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Billet de blog 15 avril 2016

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LE VOILE DE LA MAMAN OU L’INDECENCE DE LA PUTAIN !

Il y a des sujets sur lesquels il est périlleux de s’aventurer tant ceux-ci sentent le souffre. Les évoquer, c’est marcher ensuite sur un fil où bon nombre de détracteurs ne rêve que de vous en voir tomber tant les passions se déchainent autour. J’essaie pourtant de circonscrire au maximum mes propos pour éviter les digressions habituelles qui nous ramènent invariablement là où sont sensés se situ

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

LE VOILE DE LA MAMAN OU L’INDECENCE DE LA PUTAIN !

 Il y a des sujets sur lesquels il est périlleux de s’aventurer tant ceux-ci sentent le souffre. Les évoquer, c’est marcher ensuite sur un fil où bon nombre de détracteurs ne rêve que de vous en voir tomber tant les passions se déchainent autour. J’essaie pourtant de circonscrire au maximum mes propos pour éviter les digressions habituelles qui nous ramènent invariablement là où sont sensés se situer les débats, là où les communicants veulent éclairer selon leurs visées. Vouloir changer l’angle d’éclairage les place dans l’ombre et ils n’aiment pas ça. 

 Qu’est-ce qui me prend de soulever le problème du voile, moi qui suis un homme et donc a priori disqualifié pour parler chiffon à la place de ces dames ? De quoi je me mêle ? Serais-je donc un de ces machos qui veut encore régenter de façon patriarcale la gente féminine ? Un de ceux qui confisque leur parole pour parler à leur place ? A vous d’en juger !

 En vérité, le sujet du hijab n’est pas le sujet du hijab, il est juste un chiffon agité comme le ferait un toréador avec sa muleta pour que le taureau laïque se fasse étriller par le picador qui se cache derrière. Une bannière fichée sur l’intouchable féminin qui déclenche la bordée d’invectives habituellement destinées aux anti-féministes qui permet de façon subtile ou perverse, c’est selon, de retourner un discours émancipateur en reprenant les mêmes thèmes que lui pour les revisiter. Un drapeau inviolable planté sur le terrain conquis, là où vouloir l’en faire descendre vous assure bien des désagréments au delà même des seuls croyants et croyantes. C’est le pied mis dans le chambranle de la porte qui lui interdit ainsi de se refermer sur son intrusion. Bien joué, ai-je envie de dire. La liberté n’est plus la liberté mais juste un droit de choisir sa féodalité ou sa déchéance.

 C’est alors que je repense à notre histoire et plus particulièrement à la période révolutionnaire qui nous légua trois mots qui résonnent encore aux oreilles de certains dont je suis et auxquels je reste viscéralement attaché : Liberté, égalité et fraternité.

  Il fallut aux sans culottes abattre tous les leviers du pouvoir pyramidal qui descendait de son sommet divin en passant par le roi, la noblesse et bien évidemment par un clergé qui servait de caution morale à l’édifice. Le tiers état se libérait. Les “bondieusards” tentèrent bien de s’y opposer avec les soulèvements de la chouannerie au service de la “légalité” dont les descendants actuels furent récemment dans les rues sous la bannière des manifs pour tous mais c’est la liberté qui triompha, au moins pour le principe car le chemin qui y mène se révèle bien plus long et tortueux qu’il ne l’avait envisagé et est loin d’être accompli. Il lui était apparu non sans raison que la religion était antinomique de la liberté et j’ai la fâcheuse tendance à être assez d’accord avec eux. Le temporel et l’intemporel font toujours bon ménage pour assoir un ordre qui définit la place et le rôle de chacun. Le clergé au service du roi et le roi au service de Dieu. C’est le socle même du conservatisme, légalité immuable et sacrée.

 Ainsi donc, paradoxalement, il faudrait parler du problème du voile des musulmanes sur le plan d’un combat féministe et progressiste. Le nier, à écouter certains, serait réactionnaire, islamophobe car concernant une minorité, cela vous classerait ipso facto parmi les méchants oppresseurs peut être même parmi les nostalgiques étroits du colonialisme. Il faudrait revendiquer avec elles le retour des interdits et des obligations selon une loi qui prohibe son questionnement sous peine de blasphème en occultant toute implication sociale et particulièrement familiale. Cantonner la femme au rôle de mère et d’épouse vertueuse au service de son mari qui dispose du corps de cette dernière comme on dispose d’un bien exclusif pour sa filiation car c’est bien là l’enjeu.

