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Billet de blog 16 novembre 2011

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Un voile jeté sur les inégalités sociales à l’école

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Alors que la Cour des Comptes vient de dénoncer la trop grande uniformité du système scolaire français (voir l’article de Louise Fessard) et sa trop grande négligence à l’égard de la variété des besoins des élèves issus d’horizon sociaux différents, François Fillon applaudit l’UMP qui propose le port d’un voile, sous la forme d’un uniforme, pour masquer ces différences à l’école ! Les différences sociales se voient trop ? Qu’à cela ne tienne ! Nous ne les verrons plus ! Où sommes-nous ? Dans quel pays sommes-nous pour que l’on prenne les citoyens - et surtout les jeunes citoyens - à ce point pour des naïfs ? La prise de conscience de l’existence des différences fait partie du développement des enfants et des adolescents qui se servent de toutes sortes d’indices pour construire et différencier leur identité. Si ce n’est l’habillement, ce sera la coiffure, les bijoux ou le cartable et, au-delà des accessoires, ils auront toujours le langage, les références culturelles, etc… On ne peut pas légiférer ce travail de conscience, on l’accompagne par une éducation attentive pour que la diversité s’intègre au collectif mais on ne peut en dicter les termes. C’est vrai pour les différences sociales, comme pour toute différence réclamant un positionnement personnel. La question c’est de savoir comment un jeune construit son identité avec ce qui lui est proposé ici et là. Faute d’idées sur l’éducation, la droite se contente de prescrire ou d’interdire des symboles dans l’espoir de consolider une identité française patchwork effectivement délabrée mais pour des raisons autrement plus graves et profondes. Par ce système, elle ne pourra produire qu’une norme, un label, un déguisement, mais pas une identité assumée. Combien d’hommes et de femmes issus de milieux modestes ont su briser les chaînes du déterminisme social parce qu’ils ont pu trouver chaque jour à l’école un accueil, une place, un respect pour leurs différences, et non pas une obligation de les masquer ? Certes, le climat scolaire s’est détérioré et l’Etat ne s’informe pas sur les moyens qui pourraient le rétablir. La grande majorité des établissements est dans l’incapacité de garantir le respect des différences faute de présence humaine suffisante auprès des jeunes. Le décrochage, la dépression et le suicide des jeunes sont liés à leur solitude face au travail identitaire qu’ils doivent mener pour devenir adulte. Et les différences sociales ne sont pas les seules à leur poser problème. Que ce soit au niveau de leur sexualité, au niveau de leurs difficultés scolaires ou de leurs handicaps, les jeunes doivent, malheureusement, trouver seuls « comment être » en présence des autres. Ce n’est pas l’uniforme qui les aidera à en parler. Or, quand on écoute les élèves, on constate que pour progresser, ils s’appuient surtout sur leurs rencontres avec des personnes différentes d’eux, c’est pourquoi, plutôt que d’insister dans l’impasse de l’uniformité, c’est du côté de l’ouverture à la diversité qu’il convient d’orienter le travail éducatif. On pourrait commencer déjà par faire admettre que la diversité des résultats scolaires ne représente ni l’échec des enfants, ni celui des enseignants, mais figure tout simplement le télescopage de la diversité des élèves avec une norme scolaire qui écarte une grande partie des compétences socialement utiles.

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