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Billet de blog 29 décembre 2019

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De l’émergence du concept de propriété.

L'origine du concept de propriété. L'idée de posséder qui fut totalement étrangère à notre espèce humaine durant tout le temps long de son évolution, soit environ 300'000 ans, n'a émergé qu'il y a environ 4'000 à 5’000 ans. Quel fut la genèse de la survenance de ce nouveau concept ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

De l’émergence du concept de propriété

(Du territoire à la propriété)

De la justification du concept de propriété par seul consensus 

Il est communément admis que le concept de propriété, propre à la seule espèce humaine, serait apparu, puis se serait imposé durant la sédentarisation de notre espèce, soit durant le néolithique.

Selon ce qui est aujourd’hui convenu, le concept de propriété aurait été essentiel à l’équilibre et à l’harmonie des échanges dans les groupes d’humains ayant dépassé en nombre d’individus celui d’une tribu de chasseurs-collecteurs. Le fait de propriété aurait concouru au développement de structures sociales organisées ainsi que stimulé les échanges et l’expansion de notre espèce.

Si l’on peut convenir que le concept de propriété a bien dû apparaître durant le temps long de la sédentarisation, plus probablement dans la fin de ces temps, il est beaucoup plus difficile d’admettre le propos sur ses heureuses conséquences qui n’est qu'une conjecture.

Il est un autre postulat : le concept de propriété aurait surgi spontanément et serait issu de l’extraordinaire capacité d’adaptation de l’espèce humaine au changement de paradigmes lors de la sédentarisation. Expression de l’intelligence humaine, le concept de propriété est la preuve de la capacité d’adaptation de notre espèce. Il a contribué à générer des règles de pacification utiles aux échanges dans des communautés d’individus plus larges que celles des groupes de chasseurs-collecteurs.

Les échanges étant eux-mêmes perçus comme seule source de développement puisqu’élargissant nos savoirs communs, il y aurait donc un lien naturel entre le fait de propriété et le développement des sociétés humaines élargies.

En conséquence, nous sommes invités à reconnaître en la propriété, et le respect de son principe, le facteur premier ayant permis le développement d’échanges de biens et de services entre les membres de l’espèce. Ces échanges, générateurs de gains et progrès, n’auraient pu se développer que grâce au principe de propriété qui aurait pour principal mérite d’avoir aboli l’appropriation selon la loi du plus fort.

Cet argument, exposant le fait de propriété comme issus d’une évolution sociale naturelle et nécessaire au mieux vivre ensemble procède d’un sophisme comme d’une inversion des chronologies. L’appropriation, telle que décrite plus haut, ne peut avoir de réalité que si un acte ou un fait de propriété ont été admis préalablement. Pour le surplus, bien avant l’émergence d’un quelconque concept de propriété datant de la toute fin du néolithique, des échanges de biens et de services sont attestés par l’archéologie dès le paléolithique supérieur puis au mésolithique.  

Dépeindre le fait de propriété comme intrinsèquement lié à notre nature ou nécessaire à la paix entre les individus fait donc l’objet d’un discours consensuel permanent. Il nous est ainsi proposé, sans autre réflexion ou démonstration, dans un conformisme stupéfiant, d’admettre la notion de propriété comme essentielle à notre capacité de vivre en nombre sur un territoire restreint. Nul n’a osé ou n’ose en questionner l’origine ou la nécessité, à l’exception de quelques-uns s’étant risqué à la critique pour l’accaparement des ressources qu’il autorise,

De la notion de territoire

Le territoire considéré comme espace géographique permettant de couvrir les besoins, principalement en alimentation, d’un nombre minimum de membres d’une espèce vivante afin que ladite espèce puisse se perpétuer est une notion, pour ne pas dire une conscience, communes à toutes les espèces animales, terrestres, aériennes ou marines. La notion d’espace, de territoire, s’observe également chez la plupart des insectes et jusque dans le règne végétal. Chacun sait que les lions, ours, loups et rapaces, pour seuls exemples, ont une conscience aigüe de leur territoire.

