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Billet de blog 29 juin 2014

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Lettre d'un député "de terrain" au Président de la République

Monsieur le Président,Je viens de lire l’appel que huit organisations patronales viennent de vous adresser. Je suis un député qu’on appelle « de terrain », même si je ne savais pas qu’on pouvait être député autrement ! Je n’ai pas fait de la politique un métier, et je fais partie des parlementaires - il parait qu’ils sont rares - qui ont effectué une carrière professionnelle en entreprise.

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Monsieur le Président,
Je viens de lire l’appel que huit organisations patronales viennent de vous adresser. Je suis un député qu’on appelle « de terrain », même si je ne savais pas qu’on pouvait être député autrement ! Je n’ai pas fait de la politique un métier, et je fais partie des parlementaires - il parait qu’ils sont rares - qui ont effectué une carrière professionnelle en entreprise. J’y ai passé 35 ans comme salarié, cadre, et pendant quelques années délégué syndical.

J’ai été élu pour la première fois en 2012 sur le programme que vous défendiez et qui avait créé un espoir raisonné parmi nos concitoyens. Je sais pertinemment les difficultés nées de la situation catastrophique laissée par la droite et par le contexte économique mondial. Je sais que des mesures pour aider les entreprises, qui ne figuraient pas à l’origine dans votre projet, sont aujourd’hui indispensables ! Pourtant  je me bats désormais avec plusieurs dizaines de mes collègues parlementaires pour vous demander de reconsidérer la feuille de route que vous avez fixée au Premier Ministre et au gouvernement.

Monsieur le Président, cet appel  que les organisations patronales viennent de vous adresser, et qui serait celui de « citoyens français inquiets pour l’avenir de leur pays », m’apparaît surtout comme une offensive en règle pour conforter une politique de l’offre que ces « citoyens » appellent de leurs vœux depuis de nombreuses décennies. L’équilibre du courrier est assez parlant : dramatisation , vagues promesses, demandes « solennelles », sans oublier au passage (pourquoi ne pas en profiter ?) des remises en cause d’accords signés avec des organisations syndicales et traduites dans la loi (pénibilité, temps partiel), et surtout en face pas le moindre mot, pas le plus petit signe, sur d'éventuelles contreparties. Ne parlons pas d'un quelconque engagement ! Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement quand le premier signataire, M. Gattaz, est celui qui vous avait promis 1 million d’emplois contre ce Pacte !

Monsieur le Président, permettez-moi de vous le dire, j’ai vraiment le sentiment que c’est plutôt nous, qu’on nomme frondeurs, qui avons choisi le camp de la responsabilité ! Nos propositions sont trop souvent caricaturées, elles s’appuient pourtant sur des faits incontestables. Je vous en cite un seul : au moment où la consommation et l’investissement sont au plus bas, des centaines de millions d’euros d’argent public sont  distribués, au titre du CICE,  à des entreprises  comme celles de la grande distribution (exemple symbolique mais malheureusement pas unique) qui, de toute évidence, n’en ont pas un réel besoin.

Nous affirmons donc - nous aussi solennellement - que le budget de la France pourrait être utilisé de façon beaucoup plus efficace en réduisant le montant d’allègement sur les entreprises et en le recentrant sur celles qui en ont réellement besoin et qui sont susceptibles de relancer une croissance durable à travers des dépenses de recherche, d’innovation, de formation, de mutation écologique, de recrutement ! Les sommes récupérées permettraient ainsi de rééquilibrer la politique économique de notre pays en boostant le pouvoir d’achat, l’investissement et l’emploi, et au final de réduire nos déficits en évitant la croissance atone qui nous menace, de l’avis même de la majorité des économistes.

Monsieur le Président, je suis un parlementaire responsable! Je ne me suis pas engagé en politique pour un quelconque intérêt personnel.  Par souci de loyauté envers mes électeurs, mes convictions, je veux  rester fidèle à l’esprit du contrat sur lequel j’ai été élu en 2012. Il me serait donc difficile de valider en l’état des orientations budgétaires qui déséquilibreraient dangereusement la politique économique de notre pays !

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma haute considération.

Philippe Noguès, Député du Morbihan

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