Agrandissement : Illustration 1
Il n’y a pas plus de violence(s) que de bavure(s) policière(s).
Il n’y a que de l’arbitraire policier (terminologie comprenant évidemment les gendarmes).
C’est tout au moins l’expérience que j’en ai.
Plus précisément, de toutes mes expériences de la police, qu’elles soient directes ou indirectes, j’ai peut être en mémoire qu’une ou deux situations au cours desquelles la police s’est comportée sans tout d’abord imposer sa force au-delà de ce qui pourrait permettre à la situation de ne pas s'aggraver pour celles et ceux subissant son intervention.
Et je ne fais pas parti de celles et ceux pour qui la force de la police prend généralement tout d’abord la forme d’une violence physique (pouvant aller jusqu’à la mort).
Tout au plus je dois faire face à de la violence verbale.
Alors oui je suis amené à ériger l’arbitraire policier comme norme plutôt que de dénoncer les bavures et violences policières, ce qui sous entendrais que la norme de la police est autre chose que bavure(s) et violence(s). Quand bien même j'aimerai qu'il en soit autrement.
J’ai été étonné qu’au cours du mouvement contre la loi travail, la dénonciation de la violence policière prenne tant de place. Comme si la manière dont elle s’est comportée était inhabituelle. Il n’y a rien eu d’inhabituel. Ou plutôt si : au regard de l’ampleur du mouvement l’arbitraire policier aurait pu s’exprimer de manière encore plus forte, jusqu'à ce qu'elle se déploie dans toute une de ses ampleurs en assignant à résidence et arrêtant des centaines de personnes avant les deux dernières manifestations, pour les empêcher d'y participer.
Si tout au moins ce mouvement a permis à un plus grand nombre de prendre conscience de l’arbitraire policier alors tant mieux.
Mais je ne sais que penser de cette prise de conscience au regard de la faible mobilisation autour de Adama Traoré qui vient de mourir dans les mains des gendarmes à Beaumont sur Oise.
Prendre conscience de l’arbitraire policier pose la question de comment s’organiser sans la police ?
Prendre conscience de l’arbitraire de la police signifie prendre conscience que son existence tient à la protection d’un système hégémonique, duquel elle fait partie, plutôt qu’à la protection des personnes. Que son existence, en tenant à la protection d’un système hégémonique, fait des situations particulières, c'est-à-dire ce qui est vécu au jour le jour par quiconque, des objets insignifiants au nom d’un Sujet bien plus important. Ainsi le système hégémonique devient sujet quand les personnes qui y vivent deviennent des objets.
Je préfère ici prévenir les remarques qui pourraient être relatives à l’importance de la police dans la situation actuelle. Entre autres : sans la police les terroristes auraient poursuivi leur carnage barbare.
Evidemment, merci à celles et ceux, qui ne sont d’ailleurs pas que policierEs, qui ont mis concrètement fin à ces carnages barbares. Heureusement qu'elles/ils étaient là.
Mais n’oublions pas qu’en ce qui concerne les policierEs il s’agit aussi de leur métier. N’oublions pas non plus que ce n’est pas la police qui paie le plus lourd prix de ces carnages barbares. N’oublions pas enfin la responsabilité du système hégémonique que protège la police, et dont elle fait pleinement partie, dans ces carnages barbares.
La question est donc celle de comment s’organiser sans la police ? Nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui d’ors et déjà testent des réponses à cette question. Et ce mouvement ne cesse de se développer.
Quelle place chacunE d’entre nous prend dans le champ de ces réponses est une question cruciale car le système hégémonique allant en se délitant, l’arbitraire ne cesse de gagner du terrain, la police n’en ayant plus le privilège.
Il n’y a pas plus de violence(s) que de bavure(s) policière(s). Il n’y a que de l’arbitraire policier. Face à son développement, comme au développement de l’arbitraire tout court, l’enjeu n’est pas la dénonciation d’un état des choses qui serait inhabituel, car il n’y a jamais eu de police juste comme notre fantasme des Droits de l’Homme universel nous le fait croire.
L’enjeu tient à comment nous nous organisons par nous-mêmes pour laisser le moins de terrain possible à l’arbitraire.
Une des réponses me semble être de faire tout ce qui nous est possible pour en être.
La famille d'Adama Traoré appelle chacunE de là où elle/il est à se mobiliser...
Et si jamais le système et sa police nous prouve que leur norme nous considère comme sujets et non objets alors nous pourrons choisir entre ce qu'ils nous proposent et ce que nous aurons déjà construit.
Sivan Halévy