« Une coalition numérique allant de la fachosphère au Printemps républicain est à la manœuvre », nous avertit Joseph Confavreux dès l’accroche de son papier. Houlà ! On sent le souffle froid d‘une hydre invisible, insaisissable dans ses contours. Pis, elle est en pleine« offensive » nous est-il dit plus loin. Ce n’est pas rien de rien, d’autant que cette sournoiserie, hourdie « pour détruire » vient non seulement s’aligner sur le timing de la campagne présidentielle mais encore sur des banlieues qui « pourraient(sic) s’embraser ». Bigre ! Mais de quoi s’agit-il ? De Mehdi Meklat, « indéfendable ».
Loin de l’oxymore, déjà dans l’antithèse, Médiapart entend « parer » (re-sic) une offensive contre des tweets « indéfendables »… Qu’es aquo ce pastaga ? On lit alors l’histoire de ce jeune homme venu de nulle part et surgissant sur Arte, France Inter, au Seuil, « un enfant prodige »… qui trouve le temps d’envoyer des tweets « misogynes, homophobes, antisémites et faisant l’apologie du terrorisme ».
On a connu Médiapart assez direct sur ce genre de discriminations, mais là, vas-y que ça contorsionne : tous ces tweets ne sont au final que« des provocations destinées à tester », mais bon on le châtie un peu quand même de « s’être cru plus malin ». Mais « sans doute pas le dernier ». Alors, on le « sermonne ». De quoi ? D’avoir voulu « mettre un violon dans le cul de Mme Valls », de demander de « faire entrer Hitler pour tuer les juifs » ? Nenni.
On apprend plus loin que ce garçon avait « un double maléfique » dont il « testait les limites ». Aaah ! Dès lors, le sermonner apparait un peu violent. Heureusement l’article suggère une alternative : il l’invite à « purger sa conscience », et bing ! Tant de sévérité devrait faire du bien à ce galopin, parce qu’il y a pire que « faites entrer Hitler pour tuer des Juifs » : il y a « les autres ».
On ne sait pas qui sont ces « autres », l’auteur de l’article ne le dit pas, mais il nous précise qu’ils veillent, et ils sont mal intentionnés ; face à ce danger beaucoup plus grand qu’une galéjade antisémite on encourage le lecteur à « sortir de la consternation afin de résister à l’offensive déclenchée par une nébuleuse numérique ». Et d’en appeler aux mânes de Pascale Clark qui nous demande de circuler, y’a rien à voir : « tous les comiques font ça ». « Aller cracher des glaires à la face de Charb », c’était donc du rigolo.
S’il vous plait, restez avec nous. Demandez-vous qui est Mehdi Mekla : certes un chroniqueur du Bondy Blog à propos duquel, nous dit Edwy Plénel, qu’on ne saurait « s’autoriser une campagne contre ce qu’il incarne ». Mais il ne s’agit pas de massacrer le Bondy Blog et l’énergie des banlieues. Pas plus que lors de l’affaire Dieudonné il ne s’est agi de partir en croisade contre le stand up, pas plus que le fait de trouver Zemmour pestilentiel ne relève d’une cabale contre Paris Première.
En revanche, rien n’interdit de s’interroger sur cette génération sans recul qui, sous prétexte d’un abonnement 4G s’autorise à dispenser ses énervements réels ou supposés sur des réseaux anonymes. Rien n’interdit de se questionner sur un gamin qui, comme de nombreux autres de sa génération, a peut-être poussé un peu vite et un peu trop près d’un smartphone avant même d’avoir fréquenté assez de livres. Quand bien même, à l’instar de Zahia ou de Nabilla Benattia, il incarnerait quelque chose cela ne fait pas forcément de lui quelqu’un d’intelligent, de cultivé, raisonné, apte à avoir une distance entre un mot et ses conséquences. Cela fait simplement de lui un « twittos », fils d’une génération nourrie au zapping et dont la première ambition est d’avoir un abonnement SFR ou Orange, avant même d’avoir celui de la bibliothèque. Bref, pour moi, ce gamin avant même d’être le bouc émissaire d’une nébuleuse facho, est d’abord un imbécile.
On ne saurait non plus s’interdire de réfléchir, ou lui demander de réfléchir, s’il a pensé une seule seconde dans quel cerveau pouvaient tomber ses tweets ? Comment ont rampé ses injonctions puantes dans l’entendement de personnes aussi intellectuellement démunies que lui ? Y a-t-il réfléchi une seule seconde ? Non, bien sûr. Il s’amusait, il « inventait un personnage ». Bref, c’était presque du théâtre. De l’art, en somme.
On sait pourtant la part d’influence qu’ont les réseaux sociaux, tweet et autres Instagram sur « la pensée » des jeunes, on en parle notamment comme d’un vecteur de harcèlement dans les cours de récré, parfois jusqu’au suicide ou d’un premier marchepied avant le djihad. Bref : rien de ce qui s’écrit n’est anodin. C’est d’autant plus pernicieux que si certains destinataires ont lu Chomsky et Bourdieu, ce n’est certainement pas le cas de tous, tant il est plus facile de dégainer son smartphone pour « cracher à la gueule » que de rentrer dans une librairie. Alors, je vous repose la question Joseph Confavreux : n’était-il pas utile, dans votre article de poser une réflexion sur les causes et surtout conséquences des tweets de ce jeune homme qui semble mériter votre indulgence ?
Les saletés de Mehdi Meklat vont au-delà des gros mots qu’un gamin lâche à la table familiale. On est dans la sphère publique et nul ne sait mesurer l’effet métastasique d’un appel à haïr tel ou tel, même si c’est « par jeu ». Médiapart a toujours eu un œil vigilant sur les dérives antisémites, homophobes et, plus largement sur les discriminations.
Pouvez-vous nous assurer que les anathèmes « rigolards » de Mehdi Meklat contre les Juifs ont été uniquement lus au second degré ? Ou pouvez-vous comprendre qu’il y a autre chose à redouter de ces mots dangereux quand ils sont manipulés par un petit con inconséquent ?
Est-ce en vouloir au Bondy Blog que de poser ce genre de question ?
Je suis un lecteur de Médiapart, auquel je souscris depuis presque sa création parce, justement, l’information ou les analyses que j’y trouve vont plus loin que les faits eux-mêmes. Mais cette façon de détourner la riposte que méritent ces ignominies arrogantes et insupportables dans leur veulerie, me laisse perplexe. Pouvez-vous dire, sincèrement, que vous auriez eu la même compassion s’il se fut agi d’Eric Ciotti, de Michel Sardou ou de qui sais-je encore qui se serait caché derrière Marcelin Deschamps ? Est-ce vouloir « embraser » les banlieues que de poser la question ?
Moi, je suis romancier, je ne souhaite pas « faire taire un débat public tendu autour de l’islam et de la place, dans la République, des enfants issus de l’immigration » et du coup j’ « interroge mes limites » : ce sont, pour partie, celles du respect que l’on doit aux autres, aux plus faibles et aux minorités notamment, aux discriminés. Et aussi : je me montre, je signe mes propos. Mon travail a été salué ici même, comme l’a été celui de Mehdi Meklat. Ainsi, si ce billet se termine en disant que ce sale mioche a eu une attitude de trou du cul, je compte sur vous pour expliquer que c’est peut-être mon double qui parle.