Le transport des marchandises et des personnes est un sujet sensible de par les enjeux sociaux-économiques et environnementaux qu’il provoque. La France est un pays stratégiquement situé sur des axes de circulation relativement importants, rendus difficiles par le franchissement des massifs montagneux qui bordent ses frontières.
La route se taille la part du lion dans ce domaine, résultat les axes routiers sont régulièrement saturés, et rendus dangereux par la noria de camions qu'elle supporte quotidiennement. Le bilan écologique de ces déplacements est catastrophique, pour les riverains et la planète.
Le franchissement des Alpes entre la France et L’Italie fait régulièrement sujet à polémique, un tunnel ferroviaire entre Lyon et Turin couplé à une ligne nouvelle est proposé comme une solution au désengorgement routier. Les arguments utilisés par les détracteurs et les partisans sont-ils objectifs ? Ou alors l'idéologie l’emporte sur la raison ?
Les opposants d’EELV diabolisent ce projet comme étant une œuvre au cout pharaonique et inutile car la voie actuelle, sous utilisée, serait suffisante à un basculage des modes de transport en faveur du rail. (http://transports-territoires.eelv.fr/lyon-turin/) Mais la pirouette des écologistes vigoureusement critiquée par des alliés de circonstance à l’incompatibilité génétique, (http://www.fnra.fr/2013/07/projet-lyon-turin-les-mensonges-des-ecolos-eelv-a-la-region/) n’en fait pas des opposants crédibles.
La confédération paysanne avec No-Tav défend quand a elle des intérêts particuliers, concernant une minorité de la population http://notav-savoie.over-blog.com/article-la-confederation-paysanne-demande-l-annulation-de-l-enquete-publique-sur-le-lyon-turin-112963893.html comparé à la dimension européenne du projet.
D’autres détracteurs proposent une diminution de la consommation et donc moins de marchandises transportées, idéologie respectable mais plus proche du vœu pieux que de la réalité quand on voit la fulgurante progression mondiale du géant Américain Amazone par exemple.
Ses promoteurs présentent ce projet comme un outil complémentaire aux installations actuelles et surtout comme la possibilité efficace de provoquer un changement efficace de mode de transport en faveur du rail sur la route, sur fond de dimension européenne http://ec.europa.eu/transport/themes/infrastructure/ten-t-implementation/priority-projects/doc/2012-2013/pp6-final_fr.pdf
La FNAUT un des principaux acteurs favorable au projet considère en effet que la réalisation du tunnel de base est indispensable à un report massif, bénéfique pour l’environnement, des trafics fret et voyageurs sur le rail.
- L’exemple du tunnel suisse du Lötschberg confirme l’intérêt d’un tunnel de base, d’exploitation bien moins coûteuse qu’une ligne culminant à 1300 m d’altitude : en 2011, 4 ans après sa mise en service, le trafic annuel est passé de 3,8 à 11,3 millions de tonnes.
- Le projet concerne également les voyageurs : l’Italie reste le seul pays voisin de la France à ne pas être relié efficacement à son réseau ferroviaire à grande vitesse, si bien que l’avion et la voiture assurent l’essentiel des déplacements franco-italiens.
-Alors le Lyon-Turin est-il un projet « pharaonique » au cout démesuré ?
http://mediascitoyens-diois.blogspot.fr/2013/11/projet-ferroviaire-entre-lyon-et-turin.html
Le projet Lyon-Turin est ambitieux mais le tunnel de 57 km prévu entre Saint-Jean-de Maurienne et Suse n’est pas plus gigantesque que celui du Gothard, de même longueur, dont les Suisses viennent de terminer le percement ou celui du Brenner, que lancent les Autrichiens.
Le tunnel sous la Manche a été lui aussi qualifié d’entreprise pharaonique, mais qui regrette aujourd’hui sa construction ? Le coût d’un projet, même qualifié de pharaonique http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-jacob-bicep/291013/lyon-turin-infrastructure-de-transport-pensons-plus-grand-faisons-plus-petit
ne veut rien dire en lui-même : il doit être rapporté aux avantages attendus. Son coût de 26,1 milliards d’euros, annoncé avec légèreté par la Cour des Comptes et brandi comme un épouvantail par les opposants au projet, est exagéré car il ne repose pas sur une analyse globale des projets ferroviaires du sud-est de la France et ne tient pas compte des possibilités de phasage. A moyen terme, il ne dépasse pas 10 milliards. ( FNAUT ).