Nos ancêtres sapiens-sapiens ont vécu la nécessité de disposer d’un territoire durant des centaines de milliers d’années. C’est le plus long du temps de l’évolution de notre espèce. Cette notion de territoire n’est pas seulement un fait historique, elle est intrinsèquement liée à notre nature comme elle l’est chez toutes les espèces du règne animal. 

La notion de territoire appelle celle de répartition territoriale. En effet, pour trouver subsistance, les individus d’une même espèce vont occuper des territoires différenciés, ces derniers recouvrant ou partageant le territoire d’autres espèces. Le maintien de la diversité des espèces est garanti par l’équilibre trouvé dans ce mode de répartition puisqu’il permet aux espèces s’entrecroisant sur un territoire partagé, un accès non compétitif aux ressources nécessaires à leur alimentation, donc leur perpétuation. La répartition territoriale régule ainsi l’expansion des espèces. L’éventualité que l’une puisse croître au détriment d’une autre étant contenue par la répartition.

De la sédentarisation et de la survenance d’un concept de propriété

La sédentarisation des premiers groupes d’humains, fait suite à l’émergence de la répartition des tâches entre individus d’un même groupe, puis au développement de pratiques et techniques agro-pastorales qui ont permis des gains en productivité et efficacité, rendant la couverture en besoins alimentaires moins aléatoires. La production d’aliments étant mieux maîtrisée, devenue presque prévisible et planifiable, les perspectives de survie des groupes humains d’agriculteurs-pasteurs étaient plus solidement assurées. L’obligation de se déplacer ou de parcourir de larges étendues pour collecter fruits et baies, pour tracer et chasser le gibier, disparaissait peu à peu. Affranchi de la nécessité de se diviser toujours afin de se répartir sur de nouveaux territoires pour assurer leur subsistance, les tribus ou groupes humains ont commencé à se sédentariser et croître en nombre d’individus.

Ainsi, les premiers groupes humains déliés de la nécessité impérative de disposer de vastes espaces pour assurer leur subsistance, nécessité inscrite dans leurs gênes et atavismes depuis plus deux cent mille ans, modifiaient sur quelques générations leur perception du territoire le ramenant à des espaces plus retreints dont ils pouvaient concevoir qu’ils aient des limites plus étroites. Ainsi ont été créés villages et premières cités.

Ce serait donc au moment où les humains parvenaient à se libérer de l’exigence territoriale que certains d’entre eux ont imaginé un tout nouveau concept : celui de la propriété. La question du pourquoi ou comment a pu survenir un tel concept jusque-là totalement ignoré mérite d’être examinée.

De la transmission intergénérationnelle de certains caractères ou atavismes

Nous nous savons être les héritiers génétiques d’une lignée sapiens, lignée qui a, de plus, connus quelques croisements avec Neandertal et l’homme de Denisova.

Nous savons que des comportements et des savoirs sont transmis au moment de la conception de génération en génération afin que le nouveau venu de l’espèce n’ait pas à refaire l’expérience de ses aïeux, à expérimenter ou à réapprendre ce que ses prédécesseurs avaient déjà intégré.

Plusieurs études scientifiques récentes ont révélé la réalité incontestable de telles transmissions de savoirs en des dimensions bien plus importantes que ce que nous imaginions précédemment.

Certains oisillons, dès les tous premiers instants d’après leur éclosion, savent spontanément distinguer par leurs formes les volatils présentant un danger pour eux de ceux qui sont inoffensifs. Lorsqu’au-dessus d’eux l’on fait passer l’ombre d’une mouette, ils continuent à piailler en s’étendant au plus haut, bec grand ouvert, réclamant d’être nourris, mais lorsque ladite forme est troquée pour celle d’un milan, d’une buse ou autre rapace qui pourrait s’en nourrir, on les voit immédiatement s’aplatir au plus profond du nid, pour s’y bloquer, discrets et silencieux, sans bouger.

L’aptitude à distinguer les formes implique la connaissance préalable et la mémoire desdites forme. L’aptitude à faire le tri entre celles qui correspondent ou non à un danger implique la capacité d’établir un lien entre forme et danger. Ainsi, les connaissances préalables requises pour réagir comme le font ces oisillons sont complexes et intègrent de nombreux paramètres. Ces simples oisillons à peine éclos possèdent parfaitement ces connaissances et disposent de la capacité d’en user. Force est donc de constater qu’un ensemble construit de savoirs très élaborés, fruit de l’expérience des générations précédentes, leur a été transmis dès leur conception.

