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Billet de blog 15 décembre 2017

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SNCF : encore un passage à niveau ?

Un terrible accident sur un passage à niveau impliquant un TER SNCF et un bus scolaire vient endeuiller le monde du transport. L'épisode Smet étant épuisé la presse s'empare du sujet selon le même scénario obscène. Des zones d'ombres resteront comme d'habitude enfouies.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mes pensées vont d'abord aux victimes et leurs familles, le bus scolaire comportait une vingtaine de lycéens, 4 sont à l'heure actuelle décédés, perdre un enfant est pour les parents la pire des situations, la langue française n'a pas su trouver de mot pour désigner cette terrible situation: un enfant orphelin - orpheline, un conjoint veuf - veuve, un père une mère ..... Les conducteurs du bus et du TER sont vivants.

Ayant travaillé les 2 tiers de ma carrière dans les gares ou postes d'aiguillages/circulation SNCF, j'ai hélas été souvent confronté aux accidents ferroviaires de tout genre.

La majorité des incidents/accidents se produisaient sur les PN (passage à niveau).

Suivant l'importance de la circulation routière et/ou ferroviaire, les capacités techniques des installation et du matériel ferroviaire, plusieurs types de PN sont installés.

A l'époque bienheureuse ou le personnel SNCF n’était pas un "handicap claironné" pour l'entreprise ferroviaire, du personnel de garde à chaque PN opérait pour chaque passage de trains, un garde barrière qui, à l'annonce de l'arrivée d'un train baissait manuellement les barrières en s'assurant qu'aucune circulation routière n'était engagée sur la voie, ceci permettait dans le cas contraire de prendre des mesures rapides pour stopper le train annoncé : des installations d'arrêt d'urgence étaient à disposition des opérateurs ferroviaires, permettant d'indiquer l'arrêt d’urgence en amont du PN, sur la voie à destination du conducteur, à défaut l'opérateur prenait une torche à flamme rouge et courrait en direction du train, la vision de loin de la torche allumée entrainait l'arrêt d'urgence du convoi par le conducteur. Dans cette situation la moindre minute compte, un train ne s’arrête pas sur quelques mètres, mais sur des centaines de mètres, sont en question plusieurs centaines de tonnes en mouvement par contact fer sur fer, suivant un itinéraire linéaire imposé ( aucun écart n'est possible). On ne peut relativiser l'importance procurée par ces personnels en place aux PN. Actuellement des PN automatiques (sans personnel sur place) sont majoritairement installés, assurant l'allumage automatique des feux routiers et l'abaissement des barrières avant chaque passage de train, et l'inverse au dégagement du train.

En cas de dérangement (problème de fonctionnement) d'un PN, des mesures strictes de sécurité sont à prendre par les opérateurs ferroviaires informés (gares, brigades de voies, postes, roulants, ). Tout est fait pour assurer la sécurité des usagers routiers et ferroviaires. La plupart du temps tout se passe bien et se concrétise par des bouchons routiers et retards de trains, sans victimes.

Durant ma carrière, j'ai eu à traiter de nombreux accidents (chocs, déraillements, blessés, morts.....), dans l'unanimité des incidents PN les usagers routiers étaient en tors (mais ceci ne concerne que mon constat personnel et ne peut être généralisé) : non respect du code de la route, car ce sont les feux routiers qui doivent être observés pas les barrières. Un train peut passer barrières ouvertes, moyennant des procédures de sécurité à appliquer, un ou plusieurs feux routiers éteints c'est l'immobilisation complète du train.

Les PN sont désignés par la presse et les politiques comme des "plaies" à la circulation routière ! Connaissant le civisme et le comportement des automobilistes le coupable désigné n'est-il pas victime d'une injustice facilement trouvée ?

La presse people une fois de plus a mis en vedette son obscénité morbide, du sensationnel, comblé incessamment sans aucune possibilité pour l'auditeur téléspectateur de prendre un recul de réflexion. Du brouet médiatique indigeste et inconséquent. Il faut assurer "l'info" continue.

Les propos recueillis par la presse, usant de témoins "bienvenus" concernaient la position des barrières durant l'annonce du train, je n'ai jamais entendu parler des feux routiers pour cet incident à l'heure ou j'écris ce billet.

Un dérangement de l’installation ferroviaire est bien sur envisageable, un lampiste sera glorieusement désigné (personnel électricien ou voie ou infrastructure.... de l'entreprise), et je doute que les commanditaires de la casse sociale de l'entreprise (suppression ininterrompue de personnel depuis des décennies pour  automatisations de tout genre) soient inquiétés.

Un non respect du code de la route est la deuxième option, le conducteur du bus sera bien sur désigné coupable, même si son employeur force l'employé à conduire avec des conditions de travail que pas grand monde n'aura à envier, la législation en la matière avantage bien plus les patrons d'entreprises que les conducteurs. Les responsables des installations routières annonceront de leur côté que la suppression ou l'aménagement des PN réputés dangereux (ou pas ! ) coutent cher (à une société avide de baisse d'impôts).

Les différents types de passages à niveau sont installés suivant l'importance des circulations routières et ferroviaires.

Mais quid aussi de l'assurance du respect du code de la route par les forces de l'ordre ? Car dans le monde de la route les fauves sont lâchés dans une jungle impitoyable ou règne la loi du plus hardi.

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