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Billet de blog 3 décembre 2011

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Avec Wauquiez et Sarkozy, la bougie a de l'avenir

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 25 novembre 2011, en visite à la centrale nucléaire du Tricastin, Nicolas Sarkozy dénonçait ceux qui refusent "le progrès" et préparent "le retour à la bougie". Pour mesurer la bêtise de tels propos, il suffit de remarquer qu'aucun des pays voisins n'est revenu à la bougie. Tous ont pourtant renoncé au nucléaire, selon des modalités diverses. Rappelons aussi que les réacteurs du Tricastin sont situés sur une faille sismique. Bref, le débat sur le nucléaire devrait être mené de façon sérieuse et démocratique...

Mais l'objet de ce billet est ailleurs: Nicolas Sarkozy semble oublier que même au pays du nucléaire, certains ont recours à la bougie! Parce qu'ils n'ont pas le choix. Sans emploi, Roger Thouvenin ne payait plus ses factures d'électricité depuis quelques mois. Mercredi matin, EDF lui a coupé le courant. Dans la nuit qui a suivi, une bougie a provoqué un incendie. Roger Thouvenin est mort.

Que l'on ne prétende pas que cela serait plus fréquent sans l'énergie nucléaire. On pourrait discuter longuement du coût réel de celle-ci. Mais ce décès n'a rien à voir avec le coût de l'énergie. Avec ou sans nucléaire, tant que l'on ne considérera pas que certains besoins sont prioritaires sur toute considération financière, de tels drames absurdes continueront de se produire.

Certes, du 1er novembre au 15 mars, il est interdit de couper l'électricité aux bénéficiaires du Fonds de Solidarité pour le Logement (d'avril à octobre, les pauvres doivent donc se débrouiller pour l'éclairage et le chauffage...). Or on apprend que Roger Thouvenin pouvait "prétendre à cette aide" et qu'il était "connu des services sociaux". Puis l'unité territoriale de Solidarité d'Orléans "a finalement reçu des consignes : interdiction de communiquer sur le sujet".

Communiquons quand même sur le sujet:

20% des personnes éligibles à la CMU n'en font pas la demande

Un tiers des personnes éligibles au RSA "socle" et 70% de celles éligibles au RSA "activité" n'en font pas la demande

(références des différentes études sur le non-recours aux droits)

Pourquoi? Parmi les différentes raisons, il y a la honte, le refus de la stigmatisation. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que le discours de l'UMP sur "l'assistanat" aura contribué à développer encore un peu plus ce sentiment de honte.

Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez et quelques autres portent donc une lourde responsabilité dans de tels drames. Avec eux, la bougie a de l'avenir...

Les dégâts des discours exigeant une "contrepartie" à l'aide sociale sont bien résumés dans cette tribune de Dominique Méda (publiée dans Le Monde):

Dans le cas du revenu minimum d'insertion (RMI), le contrat d'insertion que les allocataires devaient signer ne constituait pas une "contrepartie" de l'allocation versée, mais bien au contraire une obligation faite à la société d'aider la personne en difficulté : "L'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté constitue un impératif national", indiquait ainsi l'article 1 de la loi instituant le RMI. Nous voilà aujourd'hui dans une tout autre configuration : ce n'est plus à la collectivité d'assister les personnes en difficulté, en les aidant notamment à se réinsérer, socialement et professionnellement, c'est à chacun des allocataires, ayant déjà bénéficié des "largesses" publiques, d' offrir une certaine quantité de travail gratuit. Une double punition en quelque sorte. Si cette remise en cause de notre conception de la solidarité est grave, c'est parce qu'elle risque de démultiplier les situations d'isolement, de désespérance et d'exclusion [...] Ce qui est grave, c'est ce mépris terrible dans lequel est désormais tenue l'assistance, comme si le fait d'apporter une aide aux personnes constituait désormais un péché social. Ce qui est grave, c'est cette confusion générale qui laisse croire que la solidarité s'inscrit dans le paradigme du "donnant-donnant".

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