De ce coût il faut déduire celui de la section nord du CFAL, http://www.ville-corbas.fr/Contournement-ferroviaire.html, nécessaire au bon fonctionnement du Lyon-Turin mais qui devra être réalisée quoi qu’il arrive pour soulager la gare de Lyon Part-Dieu du trafic de fret nord-sud et permettre la montée en puissance de l’autoroute ferroviaire Luxembourg-Perpignan ; celui des travaux réclamés par les opposants sur la ligne historique le long du lac du Bourget, sur la ligne classique Lyon-Chambéry-Annecy et dans l’agglomération d’Aix-Chambéry ; enfin celui des nombreuses et coûteuses augmentations de capacités routières qui deviendront vite indispensables si une alternative ferroviaire crédible n’est pas offerte aux chargeurs : rocade de Chambéry, élargissement de l’A43 et de l’A8,...
Pour information le cout d’autres projets ayant une dimension « pharaonique » similaire peut être aussi examiné : l’EPR : 8,5 Mds € (le Monde du 03/12/12)- Aéroport NdL : 15 Mds € (Emmanuelle COSSE Europe 1 le 20/12/13)- grand Paris : 31,5 Mds € (le monde du 03/12/13)- Programme A 400 M : 31,3 Mds (cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers (PWC) )- En bouquet final, dissuasion nucléaire de la France de 1945 à 2011 : 380Mds ! ! ! (http://www.obsarm.org/). Mais ou sont les opposants locaux ? ? ?
- Pour capter du trafic routier, il faut moderniser la ligne historique, et attendre qu’elle soit saturée pour construire une ligne nouvelle Lyon-Turin ?
"Si comme le disent les promoteurs du tunnel, une nouvelle ligne "gommant les Alpes" doit redonner une place concurrentielle au rail, nous devrions trouver sur plus de 70 % du réseau ferré français "de plaine" une activité fret ferroviaire florissante"; cf les Echos du 8 septembre 2013 : « Fret ferroviaire, Lyon-Turin le cas emblématique des limites de l'approche infrastructurelle », par Daniel Ibanez.
La ligne historique Dijon-Modane a déjà été modernisée, et portée au gabarit B1 qui a permis le développement du trafic de l’autoroute ferroviaire. Mais elle culmine toujours à 1 300 m d’altitude et reste pénalisée par ses fortes rampes qui rendent son exploitation très coûteuse, (moyens de traction supplémentaires, longueur, tonnage, vitesse limités. . .)
Elle est loin d’être utilisée à sa capacité maximale, parce que limitée par la congestion de la gare de Chambéry et le fait que le tunnel du Montcenis soit un monotube, ce qui limite ses capacités d’exploitation.
Mais elle sera difficilement saturée car elle est hors marché par rapport à l’A43 et au tunnel routier du Fréjus. Cette exigence des opposants n’a pas de sens : la répartition modale des trafics de fret ne se décrète pas, elle relève des décisions commerciales des chargeurs.
Parfois les opposants se contredisent : certains estiment que la ligne historique a été sécurisée ; alors que d’autres réclament une meilleure protection du lac du Bourget contre les risques d’accident ferroviaire, ce qui suppose des travaux longs et difficiles de carénage de la voie ferrée.
La réalisation d’un nouveau tunnel de base permettra de développer le fret ferroviaire en abaissant son coût d’environ 40 %, et de créer de nouveaux sillons.
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Il faut aussi tenir compte du trafic TER qui est voué à une augmentation exponentielle, et TGV pour concurrencer efficacement l’aérien sur des distances moyennes. De ce fait la cohabitation de convois de composition différente en tonnage, longueur, et surtout vitesse rend la fiabilité d’exploitation de la ligne classique très difficile, sans parler des incontournables blancs travaux (périodes ou plus aucune circulation commerciale ne peut passer) indispensables à l’entretien de la voie, dont la durée d’intervention sera proportionnelle à l’intensité de l’utilisation des installations (voies, caténaires, signalisation . . .)
On ne peut pas à la fois souhaiter le développement du trafic ferroviaire et lui refuser les moyens techniques de se développer : les écologistes refusent-ils les projets « pharaoniques » de tramway qui, dans les grandes villes, permettent seuls d’attirer les automobilistes ?

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- Le Lyon-Turin est inutile ?
