile de dresser les gens les uns contre les autres. Il y avait eu tant de morts et de souffrances que tout le monde aspirait à la tranquillité et à la quiétude. Le marché commun naissant qui réunissait au lendemain de la guerre l’Allemagne, la Belgique, la Hollande, l’Italie, le Luxembourg et la France n’avait de sens que parce qu’il procédait d’abord de la volonté de vivre en paix et de préparer paisiblement le retour à une prospérité bien partagée. Chaque adolescent sentait à l’époque que le progrès était bien réel et qu’il poussait tout le monde vers l’avant.
Le coup de froid est tombé en septembre 1973 avec la première crise pétrolière. Le mot crise est arrivé, d’abord comme une nouveauté, ensuite comme un mauvais moment à passer, puis elle s’est installée. Alors, on s’est habitué à vivre avec le chômage, la croissance ralentie, la dérive des comptes et la sensation récurrente d’un désastre qui nous envoie au ralenti dans le mur.
On dit que les Français seraient les plus pessimistes des Européens. C’est bien possible car il est vraisemblable que ce sont eux qui ont le plus rêvé du bonheur imminent pendant quelques années. Comment un jeune peut-il bien regarder aujourd’hui son avenir et ses chances de vivre heureux, à l’écart des grandes inquiétudes sociales et économiques ? Il est probablement bien plus mûr et « responsable » que ses parents au même âge. Les années Beatles sont loin.
La premier souhait présenté dans ce livre est donc celui de l’allocation universelle. Il s’agit en quelque sorte de renouer à quarante ans d’intervalle avec une époque révolue, celle des années 60 où notre pays, complètement sorti de la guerre, s’élançait avec enthousiasme vers un avenir radieux. Aujourd’hui, on aimerait bien pouvoir rêver encore et faire comme à cette époque : construire délibérément une société moins inquiète qui met tout en oeuvre pour qu’il y ait pour chacun du travail et un minimum de sécurité matérielle.
Le premier propos de ce livre n’est pas d’affirmer qu’il faut faire l’allocation universelle et qu’elle va comme par miracle résoudre les problèmes de pauvreté.
Le propos est plus modeste.
Il s’agit simplement d’indiquer que l’instauration d’une allocation universelle n’est pas une utopie, même dans le contexte d’une croissance ralentie de 2 %, celle que l’on connaissait jusqu’au déclenchement de la crise financière de 2008.
Bien sûr, plus la croissance est lente, plus les marges disponibles sont étroites, ce qui allongerait d’autant le temps nécessaire pour porter l’allocation universelle à un niveau significatif. Avec une croissance de l’ordre de 2 % par an, il suffirait d’une demi génération pour instaurer une allocation universelle d’un montant nominal équivalent à celui de l’actuel revenu de solidarité active (RSA).
Encore faut-il s’expliquer sur l’intérêt du projet d’allocation universelle. Là encore, le propos n’est pas de « démontrer que c’est la solution », mais simplement de mettre en évidence un certain nombre d’avantages de l’allocation universelle, en particulier le fait que ce serait un moyen efficace pour protéger le travail non qualifié et donc pour lutter contre le chômage de masse et la précarité qui frappent indistinctement beaucoup de salariés et de travailleurs indépendants.
Le livre consacre cinq chapitres à l’allocation universelle.
Le premier - « Liberté, égalité ... fraternité » - voudrait faire pressentir que l’allocation universelle n’est pas un projet moralement déraisonnable, du moins si l’on croit que les logiques de marché ne constituent pas l’alpha et l’oméga du développement des sociétés.
Le second - « Pour en finir avec une utopie » - voudrait faire apercevoir que la mise en oeuvre d’une allocation universelle ne se heurte pas à un mur infranchissable. Il est possible d’y réfléchir de manière concrète et réaliste.
Le troisième chapitre - « protéger le travail » - voudrait monter en quoi l’allocation universelle permettrait de prolonger, d’unifier et d’amplifier l’effet des trois systèmes d’aide actuels (la prime pour l’emploi, le RSA et la réduction « Fillon » de cotisations sociales) qui aujourd’hui s’efforcent dans le désordre de protéger l’emploi et soutenir le revenu des salariés les moins qualifiés.
