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Billet de blog 12 novembre 2019

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Le député-cassoulet certifié d’origine incertaine

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                Jadis, en 2002, Pierre Cabaré avait pour dada l’environnement. Il s’était présenté aux législatives sous le couvert d’une énigmatique étiquette « Autre Ecologiste » et avait raflé 1.09 % dans la première circonscription de Haute Garonne. Cette ébouriffante prestation n’échappait cependant pas au Conseil Constitutionnel qui infligeait à ce prothésiste dentaire un an d’inéligibilité pour cause de comptes de campagne peu clairs.

On le retrouve en 2015 à l’UDI où, là encore rattrapé par la patrouille, il fera l’objet d’une procédure disciplinaire pour avoir voulu transgresser aux Départementales un accord électoral conclu avec le Modem et l’UMP. Bref le bonhomme semblait  taillé dans le bois dont on fait les tuiles.

Mais, en 2017, le revoilou ! Ce coup-ci il saute dans le train En Marche. Une formation alors en gestation qui recrute avec la facilité d’un DRH qui ne s’embarrasse pas du Code du Travail, mais se prévaut d’une éthique sans faille connue d’un cénacle de « moralisateurs de la vie publique » (selon la phraséologie du dimanche alors en cours), jurant la main sur le cœur que jamais, ô grand jamais, eux vivants, nul prétendant n’ira fouler la campagne avec la bobine du jeune Emmanuel sur l’affiche, s’il a dans son passé eu maille à partir avec la justice. La grande époque, quoi.

Et patatras ! Pierre Cabaré prend de plein fouet la rigueur de cette immanence dans les dents : un esprit bien intentionné porte à la connaissance du Mouvement à l’intégrité sans faille, le pédigrée judiciaire que notre prothésiste avait « oublié » de signaler aux vigiles de la commission d’investiture, sorte de gardiens de la révolution En Marche, engagés pour récuser notamment tout candidat « ayant été condamné à une peine d’inéligibilité ».

Bon, un « oubli »… C’est ballot, avouez, un phobique de sa propre mémoire judiciaire. Taratata ! Inflexibles, les En Marche. Ce n’est pas inscrit dans le programme mais porté par la rhétorique : on ne transige plus avec les petits arrangements.

Et Zou ! Pierre Cabaré est officiellement désinvesti le 1er juin 2017, à dix jours du premier tour. C’est ballot encore. Mais notre prothésiste a de la chance : il « oublie » ce détail-là encore. Et en Marche aussi, l’oublie. Ses professions de foi tombent dans les boites aux lettres où, un coup de Photoshop plus loin il s’autorise à sourire aux côtés d’Emmanuel Macron qui, pourtant, ne voulait pas de lui, et de Lucie Schmitz dont il vante « les compétences (et son) expérience dans l’industrie et la métallurgie ».

Dimanche 18 juin 2017, Pierre Cabaré, au terme d’un parcours où la sincérité de ses engagements n’a pas toujours été comprise, est enfin élu. C’est un député. LREM. Un  vrai. Un qui sent le chaud des bacs à sable auxquels on l’avait pourtant renvoyé. Il entre par la porte dérobée avec l’étiquette d’un parti qui l’avait récusé. Personne ne pipe mot. L’opération « moralisation » avait-elle déjà vécu et sombré ? Sans qu'on le sache encore, elle préfigurait en tout cas le double langage auquel on allait devoir s'habituer. De fait, on préféra ne pas trop s'attarder sur ce hiatus, trop empressés d’étrenner les habits neufs de la République « bienveillante » qui nous attendait.

Pauvre Pierrot, au terme d’un parcours politique aussi rectiligne et enfin abouti (« quand je serai grand, je veux faire député »), le voilà maintenant pris dans les rets de fâcheux ragotages.  Puisque le salut lui est déjà parvenu via les mânes de LREM, peut-être pourrait-il consulter Corinne Vignon, voyante extralucide, elle-même désormais convertie  députée de Haute Garonne, qui n’avait hélas pas vu venir ses ennuis mais qui pourrait peut-être lui prédire la suite. Ou peut-être hâter les intentions de l’autre éminence locale, Sandrine Morch, ex-journaliste à France 3 qui, naguère, trouvait « excellente » l’idée de créer un « comité de moralisation de la profession de journaliste ».

Bref, un si beau parcours qui, n'en doutons pas, va lui permettre de voir aboutir les engagements qu'il prenait dans sa profession de foi : "réduire les incivilités et faire appliquer la loi".

https://www.francebleu.fr/infos/politique/toulouse-legislatives-pierre-cabare-en-marche-mais-desinvesti-1496266592

bientôt, la gloire (pdf, 694.6 kB)

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