De là où j’habite il est possible d’observer un aspect du travail quotidien de la police : l’interpellation des dits « Roms » faisant signer des pétitions. Il s’agit le plus souvent de groupes de jeunes non mixtes demandant aux passants de signer une fausse pétition à l’issue de quoi une pièce de monnaie est demandée pour soutenir la cause. Il arrive que ce soit aussi l’occasion d’un vol à la tire.
Evidemment il est possible d’arrêter l’histoire là : ce n’est pas bien ce qu’ils/elles font. Point à la ligne. "Circulez, y'a rien à voir."
Le problème c’est que de là où j’habite, il y a à voir. Et tout le monde sait bien qu’il y a bien plus à voir.
De manière non marginale je vois de la violence lors de ces interpellations : une fois ça a été une claque en pleine figure (affaire qui a été suivie par les services dits compétents suite à leur saisie), une autre fois un chignon attrapé pour secouer violemment la tête de la personne (ce qui a fait l’objet d’une violente altercation verbale avec le policier mécontent qu’un passant l’interpelle sur sa manière de faire).
Je vois par ailleurs tout le temps des absurdités.
A chaque fois les policierEs, avec une attitude frisant l’opération antiterroriste (toutes proportions gardées évidemment), déchirent les pétitions et cassent les stylos. A chaque fois les groupes de jeunes reviennent. La dernière fois j’ai observé une autre absurdité. Leur mission achevée, les policiers se sont tournés vers un autre de la rue : un de ceux qui vendent des bouteilles d’eau fraîche pour un euros. Et voilà que les 33cl sont vidés histoire d’alimenter le caniveau, dont c’est la fonction tout de même… (sans compter la bouteille jetée dans la Seine pourtant déjà bien pleine en ce mois de mai caniculaire et vouée à se transformer en piscine propre pour les parisienNEs…). Quelques minutes plus tard, comme les jeunes, le vendeur d’eau fraîche s’était réinstallé avec de nouvelles bouteilles.
Je parle ici de violences et d’absurdités quotidiennes qui font parties des rouages de nos institutions et que chacunE d’entre nous a déjà côtoyées.
Au-delà de la loi travail, c’est bien de cela dont parle les deux derniers mois dans la rue. Et si cela fait deux mois que ça dure c’est peut être bien qu’il n’y a plus d’espoir (depuis longtemps pour certainEs) que ces violences et absurdités puissent être transformées avec intelligence par les institutions.
Reste à ce que la rue persiste dans l’intelligence qu’elle déploie depuis deux mois face à ces institutions qui n’auront de cesse de tenter de la mener vers ce qui fait entre autres leur quotidienneté : la violence et l’absurdité.
SH