De la même manière, certains des savoirs et comportements des plus archaïques ou des plus lointains, jusqu’à ceux des plus récents de nos ancêtres, nous ont été transmis, comme continueront à être transmis aux générations futures. Ces savoirs et comportements anciens sont inscrits dans nos gênes, au plus profond de nos mémoires ou de notre subconscient. Ils exercent une influence sur nos façons d’appréhender notre environnement et sur la manière avec laquelle nous nous y comportons et interagissons avec lui. 

Les exemples de transmissions comportementales ou de caractères génétiques en provenance de nos lointains ancêtre abondent dans notre lignée sapiens : sur le plan physiologique, les dents de sagesses sont une survivance de la nécessité de mastiquer avant l’invention de la cuisson, nos stress et poussées d’adrénaline ont pour origine notre ancien statut de proie et la nécessité de fuir face aux prédateurs.

Sur le plan comportemental, il est un exemple quasi universel : la pudeur qui pousse les hommes à s’isoler pour assouvir le besoin très naturel de déféquer a pour origine l’instinct de survie. En effet, au moment de se soulager, il est quelques instants ou la physiologie inhibe toute réaction, empêchant la fuite immédiate face au danger. La stratégie pour compenser une telle vulnérabilité fut de se faire le plus discret et le moins repérable possible. Elle fut transmise aux générations suivantes parce qu’efficace. Nos cadres de vie ne justifient naturellement plus ce type de comportement. Mais le temps très court depuis lequel ce comportement est superflu ne pèse guère en regard des temps longs où il nous était vital. La transmission d’un tel caractère a donc perduré. Nous l’assimilons aujourd’hui à un sentiment de pudeur dont nous faisons un fait culturel, partagé de diverses manières par la quasi-totalité des populations du globe.

De la même manière, la notion comme le besoin vital de territoire, vécus par nos ancêtres durant plus de deux cent mille ans, nous fut transmise de génération en génération.

Le concept de propriété ne procéderait-il donc pas d’un comportement archaïque inscrit dans nos gênes mais devenu obsolète ? Ne trouverait-il pas son émergence dans le besoin de satisfaire au souvenir de cette nécessité territoriale qui nous était vitale durant des temps immémoriaux ?

D’un concept de propriété inconnu avant la sédentarisation

Nos ancêtres nomades d’avant la sédentarisation n’ont jamais ressenti la nécessité de développer un quelconque concept ayant trait à la possession et rien de ce que nous connaissons ne permet d’en douter.  Il subsiste encore de nos jours et de par le monde de très rares groupes de notre espèce dont le mode de vie s’apparente beaucoup à celui de nos ancêtre chasseurs-collecteurs du paléolithique, mésolithique et néolithique. Ces survivants connaissent encore la notion de territoire ainsi qu’à l’origine. Ils ignorent tout concept de propriété et témoignent de l’absence de toute idée à ce titre. Dans ces communautés, nul ne saurait imaginer posséder ne serait-ce qu’une portion de sol, de forêt, de cours d’eau. Leur appréciation de la réalité fait d’un tel concept une incongruité à laquelle ils ne sauraient trouver un quelconque sens.

Du concept de détention opposé au concept de propriété

Ces survivants nous disent beaucoup de ce que furent nos ancêtres nomades. Ces derniers connaissaient l’usage d’outils complexes, divers et variés, dont certains, parfois rares à obtenir tel un silex provenant d’un puit d’extraction lointain, leur étaient précieux. Ce n’est pas pour autant qu’ils ont eu l’idée d’en faire une propriété. Certes, nos ancêtres pouvaient détenir en propre et individuellement beaucoup de ces objets, en fonction de leurs compétences, de leurs savoir-faire particuliers, mais l’usage qu’ils en faisaient et le bénéfice qu’ils pouvaient en tirer était toujours compris dans le cadre d’un groupe et dans l’intérêt du groupe. Une détention en propre de certains objets avait bien cours dans ces sociétés. Le concept de détention était conséquence de l’observation, au fil du temps et dans le groupe, de la plus grande habileté ou expertise que pouvait apporter l’usage de l’objet par le même individu au fil du temps.