Le quatrième chapitre - « Contrat social et contrats de travail » - voudrait quant à lui présenter et expliquer la mécanique, en réalité très simple, qui pourrait articuler le versement de l’allocation universelle avec la rémunération des contrats de travail, ce qui permettrait de soutenir la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée. L’effet de ce soutien serait maximum dans le cas des salariés les plus modestes du fait de la « sanctuarisation du SMIC », lequel pourrait se définir comme le niveau de rémunération du travail sur lequel la loi ne prévoit aucune charge car soit cette charge sera prélevée au détriment de la rémunération versée au travailleur, soit elle aura pour conséquence de majorer la valeur de la production à assurer, au risque de faire disparaître l’emploi.
Et enfin un cinquième chapitre - « 12 ans ½ » - s’efforce de présenter de manière concrète comment l’instauration d’un projet d’allocation universelle pourrait intervenir : dans quels délais et avec quelles évolutions fiscales pour son financement. Le relèvement et l’unification de la TVA à 25 % paraissant constituer la source de financement la plus efficace ... mais aussi pas forcément injuste dès lors qu’elle se combinerait avec le versement d’une allocation véritablement universelle. Ce chapitre permet aussi de toucher du doigt comment la situation des différentes catégories sociales pourrait se trouver modifiée. Le point commun de toutes les évolutions étant une sécurisation des revenus dans le bas de l’échelle de chacune des catégories, mais sans confiscation de bien être au niveau des personnes les mieux loties.
Mais quand bien même l’allocation universelle ne serait pas une utopie, quand bien même il serait possible de l’installer en l’espace de quelques années et quand bien même elle permettrait d’atténuer les inégalités et protéger le travail des plus faibles, encore faudrait-il s’expliquer sur les raisons les plus profondes qui pourraient la rendre désirable et souhaitable.
Là encore, le livre ne cherche pas à démontrer la nécessité de l’allocation universelle mais seulement à faire entrevoir l’état d’esprit dont elle procède, à savoir le lien social.
Les Français, peut-être plus qu’aucun autre peuple au monde, sont préparés à comprendre la portée inestimable d’un projet d’allocation universelle, non pas seulement en raison de ses avantages pratiques en terme de soutien des revenus et de protection du travail, mais surtout sur le fondement des rapports sociaux renouvelés dont elle procède. En cohérence totale, selon l’auteur, avec les lumineux principes de notre République.
Ces perspectives nous portent assurément bien loin de la société que, bon gré mal gré, nous nous contraignons de fabriquer aujourd’hui pour résoudre l’équation de la concurrence et de la compétitivité économique. L’utopie réside là, non pas dans le projet d’allocation universelle lui même mais dans les prémices économiques de la société contemporaine qui nous font considérer comme une utopie le fait même d’imaginer que l’on puisse organiser le progrès et oeuvrer délibérément à un partage harmonieux de la prospérité. Et pourtant, le monde contemporain n’a-t-il jamais été aussi riche de puissance technologique et d’abondance matérielle ?
Si le livre en son milieu regorge de graphiques et de chiffres, trop sans doute, ce n’est pas, redisons le encore une fois, pour apporter une improbable démonstration, mais seulement pour susciter un intérêt suffisamment grand et instruit, en sorte que l’on ne puisse pas prendre prétexte d’une supposée incohérence économique pour refuser de prendre en considération le projet.
Dans le temps de désenchantement complet que nous traversons, nous avons besoin de fourbir des avant-projets tels que l’allocation universelle. Car sinon, à quoi bon désirer et vouloir une société plus humaine ? Autant alors courir toujours plus vite dans la pente que nous désigne la pensée unique, celle de la course sans fin à la compétitivité, au succès et à la victoire économique ...
La deuxième idée que porte ce livre est d’ordre macro-économique. Elle est d’ailleurs bien plus que le corollaire de l’allocation universelle. Elle en est le préalable. En effet, quelle que soit l’utilité de l’allocation universelle, on pourrait très bien s’en passer pendant longtemps encore : après tout, pendant les trente années de forte croissance qui ont suivi la guerre, l’allocation universelle ne nous manquait pas puisque le chômage était faible et que la prospérité de retour profitait à toujours plus de monde.
En revanche, le préalable macro-économique de l’allocation universelle est celui d’une monnaie suffisamment abondante pour soutenir la croissance et suffisamment autonome pour qu’il soit possible de restaurer chaque fois que nécessaire l’équilibre des échanges avec le reste du monde.
Chacun sait bien que dans les années qui ont suivi la guerre, on a beaucoup fait tourner la planche à billet. C’était une cause d’inflation mais c’était aussi le seul moyen dont disposait le pays pour relancer son économie et faire en sorte que les Français se remettent au travail, produisent et s’échangent entre eux le produit de leur travail.
