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Billet de blog 17 septembre 2016

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La journée de la culture du Rwanda à San Francisco, le 24 septembre 2016, quel enjeu?

A l’ordre du jour, l’exposition des éléments de la fierté rwandaise « agaciro » dont le président Paul Kagame est le principal.

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Illustration 1
© www.rwandaday.org/2016

Le Rwanda ne peut plus s’exporter sans son Excellence Monsieur Paul Kagame, Président de la République. Cet homme qui prend l’envergure plutôt international, influent sur le continent africain, est une marque nationalement reconnue au Rwanda sous l’appellation Agaciro « la dignité ». Mais cette forme de culture qui prend sa source dans la tradition lointaine s’est renforcée avec la résurrection de la nation après le génocide et la volonté des autorités d’ériger une politique souverainiste et une économie capitaliste d’apparat.

Cependant, l’événement qui s’organise aux Etats-Unis par la diaspora rwandaise, puisqu’il concerne la culture rwandaise, ne doit pas faire oublier ses limites et ses menaces, à savoir le paternalisme, l’opportunisme, le conformisme violent et la simplicité culinaire.

Le paternalisme : On dit « umwami uhawe uraharo arwigiza imbere » (un roi qui accède au trône a le droit d’élargir son influence). Les Rwandais ne sont pas culturellement prêts pour l’exercice d’un pouvoir démocratique classique. En effet, la population est toujours à la recherche d’un père de la nation pour exister. Les mouvements politiques qui s’engagent ici et là dans le monde semblent ne pas concerner le Rwanda, car quiconque cherche à remplacer la tête vise à renverser le système et paralyser la société. Ce qui peut être reproché au régime politique l’est ainsi à la culture rwandaise, sous laquelle tout le peuple est un enfant et chaque dirigent un parent.

L’opportunisme : La vision du monde rwandaise est caractérisée par ce qu’on appelle « urwandiko » (l’écriture d’avance), cette croyance selon laquelle on accepte tout ce qui arrive et on résiste aux interprétations scientifiques. Le « Post hoc ergo propter hoc » est cette motivation selon laquelle tout chef d’Etat risque toujours les louanges et les lauriers en tant que sauveur de la nation. L’histoire ne s’écrit plus qu’à partir du présent et peut entretenir la crainte du futur, vis-à-vis des pléonasmes manifestés. Ainsi les prouesses du chef de l’Etat actuel sont souvent justifiées non seulement par ses accomplissements mais par l’avilissement du passé. Comment pourra-t-il ainsi entrer dans l’histoire si la culture rwandaise s’entretient sans réforme ? La réponse à cette question se trouve dans le grand silence, lui aussi entretenu comme valeur de la culture rwandaise. La langue étant coupable, ce qui interdit l’annonce d’alternatives.

Le conformisme violent : La culture du silence et de l’hypocrisie rwandaise n’a pour fruit que les réactions violentes. Les meurtres et les massacres enregistrés au Rwanda n’ont jamais été le résultat d’une culture de la haine, mais du silence. Les gens ne se parlent pas et donc ne se connaissent pas, ou simplement ils se mentent. Les identités rwandaises sont gardées tabous et la notion de diversité culturelle est escamotée dans la politique culturelle. Dans la lettre d’invitation que l’Ambassade de France a adressée à la diaspora apparaît l’expression « la culture unique du Rwanda ». Cette intention de pousser au conformisme est une forme d’incubation de la violence. Ainsi à quelle occasion les panels de la culture rwandaise consacreront-ils les éléments pertinents de la diversité rwandaise, à savoir les terroirs, les langues, les modes de vie, etc. ?

La simplicité culinaire : Une cuisine simple, bonne, mais sans assez condiments, d’originalité, sans recherche et sans authenticité. 80% des ingrédients sont d’origine étrangère. La ménagère rwandaise fournit moins d’effort pour apprêter un met que toutes les autres ménagères du monde. Et au milieu des univers culinaires, le Rwanda est absent ! Qu’est-ce que la journée de la culture rwandaise pourra ainsi retenir de modifiable, si ce n’est la cuisine, principalement. Proposer de nouvelles recettes, introduire de nouvelles habitudes alimentaires : le poisson, les crevettes, le plantain, les fruits, etc. Une façon d’entrer dans le développement par la culture, aussi.

Inutile de conclure cet article, car le Chef de l’Etat rwandais tiendra la promesse d’être présent et de prêcher aux oreilles attentives. En guise de campagne, la réforme culturelle pourra engranger beaucoup de votes, mais aussi des abstentions.

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