La détention d’un bien par un individu ne s’oppose pas à l’intérêt collectif puisque le produit obtenu grâce ou avec le bien détenu s’adresse toujours au groupe tout entier. Par exemple : le chasseur détient sa propre masse ou lance mais le produit obtenu par leur usage est destiné à toute la tribu. La détention ne porte donc en elle aucune intention d’exclusion ou de distinction.

N’étant lié à l’usage que très marginalement, le concept de propriété a pour objet l’attribution d’un bien à un individu ou à un petit groupe d’individus. La jouissance du produit obtenu l’est au bénéfice exclusif de ces individus dans un intérêt non plus collectif mais bien distinct de celui du groupe. Le concept de propriété a pour conséquence de dissocier et d’isoler l’individu de l’ensemble du groupe. Par opposition à la détention, la propriété consiste en un isolement dont le corollaire est la division des intérêts.

Le concept de détention prévalant jusque vers la fin du néolithique, il s’agit de tenter de comprendre ce qui pourrait avoir été la cause de l’émergence inattendue d’un concept de propriété jusque-là parfaitement inconnu.

Du la naissance du concept de propriété en compensation d’un atavisme 

Les populations se sédentarisant étaient encore très proches, à l’échelle historique, du temps où les humains vivaient en petits groupes de chasseurs-collecteurs sur de plus vastes territoires nourriciers. Seules quelques générations séparaient les sédentaires de leurs ancêtres nomades. Bien que le cadre et les conditions de vie comme les perspectives de survie des agriculteurs-pasteurs les aient déliés de la nécessité de disposer d’un territoire pour la cueillette et la chasse, le besoin atavique de se rattacher à l’espace nourricier restait profondément ancré en chacun. Le sentiment d’une nécessité territoriale qui avait pour but d’assurer la cohérence des comportements d’ensemble fut transmis de génération en génération à chacun. Si l’expérience du territoire perdait peu à peu de sa réalité dans le quotidien des habitants des premiers hameaux et villages, elle subsistait très présente et fortement ancrée en leurs mémoires.

Bien que cela ait pu être contesté par ceux qui ignorent le concept de détention décrit plus haut, le fait de propriété a eu pour premier objet marquant et clivant des portions de sol, soit des morceaux de terres productives, donc des espaces qui peuvent s’apparenter au territoire nourricier des origines. Le lien avec la notion archaïque de territoire, inscrite dans nos gênes et nos atavismes comme essentiels à notre survie, apparaît comme trop marqué pour être le fruit d’une coïncidence.

En ce sens, le concept de propriété serait né du besoin de compenser l’absence de territoire nourricier commun, une absence ressentie comme contraire à l’instinct nous l’imposant pour la survie de l’espèce. La notion de territoire telle que déclinée à l’échelle du groupe, aurait été transposée, à l’échelle individuelle par le fait de disposer, à titre substitutif et individuel, de plus petites portions de sol.

Né d’une transposition le fait de propriété comblait en l’individu le vide, l’insécurité, ou l’anxiété ressentie par l’absence de territoire commun qui avait assuré depuis toujours sa subsistance et sa survie.

Le concept de propriété, n’a donc pas été pensé, élaboré par le génie de l’homme. Il s’est imposé à certains d’entre eux d’abord, puis aux autres ensuite, afin de compenser le besoin atavique et originel de territoire. Cependant et bien qu’érigée en substitut du territoire, la propriété d’une portion de sol s’écarte de la notion originelle liée à la survie du groupe. Le fait de propriété n’a aucun sens pour le collectif comme pour l’espèce puisqu’il est la résultante d’un acte compensatoire se déclinant à une échelle de petit sous-ensemble du collectif.