On l’a fait à contre coeur, avec le sentiment de mal faire, persuadé que la voie royale du progrès économique était celle suivie par les allemands. Mais eux, ils n’avaient pas besoin quant à eux de dévaluer pour ramener à l’équilibre leur commerce extérieur et, même, ils pouvaient compter sur leurs excédents commerciaux pour tirer leur croissance économique. En 1973, sans que l’on en réalise vraiment la portée considérable, la décision a été prise dans notre pays de cesser de faire tourner la « planche à billet », avec un seul objectif : s’approprier le modèle allemand, son absence d’inflation et sa puissance d’innovation industrielle, résultant de l’exposition à la concurrence internationale.
La deuxième idée qui est présentée dans ce livre est donc que la politique monétaire qui, par la force des choses, a été suivie par notre pays à la sortie de la guerre n’était peut-être pas aussi déraisonnable et contraire au progrès que l’on peut le penser. Bien sûr, le meilleur choix que puisse faire un pays quelconque qui ne regarderait que son seul intérêt sera toujours de tout mettre en oeuvre pour « être premier » et le rester. Ce qui en matière économique veut dire « être la première puissance exportatrice du monde ».
Mais ce qui est valable pour un pays considéré isolément constitue-t-il une voie tenable dans la durée pour les tous les pays à la fois, que ce soit à l’échelle de l’Europe ou du monde ? Là encore, le présent livre ne prétend pas apporter de réponse définitive et catégorique. Il s’efforce seulement de soulever une question très ancienne qui de tout temps a taraudé l’équilibre économique du monde.
Cette question est celle de savoir si l’économie du monde peut tourner rond en l’absence de l’introduction délibérée et détachée du crédit bancaire d’une quantité de monnaie suffisante pour rendre possible la croissance des échanges et donc soutenir l’augmentation de la production. C’est une question vitale. C’était peut-être la première raison du développement des empires coloniaux européens, peut-être aussi la source du décollage économique de l’Europe, laquelle a tout mis en oeuvre pour étouffer celui de l’extrême orient à partir du dix-huitième siècle. C’est peut-être aussi la même problématique monétaire qui explique les déséquilibres grandissants entre les pays d’Europe qui ont choisi de partager une même monnaie, l’Euro ...
La seconde partie du livre ne consacre que deux chapitres à cette question de la création monétaire. En effet, le propos n’est pas comme pour l’allocation universelle d’esquisser quelques plans pour un nouvel ordre monétaire mais seulement de donner à voir en quoi l’ordre monétaire qui prévaut aujourd’hui dans le monde est vicié à la base et ne peut que produire d’incessantes crises.
Le chapitre « D’où vient l’argent » essaye de remette en perspective le rôle crucial que l’arrivée d’or en quantité suffisante a joué pendant longtemps pour rendre possible la croissance économique. Et surtout, à partir de là, il s’efforce de tirer les conséquences d’un système dans lequel, aujourd’hui comme hier, la croissance économique dépend de l’arrivée de monnaie, en quantité suffisante, dans le circuit économique.
Or, cette arrivée ne peut résulter, à titre définitif, que de l’impression de billets de banque par la banque centrale ou d’un excédent commercial (compris au sens large bien sûr en tenant compte des rentrées de monnaie résultant des services et du tourisme), l’un et l’autre dans des proportions variables selon la force économique du pays.
Cette approche relative aux conditions de base de la croissance économique pourra paraître simpliste et même erronée dans la mesure où chacun sait que les lignes de crédit que les banques ouvrent à leurs clients ont rigoureusement les mêmes effets économiques que les billets de banque centrale. Du point de vue de chaque agent économique considéré isolément, il n’y a en effet aucune différence à faire entre les billets de banque centrale qu’il peut déposer sur son compte en banque et la ligne de crédit octroyée par sa banque et qui se traduira dans les mêmes conditions par une majoration de son compte. Mais en revanche, il n’en va pas de même à l’échelle du pays considéré dans son ensemble car il n’y pas de miracle : la monnaie que crée une banque commerciale lorsqu’elle octroie un crédit sera retirée par la suite du circuit économique à raison du remboursement du crédit. Ainsi, le pouvoir de création monétaire des banques est un pouvoir contingent dont les effets de soutien de l’économie sont forcément temporaires. Contrairement au billet de banque centrale qui peut tourner indéfiniment dans le circuit économique, la monnaie créée par les banques doit sans cesse être renouvelée à travers l’attribution de nouveaux crédits, sauf bien sûr si l’on souhaite ralentir l’économie. Et c’est là qu’intervient une grande complication, à savoir l’enrichissement de certains agents économiques !
