SERBIE : LE SYSTÈME EST EN TRAIN DE S'EFFONDRER SOUS LA PRESSION DES ÉTUDIANTS
19 décembre 2024.
"Quand les citoyens, en particulier les jeunes, disent "ça suffit", ce n'est ni une émotion momentanée ni une euphorie passagère, c'est un point de rupture. Le système est maintenant dans une phase de fissuration, la seule question est de savoir à quelle vitesse il va s'effondrer. "
La crise ébranle le gouvernement serbe.
Elle a été causée par la chute de la verrière du toit de la gare de Novi Sad le 1er novembre, qui a coûté la vie à 15 personnes. L'exigence de punir les responsables a suivi, des manifestations, des arrestations de manifestants ont continué puis la revendication de libérer les étudiants... tout cela mené par des étudiants de plus en plus nombreux de plus en plus décidés. Ils ont commencé par demander une hausse du budget scolaire de 20%. Ils exigent aujourd'hui la chute de tout le système. Plus de 50 facultés en Serbie sont bloquées, et de nombreux lycées ont suivi malgré l'interdiction des autorités, la propagande mensongère et les pressions sur les parents. La rébellion s'étend maintenant au-delà de Belgrade et de Novi Sad (2e ville du pays) mais a touché toutes les villes, les étudiants reçoivent de plus en plus de soutien, fourni par les écoles, les enseignants, l'Association des écrivains de Serbie, le Conseil exécutif de la SANU (l'Académie serbe des Sciences et des arts), les agriculteurs (qui font ce soit un énorme repas public gratuit en soutien aux étudiants), les artistes, les mineurs de fond, les médecins, les pharmaciens, les travailleurs de la santé....
En Serbie, les manifestations étudiantes qui amènent des changements ont lieu tous les 28 ans. C'était comme ça en 1968, puis en 1996 et maintenant cette année parce que la liberté est difficile à obtenir et de courte durée. Aujourd’hui, nous avons une génération qui ne veut pas être l’otage du passé ni vivre dans la réalité tordue du président autocrate très à droite Vučić qui n'a plus que la répression pour se défendre, encourageant même les automobilistes a foncer dans les manifestations, ce qui vient de provoquer un mort. "Il s'agit de jeunes qui n'acceptent pas de concessions partielles, d'une génération hautement éthique qui recherche des changements systémiques", a déclaré Ana Hegediš Lalić, présidente de l'Association des journalistes indépendants de Voïvodine (NDNV) faisant référence au moment sociopolitique actuel en Serbie qui laisse présager un changement profond et pas seulement dans le sens d'un gouvernement ébranlé.
Car cela fait trois ans que la société serbe se mobilise. D'abord contre les divisions ethniques et violences suscitées par le pouvoir qui ont engendré plus de dix morts dans les écoles, avec des manifestations drainant des foules énormes durant quasi un an, ce qui est remarquable dans un pays qui a si longtemps été divisé par les haines ethniques et les guerres dans les années 1990. Puis ça a été des manifestations de masse contre le trucage des élections par le gouvernement qui faisait venir de faux électeurs de Bulgarie ou du Kosovo par trains entiers. Et là aussi, les étudiants ont été le fer de lance de la lutte qui a fait reculer Vucic au moins sur les élections à Belgrade. Puis ça a été dans la foulée, des manifestations qui durent encore aujourd'hui, contre l'ouverture d'une mine de Lithium concédée au groupe Rio Tinto au détriment de la santé de la population avec là encore des étudiants, qui se politisent chaque fois un peu plus.
Et aujourd'hui encore les étudiants , qui constituent peut-être la seule catégorie de la société serbe que le gouvernement ne peut ni faire chanter ni soudoyer, et qui le disent au président avec leur slogan : "Nous ne vous avons rien demandé, nous voulons juste que vous partiez, nous voulons une autre société !"
C'est pourquoi de nombreux commentateurs serbes sont actuellement convaincus que c'est le début de la fin du règne de Vucic et plus encore.
Un mai 68 en hiver en Serbie ?