L'Archi-pelle, ou la défaite éthique de EELV à Toulouse
Au départ, comme il est dit sur l’étiquette, « Archipel » devait être « citoyen ». Au regard de la dialectique portée par le mode d’emploi tout était fait pour qu’on entende « hors-partis ».
L’idée de cette liste était de créer une espèce d’effervescence plurielle, à la marge des formations traditionnelles et surtout, à l’écart des vieilles tambouilles, pour apporter quelques idées et méthodes neuves.Dans les réunions publiques était colportée l'idée que le projet serait né dans l’arrière-salle d’un café où, nous disait-on, « cinq ou six copains et copines se réunissaient sans trop savoir quoi faire pour changer la ville » mais qui, à force d’infuser leurs doutes ont dégagé une certitude : « réunir le plus largement possible les Toulousains et faire émerger une volonté commune » qui, bien sûr, finirait par tailler un costard à l’hôte du Capitole dans un esprit « ouvert », « écologique », « social », sans oublier de caser le mot « bienveillant » à tous les étages.
Voilà pour la légende urbaine qui, à grands coups de violons « participatifs » invitait chacun à débattre (à s’écouter, donc) pour qu’émerge de ce fourmillement la substance de la Ville de Demain. En bout de ligne : une liste électorale en sortirait, qui serait portée in fine par des encore anonymes dont les capacités auraient émergé. Ainsi, en les plébiscitant sur une liste électronique, on aurait validé leur représentativité, acquise au mérite, rien qu'au mérite et si loin des appareils. En filigrane de ce discours, on présumait qu’il n’y avait pas de leader, et qu’il allait falloir en trouver un parmi ces bonnes volontés.
La fable s’installe dans les esprits et surfe sur son élan œcuménique un an durant environ dans un local du centre-ville jusqu’au 14 septembre 2019, où le faux nez commence à glisser lors d’une "réunion de rentrée" : derrière la piétaille appelée à phosphorer sur ce « projet pour tous », « sans leader », on aperçoit dans la coulisse la déléguée régionale EELV, qui ne vote pas à Toulouse. A ceux qui s’inquiétaient de cette présence « politique » les initiateurs du projet répondaient que « certes il pouvait y avoir des membres d’EELV parmi les candidats mais (tout est dans le « mais ») : ils sont là à titre purement individuel ». Ah, bon.
Rien de grave, donc. Il est vrai que « le manifeste des valeurs Archipel » promeut « la transparence » et « la sincérité » pour expliquer sa différence. Ouf !
Il a fallu attendre le 17 novembre 2019 pour s’en persuader : le jour de clôture du scrutin numérique devant désigner les futurs membres "au mérite" de la liste, EELV bourrait les urnes électroniques pour hisser en tête ses candidats. Le « mouvement citoyen » avait vécu, EELV tombait le masque dès le lendemain. Sans prendre la peine d'observer un délai de décence, via un communiqué de presse parti du local du mouvement vert, la formation avouait que ce jouet était bien le sien : : « alors que les autres partis politiques n’y voyaient nul intérêt » (pour une liste « ouverte » et hors-partis, on sent tout de suite l’œcuménisme qui vient), « c’est avec grand plaisir et fierté que EELV Toulouse voit aujourd’hui l’ensemble des douze candidat/es qu’elle avait proposé être retenu/es » (tiens, ce n’était donc pas des candidatures individuelles ?). Toute honte bue, EELV finissait le calice en lâchant les chiens, mais pas l’os, se hissant tout à coup : « force motrice légitime (…et…) garants de cette démarche d’espérance et de rupture ». Rien de moins.
Pour un mouvement qui entendait en finir « avec les anciennes pratiques politiciennes » cette auto-proclamation confiscatoire aux relents de cuisine rad’soc est hélas restée dans les armoires de l’insolite.Peu ont réagi au piège qui venait de se refermer : au terme d’une duperie organisée depuis plus d’un an, EELV venait de s’offrir pour pas cher le fonds militant qui lui fait cruellement défaut à Toulouse (avec 250 adhérents, va courir les marchés…). Voire, pour enfoncer le clou, Antoine Maurice, tête de liste présumé (il n'était pas encore désigné tel) craignant pour son avenir eu égard à l'entrisme de la France Insoumise qui avait également pris soin de battre le rappel pour remplir les urnes, avait le culot de s'indigner, accusant les mélenchonistes de "dévoyer l'esprit d'Archipel" (sic).
C'était donc mal parti. Cela a mal fini. Logique.On rappellera aux initiateurs d’Archipel que la politique, c’est d’abord de l’histoire, à commencer par la sienne. Il va falloir maintenant expliquer, en commençant par la genèse des mythiques copains réunis dans un café, et préciser qu'il y avait avec eux deux maires de l'agglo dont, curieusement, les hagiographes ont oublié de signaler la présence.
EELV va devoir trouver des raisons à sa défaite, ailleurs que dans la "campagne de caniveau" de l'adversaire. Mettront-ils des mots sur cette stratégie foireuse qui a consisté à se cacher en silence derrière le rideau de la fumée "citoyenne" pour agréger des forces vives, récupérer des petites mains, et surgir soudain « en force motrice légitime » alors qu’ils ne figuraient nulle part sur le casting initial ? On peut se tromper, ce n’est pas antinomique avec la sincérité et, à cet égard personne ne pourrait leur en vouloir. Mais comment aujourd’hui justifier de façon claire cet épisode, quand tout repose sur une fourberie ?