Le propos tenu ici n’est pas d’incriminer l’enrichissement des entreprises qui marchent, ni celui des personnes, salariées ou pas, qui mettent de l’argent de coté. C’est une réalité économique que le fait même de pouvoir gagner de l’argent est un signe de prospérité personnelle mais aussi, a priori, le signe d’une activité économique profitable à l’ensemble du corps social. Par exemple, les gains de l’entreprise qui fait des bénéfices révèlent que les produits qu’elle fabrique ont aux yeux de ses clients une valeur supérieure aux coûts des ressources humaines et matérielles qu’elle a mobilisées pour leur fabrication.
Le propos poursuivi ici est seulement de souligner que l’enrichissement monétaire, qui est fondamentalement un signe positif au plan micro-économique, a néanmoins des effets défavorables au plan macro-économique puisqu’il se traduit par la croissance des encaisses monétaires de certains agents, au détriment donc de l’alimentation de l’ensemble du circuit économique.
Bien sûr cette approche pourra paraître à nouveau simpliste et erronée dans la mesure où chacun sait que les gens et les entreprises qui ont de l’argent ne le gardent pas dans des bas de laine.
Au contraire, ils remettent cet argent en circulation en le prêtant ...
Alors tout est bien ?
Non, pas tout à fait car ce mécanisme économique ressemble à une gigantesque pompe qui permettrait à certains agents de prélever chaque année une partie de l’argent en circulation pour ensuite le réintroduire non pas intégralement sous la forme d’achats de biens et de services mais sous la forme de prêt. Et dans ces conditions, il est aisé de voir que certes il y a toujours de l’argent dans le circuit économique mais au prix d’un endettement croissant de certains agents, ceux-là même à qui l’on a reprêté l’argent qui sinon dormirait dans des bas de laine ou sur des comptes.
Bien sûr, cette mécanique n’est pas nécessairement catastrophique. Tout dépend des réglages et en particulier de la décision prise par la banque centrale d’introduire ou pas dans le circuit économique de la monnaie libre d’endettement, c’est-à-dire sans obligation de remboursement ni paiement d’intérêts. C’est ainsi que dans notre pays pendant les trente glorieuses la banque centrale ne cessait de consentir inconditionnellement des avances au Trésor Public ce qui revenait en fait à se servir du déficit de l’Etat pour introduire dans le circuit économique les quantités de monnaie croissantes requises par la croissance économique. Dans la mesure où cet apport de monnaie supplémentaire se faisait travers des dépenses d’utilité collective (l’éducation nationale, les équipements publics, etc.) on peut considérer que cette manière d’introduire l’argent dans le circuit économique ne privilégiait aucune catégorie sociale en particulier.
Mais en l’absence d’un introduction régulière de monnaie libre d’endettement, le mécanisme même de la pompe devient dangereux car en effet plus le temps passe plus l’endettement de certains agents augmente en contrepartie de la réintroduction dans le circuit économique de l’enrichissement monétaire d’autres agents. Et il faut être conscient qu’il n’y a pas en théorie de limite à l’accroissement de cet endettement, du moins tant que les agents économiques en position de force (ceux qui ne dépensent pas intégralement l’argent gagné par eux) acceptent de reprêter leur argent à d’autres personnes.
Bien sûr, on peut avancer que les mécanismes même de la création monétaire par les banques commerciales permettent de faire échec à l’accroissement de l’endettement en l’absence de création monnaie libre d’endettement à l’initiative de la banque centrale.
On touche là l’intuition centrale qui motive ce livre. A savoir qu’en l’absence de création monétaire détachée du crédit (ce que seule une banque centrale peut réaliser) et en l’absence d’apport de monnaie par le biais d’un commerce extérieur excédentaire, les mécanismes ordinaires de la création monétaire par les banques commerciale ne permettent pas d’échapper au dilemme monétaire qui se caractérise par l’alternative entre la récession ou l’endettement.
C’est cette intuition que le chapitre « D’où vient l’argent » s’efforce de développer en mettant en évidence ses conséquences funestes, à l’intérieur de chaque pays comme au plan international. On trouvera également en annexe 1 un essai de formalisation de ce dilemme, non pas pour démontrer mais seulement expliciter le dilemme. Seule des simulations économiques menées à une échelle suffisamment large permettraient de tirer au clair la réalité de la menace.
Cette question a certainement déjà été posée par bien des économistes mais il est hélas plus que vraisemblable que jamais aucun pays ni aucun groupe de pays n’ait vraiment cherché à savoir si, oui ou non, on peut se passer, sans danger pour la bonne marche de l’économie, de dispositifs visant à introduire délibérément dans l’économie de la monnaie détachée de toute contrepartie sous forme d’endettement, au plan national comme au plan international.