Le trafic routier de fret transitant à travers les Alpes Françaises reste considérable :
2 700 000 camions par an, la moitié par les Alpes du nord, la moitié par la Côte d’Azur. Soucieux de protéger leur environnement, les Suisses ont investi massivement sur le rail pour absorber un trafic de 1 200 000 camions par an seulement, l’objectif étant de le réduire de moitié !
La part du rail dans le marché français du transport de fret est de 9%, dont un quart de combiné rail-route. Elle n’est que de 11% à travers les Alpes françaises alors qu’elle s’élève à 63% en Suisse, et 31% en Autriche sur l’axe nord-sud.
- Présenter le Lyon-Turin comme un projet favorable à l’environnement est une tromperie, il faut réduire la mobilité : « ni camions, ni wagons ».
La croissance de la mobilité de personnes et des marchandises est une tendance lourde de la société et de l’économie modernes. Il est légitime, et sans doute souhaitable, de chercher à en maîtriser les excès mais la mobilité présente aussi des aspects positifs, économiques ou culturels, qu’on ne peut ignorer.
En pratique, on ne sait pas, par des moyens démocratiques, réduire la mobilité. On peut par contre influencer la répartition modale des trafics en jouant sur l’offre d’infrastructure et la tarification : c’est tout l’intérêt d’un projet comme le Lyon-Turin, accompagné d’une taxation spécifique du transit routier analogue à la RPLP suisse.
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- Le Lyon-Turin provoquera un « désastre environnemental » ?
Une vision globale est indispensable pour apprécier l’impact du Lyon-Turin. Bien qu’en tunnel sur 50 % de son tracé, l’ouvrage consommera certes de l’espace agricole ou naturel (Conf Paysanne) et entraînera une coupure du territoire. Mais le Lyon-Turin aura aussi, en captant des trafics routiers et aériens, un impact très positif sur l’environnement : réduction de la congestion et de l’insécurité routières, du bruit, de la pollution de l’air subis par les habitants des vallées alpines et de la Côte d’Azur, véritables couloirs à camions, et les riverains des itinéraires d’accès et des aéroports ; allègement de la dépendance pétrolière qui pèse sur notre balance commerciale et fragilise notre système de transport ; limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Il est étonnant que les environnementalistes et écologistes qui condamnent le projet Lyon-Turin ne tiennent aucun compte de ces perspectives pourtant essentielles.
De même que le percement du tunnel transfrontalier présenterait des risques hydrologiques et sanitaires, certes des difficultés géologiques ont été rencontrées lors du percement d’autres tunnels routiers et ferroviaires, par exemple le tunnel ferroviaire du Gothard, mais elles ont été maîtrisées : des masses de déblais radioactifs et amiantés n’ont pas envahi les vallées alpines.
Déjà, vers 1980, les opposants à la LGV Paris-Lyon prédisaient que le vent du nord s’engouffrerait dans la tranchée du col du Bois-Clair et détruirait le vignoble mâconnais !
-Il faut privilégier une solution moins couteuse en faisant passer le Lyon/Turin par le Montgenèvre !
Proposition farfelue car elle imposerait un rallongement d’itinéraire couteux financièrement et chronophage, orientant une fois de plus le choix des chargeurs vers la route.
Ce projet doit toutefois se réaliser pour dynamiser le port de Marseille et en complément du Lyon / Turin (jgiraud.typepad.fr/.../tunnel-ferroviaire-sous-le-montgenèvre-études-et-p..)
Alors l’opposition au Lyon Turin est-elle justifiée ?
Tout dépend de quel côté on se place : on peut se borner à espérer un changement radical de nos sociétés de consommation et de loisirs ce qui résoudrait une partie des problèmes environnementaux, mais il faudrait pour cela un consensus mondial à commencer par les USA, la Chine, l’inde et le Japon premiers consommateurs et pollueurs de la planète. Pour l’instant rien de bon ne se profile avec ces intervenants.
Ou on décide d’avoir un engagement plus réaliste, en favorisant la mise en place de garde fouspour canaliser une société de plus en plus débridée, le Lyon Turin est un de ces remparts qui pourra nous permettre de suivre le train de la mondialisation et non le subir de plein fouet. Une façon pragmatique des’assurer des moyens de circulation efficaces, écologiques, sécuritaires pour nous et nos enfants.
A chacun sa paroisse.
Et aussi :
http://sdocument.ish-lyon.cnrs.fr/let_transalp/doc/T12/T12.PDF
http://www.rff-cfal.info/wp-content/uploads/2012/09/CFAL-carte.pdf