Du concept de propriété en tant que rupture majeure et facteur d’isolement

L’introduction du concept de propriété a eu pour conséquence d’isoler l’individu de son groupe, la possibilité de concevoir un intérêt particulier comme détaché de celui du collectif étant alors ouverte. La continuité qui jusque-là liait intimement l’intérêt de l’individu à celui du groupe entier était brisée. Notre espèce connaissait de ce fait la rupture la plus importante de toute son histoire. L’invention des techniques et pratiques agro-pastorales, considérée par tous comme une mutation majeure, n’a jamais généré de bouleversements et de troubles aussi puissants et aussi radicaux sur nos modes de pensées et art de vivre ensemble que ce qu’a produit la survenance du concept de propriété.

Durant près de deux cent mille ans, l’individu ne se comprenait que dans le cadre du groupe. Il ne savait agir que pour et dans l’intérêt de ses congénères dont il avait conscience dépendre pour sa propre survie. Ce lien vital, commun au groupe tout entier, faisait que tous se concevaient comme faisant parties d’un même « corps », les individus n’en étant que des extensions, un peu à l’image de nos bras et jambes, extensions aux capacités ou fonctions distinctes, mais ne pouvant agir et survivre qu’en se coordonnant entre elles en permanence et dans un même but.

Depuis le fait de propriété qui ne date que d’environ 4'000 à 5’000 ans, l’individu a commencé à se percevoir comme pouvant se détacher sans grand risque du groupe et de l’ensemble de ses congénères. Il ne leur était plus lié par la nécessité impérative de se coordonner en tout pour survivre. La propriété ouvrant la possibilité de disposer, en tant qu’individu ou petit ensemble d’individus, de biens productifs, donc de ressources pouvant être destinées à un usage exclusif, elle a permis la fragmentation de l’ensemble au profit de sous-ensembles. Ces derniers se côtoyant sur un territoire restreint, des rivalités entre eux n’étaient plus à exclure.

Une telle antinomie entre l’avant et l’après a placé tous les individus composant les groupes humains de l’après dans une situation inextricable de quasi-schizophrénie. En effet, comment réconcilier l’atavisme et la mémoire de l’avant, relative à la prééminence de l’intérêt du groupe inscrite fortement en chacun, avec l’individualité émergente de l’après. L’individualité ne pèse que très peu en regard des quelques deux cent mille ans d’expérience de vie communautaire, coordonnée et solidaire qui nous ont été transmises. Nous avons subi le fait de propriété sans bien en comprendre ni le ressort psychique compensatoire qui est à son origine, ni ses conséquences destructrices en termes de liens.  Depuis l’émergence du concept de propriété, il y a quelques 5'000 ans, notre espèce a connu plus de dissensions et de conflits entre ses membres que durant les deux cent mille ans de toute son histoire précédente.

La survenance du concept de propriété a mis en évidence l’immense difficulté que notre espèce rencontre à s’adapter en conscience aux changements de rythmes et cadres de vie qui ont été la conséquence du développement des techniques et pratiques agro-pastorales lors de l’étape de la sédentarisation. Ces premiers progrès techniques n’exigeaient en rien que l’on trouble ou contrarie les développements qu’il promettait en y ajoutant une réponse non adaptée et non réfléchie pour combler certains de nos besoins et instincts premiers.

Le concept de propriété est la conséquence d’une inintelligence. Il a très inutilement instauré une prééminence de l’individu sur le collectif, prééminence dont l’exaspération par ses abus met en danger notre espèce, jusqu’à la menacer aujourd’hui d’extinction.

L’incapacité dont nous avons fait preuve jusqu’ici à comprendre notre trajet n’est pas inéluctable. Le concept ou le fait de propriété doit être analysé, réfléchi et reconnu pour ce qu’il est, soit une extraordinaire insuffisance procédant d’une immaturité primordiale ayant conduit paradoxalement à l’isolement d’individus d’une espèce grégaire. Il doit être révisé, transformé. Le concept primitif de détention au profit de l’ensemble et des communautés doit être réhabilité, réinventé et se substituer au concept immature de propriété afin que nos intérêts individuels et collectifs ne puissent plus être vécus comme antagonistes puisqu’ils sont intimement liés ainsi qu’il est inscrit dans notre nature d’homme et dans nos mémoires.

Philippe Glatz

Rédigé le 29 octobre 2019, revu et corrigé le 28 décembre 2022 

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