Il est vraisemblable qu’une telle recherche n’a jamais été mené.
Pour une raison simple, c’est que personne n’est vraiment résolu à abandonner l’idée que l’argent n’est pas une substance en soi. Les échanges économiques du monde ne reposent plus sur l’or. Mais les hommes ont toujours autant besoin de croire que l’argent qu’ils détiennent ou celui qu’on leur remet en paiement a une valeur absolue. C’est pour cette raison que l’idée que l’on puisse fabriquer de l’argent, imprimer des billets de banque et les mettre en circulation sans qu’aucun agent ne soit contraint de s’endetter en contrepartie, est si peu acceptée. Dès que cette éventualité est évoquée où que ce soit, tout de suite il se trouve quelqu’un pour rappeler que cette façon d’introduire l’argent, « c’est la planche à billet », ce qui revient à dire que ce n’est pas une façon sérieuse d’envisager le fonctionnement de l’économie et que cela ne peut en fait conduire qu’à toutes les déconvenues.
Ce qui passe pour sérieux en fait, c’est le tabou de l’argent, c’est-à-dire l’obstination mise à désirer que l’argent gagné ressemble à l’or avec lequel on désire se faire payer en ignorant obstinément que cet or a été extrait un jour d’une mine ou, plus simplement encore, pillé ...
De là vient cette obsession contemporaine à faire en sorte que le seul argent présent dans l’économie ne puisse exister qu’à raison de la création d’une dette dont seul le remboursement attendu permet de garantir la valeur de l’argent mis en circulation. Et lorsque vient le moment pour les banques centrales de desserrer l’étau infernal de certaines dettes publiques ou privées, c’est encore par le biais de prêts aux banques commerciales que se réalise la mise à disposition les fameuses « liquidités », ceci pour éviter « à tous prix » que puisse arriver « gratuitement » dans l’économie les signes monétaires détachés du crédit, dont elle a pourtant tellement besoin.
En réalité, ces logiques d’argent asservi à l’endettement ne sont supportables que par les pays au commerce extérieur largement excédentaire. Et aussi par les Etats-Unis parce que c’est leur monnaie qui a remplacé l’or dont l’économie du monde a toujours eu besoin pour continuer à croître en dépit du dilemme signalé plus haut entre endettement et récession.
Chaque pays du monde fait tourner chez lui des modèles économiques pour déceler la stratégie économique qui lui est la plus favorable. Mais il n’existe aucune instance qui ait assez de légitimité pour incriminer les contradictions d’un commerce mondial dans lequel les excédents commerciaux de certains pays entravent inévitablement la croissance des autres, du moins en l’absence de création en quantité suffisante d’instrument de paiements qui seraient apportés équitablement et hors toute contrepartie d’endettement à tous les pays du monde. La réponse qui fait consensus au sein de la « communauté internationale » est littéralement folle : les pays déficitaires doivent faire revenir à l’équilibre leur commerce extérieur alors même que les pays excédentaires font tout pour conserver leur supériorité et y parviennent ...
Au plan domestique, à l’intérieur de chaque pays, on retrouve les mêmes mécanismes d’endettement croissant qui résultent de l’absence de création en quantité suffisante de monnaie introduite dans le circuit national hors toute contrepartie d’endettement.
En France par exemple, on montre du doigt l’endettement de l’Etat, cause semble-t-il de toutes nos difficultés. Mais, on oublie que cet endettement a été délibérément accepté et souhaité année après année, non pas pour faire plaisir aux fonctionnaires mais plus simplement parce que chaque année les simulations économiques montrait au Ministère des Finances que si l’Etat adoptait un budget en équilibre, il en résulterait un arrêt de la croissance et l’augmentation du chômage. Depuis bientôt quarante ans que l’on a abandonné la planche à billets, l’essentiel de la politique économique a donc consisté à doser la poursuite de l’endettement : suffisamment pour soutenir un peu la croissance mais pas trop pour que la dette n’augmente pas trop vite par rapport à la richesse nationale et pour que la balance commerciale ne se dégrade pas trop. Mais depuis que notre pays a perdu l’autonomie monétaire, il ne peut plus se défendre contre la politique économique de voisins plus puissants qui feraient le choix de « creuser l’écart » plutôt que de « renvoyer l’ascenseur ».
