Tout d’abord, appliquons notre outil à l’injonction récurrente Macron ou Le Pen. La roue tourne, les lettres se mélangent et l’avertissement tombe : urne monoplace. Mais qui, pour échapper à ce deuxième tour dont une anagramme laisse penser qu’il est le mieux redouté ? En disséquant ladroite, on obtient idolâtre et on voit passer ordalie, pas très engageant tout ça. Reste donc lagauche, dont on peut extraire égal, un joli mot, mais aussi lâchage. Avec toutes les lettres, on écrit élu gâcha, vous avez l’allusion ? Plus qu’à une unité de façade, c’est sans doute au concept de coalition, pourtant gagnant outre-Rhin, que cette gauche est la plus étrangère. Ainsi, en anagrammant successivement les noms de quatre candidats de gauche plus ou moins déclarés, on n’obtient pour l’instant qu’un message haché et mystérieux : l’adage honni / crash unitaire bâti / mon jeu l’enclencha / ADN yack joint. Saurez-vous les reconnaître ?
Les experts électoraux sont formels, on n’y comprendra rien tant que chacun restera dans son lexique. Au lieu de confronter les personnalités, si on panachait les idées ? En faisant danser ensemble toutes les lettres de socialiste, écologiste, insoumis et communiste, on obtient des slogans aussi stimulants que : Oui, soigne ce climat, liste nos comités si mous ! Et si les Insoumis n’en sont pas : Toi, l’ange cité, milite sous ce cosmos !
Le macronisme, qui contient romances ou sommaire mais aussi scénario, aura surtout consisté à renforcer l’impasse démocratique. Pour se sortir d’une élection qui ressemble à un jour sans fin, peut-être lagauche (voir plus haut) a-t-elle besoin de mieux choisir son terrain : bien plus que la présidentielle où l’on trouve stipendier et inertie, les législatives, qui comportent un legs si vital, invitent à la coalition. Pionniers de la prise de conscience planétaire, les écologistes ont un coup à jouer, à condition de ne pas s’enfermer dans un clos égoïste. Héritier d’une longue histoire, le parti socialiste ne peut se réduire à SOS laïcité quand son nom comprend à la fois la cité et l’oasis.
On pourra juger puéril un tel rapport aux mots. Il l’est en effet : c’est en jouant avec les lettres que l’enfant apprend à écrire. Mais il peut aussi aider l’adulte à décrypter la complexité du monde. Qu’on malaxe les programmes, qu’on transforme nos syntagmes partisans en gymnastes politiques. Que cent anagrammes s’épanouissent ! Ne nous y trompons pas. Derrière le salon littéraire, il y a un combat de rue pour la démocratie. Et dans démocratie, une fois enlevée la part de comédie, il reste tout de même un peu d’art.