Le chapitre - « L’Europe en chantier » - a pour objet de poser la question de savoir si la construction de l’Europe est équitable ou pas. Il ne tranche pas. Mais tout ce que l’on peut dire, c’est que si la théorie du juste retour n’a guère de sens dans la perspective d’un destin à risques et chances réellement partagées, en revanche le fait même de la construction européenne n’interdit pas de s’interroger sur les dynamiques réellement à l’oeuvre. On peut vouloir et désirer ardemment l’Europe et refuser la position de l’autruche. Là encore, la notion de réciprocité active qui a tellement d’importance au plan international n’en a pas moins autant entre les pays d’Europe qui ont fait le choix de partager la même monnaie.
Chacun sait ce que sont les maladies dites orphelines, c’est-à-dire les maladies qui sont trop peu répandues pour justifier des recherches longues et coûteuses, au résultat aléatoire. Il en va de même en matière économique avec la question de la création monétaire. Là, la question est de savoir si les mécanismes du crédit bancaire sont suffisants à eux seuls pour rendre possible un progrès économique dans les tous les pays du monde à la fois et pour rendre possible un partage point trop injuste de la prospérité à l’intérieur de chaque pays.
La « thèse » amorcée dans ce livre est que cela ne semble pas être le cas et que les crises financières à répétition que nous rencontrons semblent être le symptôme d’un manque, à savoir celui de l’introduction délibérée de la monnaie libre, c’est-à-dire de monnaie détachée du crédit bancaire, dont la croissance économique a besoin à toutes les échelles, que ce soit à l’intérieur de chaque pays ou bien à l’échelle internationale.
Mais pour s’assurer de ce manque et de la nécessité de cette introduction, encore faudrait-il qu’il existe quelque part dans le monde un groupe de savants spécialisés en économie qui lanceraient des recherches pour élucider la question de savoir si l’économie du monde ne s’expose pas à subir de manière récurrente de graves crises faute de cette introduction délibérée.
Par exemple, s’agissant du changement climatique, il existe depuis quelques années déjà un groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui étudie le réchauffement climatique. Par delà toutes les polémiques, les doutes et les difficultés à coordonner l’action au niveau mondial, chacun doit reconnaître l’apport inestimable d’un groupe de travail qui est capable de positionner la réflexion à la seule échelle valable, celle de l’ensemble de l’atmosphère liquide et gazeuse qui supporte le monde vivant.
Quel sens aurait le message d’un pays qui proclamerait qu’il n’est pas concerné par le réchauffement climatique parce que : a) il fait froid chez lui et b) ses ressources propres lui permettent de penser qu’il pourra faire face à tous les scénarios d’évolution, y compris les plus catastrophiques. Bien évidemment, une telle position ne serait pas longtemps tenable. Mais encore faut-il être bien conscient que si l’humanité est capable de se poser la question de l’avenir du climat, c’est parce qu’elle s’est résolue à y réfléchir de manière globale et scientifique.
Un autre point qu’il importe de souligner, c’est que le GIEC a été installé en 1988 à l’initiative du G7, c’est-à-dire le groupe de coordination des sept grandes puissances économiques du monde occidental de cette époque. On peut se demander alors pourquoi ces puissances n’ont pas entrevu l’intérêt de lancer une réflexion du même ordre avec les questions de politique monétaire.
Il y a plusieurs explications possibles à cela. Tout d’abord, si l’on a lancé le GIEC en 1988, c’est que l’on commençait alors à avoir conscience de l’ampleur possible de la dérive climatique annoncée.
Symétriquement, la conscience qu’il pourrait y avoir quelque chose de fondamentalement vicieux dans l’organisation monétaire du monde avait peu de chance d’émerger dès cette époque, alors que le monde était encore partagé en une sphère dite capitaliste et une sphère dite communiste qui avaient relativement peu d’échanges entre elles.
Et surtout plus fondamentalement, on s’inquiète toujours plus vite des désordres et des malheurs qui risquent de nous toucher personnellement que de ceux qui frappent des voisins ou des personnes lointaines dont on ne soupçonne pas les épreuves, ni même l’existence d’ailleurs. C’est « humain ».
Mais aujourd’hui, les politiques impitoyables dites d’ajustement structurel que les grands argentiers du monde imposent au pays endettés, ne concernent plus seulement des pays sous-développés du tiers monde. Ces politiques ont fait leur apparition en Europe, que ce soit sous une forme « aboutie » comme en Grèce et au Portugal, ou sous la forme moins directe d’une « simple éventualité », comme en Espagne, en Italie ou en France.
Aujourd’hui, alors que les déséquilibres financiers ne cessent de s’amplifier, y compris dans des pays qui pouvaient être considérés jusque là comme relativement développés, les conditions semblent davantage réunies pour provoquer un grand programme de recherche, à l’échelle internationale, pour se faire une opinion sur le point de savoir si, oui ou non, l’organisation monétaire du monde contemporain nous envoie collectivement dans le mur ou pas.
Mais apparemment, il en va de la peste comme des maladies orphelines. Si l’opinion prévaut que la peste est une punition méritée pour des fautes de comportement, alors il ne faut escompter nul programme de recherche, et la maladie pourra emporter une moitié du monde, sans que la bonne conscience de l’autre moitié en soit le moins du monde affectée.
On touche là au coeur du sujet monétaire. L’argent, c’est vital et c’est sérieux. On se souvient de cette réplique d’un film célèbre dans lequel un truand dit à la jeune femme, un peu saoule, qui s’est approchée des billets répandus sur la table de la cuisine : « Touche pas au grisbi, salope ! ».
Ce qui rend la question monétaire si difficile à poser et à analyser, ce sont donc les intérêts personnels ou collectifs qui sont en jeu et qui entravent la recherche d’une approche raisonnable qui, inévitablement, risque de remettre en cause des espérances d’enrichissement et constitue une menace pour la valeur des créances déjà constituées.
Ici, l’ambition du livre n’est pas, comme pour l’allocation universelle, de dresser les plans du beau château dans lequel on pourrait partir s’installer. Il ne s’agit pas de réécrire les statuts du Fonds Monétaire International.
Plus simplement, il est de poser la question de savoir si la pratique monétaire contemporaine nous conduit vers un monde vivable ou pas. Il importe peu de pouvoir le démontrer ici. En revanche, s’il y a un doute sur ce point, il est essentiel et même vital de lancer la recherche. Qui peut affirmer aujourd’hui que la pratique monétaire actuelle est bonne et qu’elle n’enferme pas les pays du monde et, dans chaque pays, les différentes catégories sociales dans un jeu de survie infernal ? Un « jeu » dans lequel les ressources de la survie ne peuvent être acquises qu’au détriment des autres « joueurs ».
Le lien entre l’instauration d’une allocation universelle et la relance, délibérée et raisonnée, d’une création monétaire libérée de l’endettement ne procède pas d’une facilité de comportement visant à financer par la « planche à billet » un projet lui même jugé déraisonnable.
En effet, dans un monde où la création monétaire aurait été remise au service de l’économie, on pourrait se passer de l’allocation universelle car la généralité du progrès économique permettrait de compenser les écarts de développement.
Mais l’inverse n’est pas forcément vrai car si l’on faisait le choix, comme à l’époque des Trente glorieuses, d’introduire régulièrement dans l’économie une certaine quantité de monnaie libre de tout endettement, alors se poserait la question du vecteur de l’introduction.
Bien sûr, le financement du déficit public constituerait une option de qualité tout comme pendant les Trente glorieuses. Mais l’apport de cette monnaie libre à travers le financement d’une partie de l’allocation universelle (de l’ordre du tiers semble-t-il) serait tout aussi efficace et équitable. L’allocation universelle n’est donc pas un projet en soi, mais seulement l’instrument et le signe d’un nouveau progrès économique et social.
Aujourd’hui, c’est la conception absolue de l’argent qui s’est imposée dans le monde contemporain qui fait le plus de tort à une croissance économique équitablement répartie. Cette conception est conforme aux intérêts des puissants et de tous ceux qui rêvent de le devenir. Mais elle opprime les autres.
Une dernière étrangeté de l’économie contemporaine est l’accent mis sur l’ouverture des économies et sur la règle d’or dite de l’équilibre des comptes publics, l’ensemble de ces deux ingrédients constituant une potion plutôt amère. On peut se demander pourquoi ne s’est pas imposée au sein de la communauté internationale l’idée toute bête de l’équilibre des échanges dès lors que l’on refuse toute espèce de création monétaire détachée de l’endettement. Et à défaut de réciprocité dans les échanges commerciaux, chaque pays serait fondé à défendre avec vigueur l’équilibre de ses échanges extérieurs. Pourquoi n’y a-t-il aucun débat sur le point de savoir quelle est la meilleure règle d’or, celle de l’équilibre budgétaire qui, en l’absence de tout excédent commercial, entraîne la récession ou bien celle de l’équilibre des échanges avec le reste du monde, laquelle permet de soutenir quand même l’activité à l’intérieur des frontières ?
Il reste une dernière moitié d’idée. Elle appartient à mon lecteur. En effet, si les idées développées dans ce livre ne sont pas complètement infondées, il importe peu que l’auteur ait raison tout seul. En revanche, si certains lecteurs partagent les doutes de l’auteur, il serait bien regrettable qu’ils ne puissent pas en tant que citoyens recevoir une réponse aux questions posées, en premier lieu celle relative aux modalités de la création monétaire.
En effet, les enjeux de cette question sont immenses pour un grand nombre de pays et aussi pour un grand nombre des habitants pauvres qui vivent dans des pays qui pensent aujourd’hui ne pas avoir intérêt à changer la donne monétaire.
La dernière question est donc de savoir s’il est concevable qu’un grand nombre de personnes puissent ne pas obtenir de réponse à une question qui paraît vitale, du moins si l’on veut bien prêter attention à la récurrence des dernières crises financières et à la direction dans laquelle elles paraissent nous emporter.
Non, cela ne parait pas concevable en effet.
Et pourtant, c’est bien ce qui est en train de se passer. Tout se passe aujourd’hui comme si les personnes que nous avons élues pour nous représenter, pour délibérer et voter les lois en notre nom, s’abstenaient d’essayer de réfléchir par elles-mêmes et à fond aux enchaînements funestes qui semblent avoir pris possession de beaucoup de pays. Vraiment, le déroulement actuel des débats à l’Assemblée Nationale ou au Sénat permet-il de penser que les élus réfléchissent à fond aux écueils qui menacent le pays ? Tout indique au contraire qu’ils réfléchissent et discutent beaucoup mais sans jamais franchir une limite convenue qui est celle du « préjugé de responsabilité ».
En un mot, on délibère très sérieusement mais sans jamais sortir d’un cercle de pensée convenu dans lequel il n’est possible de parler que de la compétitivité et de la réduction du déficit public, mais sans jamais pouvoir poser d’autres questions. Celle de savoir s’il faut donner la priorité à l’équilibre des échanges extérieurs ou à l’équilibre budgétaire. Celle de savoir si les politiques économiques que poursuivent les pays avec lesquels nous partageons une même monnaie nous conduisent vraiment vers un destin réellement partagé. Celle de savoir si le refus de la création monétaire libre d’endettement est favorable à tous les pays ou bien seulement à certains d’entre eux. Celle de savoir s’il est possible sur longue période de refuser cette modalité de création monétaire alors même qu’il n’y a aucun soutien de croissance à attendre de la part des échanges extérieurs. Celle de savoir si des pays excédentaires et des pays déficitaires peuvent durablement partager la même monnaie. Celle de savoir si les pays déficitaires ne devraient pas faire le choix de se regrouper entre eux pour promouvoir une croissance recentrée sur la mobilisation de leurs propres ressources, humaines en priorité.
Tous ces débats de politique économique n’ont pas lieu, on le sait bien. Mais après tout peu importe s’il ne fait aucun doute que la direction générale est la bonne. Mais justement, est-ce que le ralentissement inexorable de l’activité qui est le corollaire de l’endettement et qui est en train de se refermer sur nos économies comme un noeud coulant ne devait pas susciter un réveil ou un sursaut de la délibération publique ?
Là encore, il ne faut pas être naïf. Un parlementaire a beaucoup à perdre et peu à gagner s’il choisit de s’écarter du sentier bien balisé que lui désigne son appartenance politique. Et encore, une fois, tant pis et tant mieux lorsque l’on traverse des temps ordinaires ou bien lorsqu’il se trouve qu’un capitaine de providence a déjà pris sur lui d’assumer les choix les plus difficiles. Mais sinon ?
La dernière idée présentée en conclusion concerne donc les modalités de la délibération publique, sur les bancs de l’Assemblée Nationale ou du Sénat. Il nous semble que le cumul dont on nous rebat les oreilles comme s’il s’agissait de la dernière des horreurs fait bien moins de tort que la rééligibilité indéfini des parlementaires qui étouffe toute velléité d’expression vraiment désintéressée, à l’écart des effets de manche qui ne servent souvent qu’à se faire réélire sur le marché électoral.
Il nous semble que le fait de limiter le renouvellement des mandats, en prenant bien sûr grand soin de sécuriser la position des parlementaires sortant, pourrait aider à faire échapper le débat public à la répétition sempiternelle de propos convenus qui ne servent qu’à occuper l’espace médiatique. Dans les circonstances actuelles, qui ne peuvent que faire craindre un avenir sombre et inquiétant, ce serait une chance à ne pas négliger.
Une chance, c’est assez pour faire le pari du printemps de la République.