 Le père dans le rôle du roi, le fils héritier dans celui de la noblesse princière, un clergé qui légitime leurs privilèges et une reine-tiers-état. La même pyramide à l’échelle familiale pour assurer au monarque une descendance à qui transmettre l’héritage paternel et la charge d’assurer les vieux jours du couple. Seulement, si la maternité est indiscutable, il n’en va pas de même pour la paternité, surtout si l’union est arrangée et non désirée. Les mésalliances sont alors possibles et comme c’est toujours par le ventre de l’épouse qu’arrive le malheur, celle-ci n’a d’autre choix qu’être maman ou bien putain.

 Je repense une nouvelle fois à notre révolution et à Olympe de Gouges en particulier qui tança Robespierre parlant d’égalité, deuxième piler de notre république, pour lui rappeler avec justesse qu’une moitié de l’humanité en était exclue. La révolution ne devait donc pas s’arrêter aux simples hommes et le combat devint naturellement celui du féminisme et celui-ci n’est pas encore fini.

 Je suis un homme, je le rappèle, en proie aux mêmes démons que les autres, et je ne voudrais pas me substituer aux femmes mais si ces mots auxquels je tiens ont un sens universel comme je le crois, je ne peux pas faire l’impasse sur cette vérité qui dérange tant les conservateurs d’un ordre établi qui exclue le droit des femmes à disposer d’elles-mêmes et de leurs ventres pour le simple privilège patriarcal car en définitive, le troisième mot de fraternité, ne peut exister sans les deux premiers et ce n’est sans doute pas le moins important. L’amour se gagne et ne se décrète pas. 

 Quitte à parler de ce qui ne me regarde pas, je voudrais aborder un point supplémentaire qui pose un problème au conservatismes religieux: l’homosexualité ! Puisque la morale est sous-jacente au problème du voile, nous voilà au coeur de l’inacceptable par le brouillage des cartes que son existence induit. Le problème qui concerne les homos est pourtant exactement le même. Comment accéder à ces trois mots si leurs droits sont niés parce que condamnés par ceux et celles qui parlent de décence sur le prisme de la normalité patriarcale. Dans leurs cas, le modèle familial selon la religion ne fonctionne pas, c’est pour cela qu’ils sont considérés comme subversifs et opprimés. Soulevez le voile et vous découvrez un ensemble de questionnements sur les injustices qui sont faites à d’autres minorités sur la base d’une interprétation des lois divines car en matière d’héritage, en ce qui les concerne, il faut bien changer quelque peu l’angle de perception pour dépasser la simple transmission génétique et donc de ce fait leur accorder le droit de gérer eux mêmes cette perspective sans préjugés car finalement nier l’existence de l’homosexualité c’est nier la réalité.

 Voilà les raisons qui me font voir l’ostentation religieuse d’un mauvais oeil car derrière ces prétentions à la décence, c’est un modèle sociétal étroit et rigide qui se dessine, c’est promouvoir d’autres discriminations contraires à l’aspiration libertaire et émancipatrice héritée des combats de ceux qui nous tracèrent le chemin vers cette liberté-égalité-fraternité dans ce pays. 

 D’un autre côté, il est indispensable de comprendre que notre cheminement n’est pas celui du monde, loin de là et en aucune manière je ne ferais de prosélytisme à l’envers. De ce fait, jamais je n’imposerais notre modèle à des peuples qui ailleurs voient différemment de nous. A eux de décider si nos libertés acquises sont souhaitables ou non. Le colonialisme n’a plus lieu d’être. Le respect des peuples à disposer d’eux mêmes est aussi un droit auquel je tiens et de ce fait, le port du voile ou même de la burqua ne me dérange pas sous d’autres cieux si tel est leur choix. Le respect qui leur est du mérite qu’on n’impose pas nos conceptions comme je le vois souvent dans la pratique d’un tourisme consumériste ou la nudité, la consommation d’alcool ou autre du riche occidental heurte les consciences locales. J’ai le droit d’en penser ce que je veux mais en aucun cas de donner des leçons mais il faut bien être conscient que c’est le rapport de forces du riche sur le pauvre qui les oblige à accepter pour des raisons économiques ce qu’ils réprouvent en réalité. 

 Pour terminer, j’ai exposé mes arguments contre l’ostentation sur le plan de la structure familiale mais j’aurais pu prolonger sur le plan professionnel où il y a beaucoup à dire sur le déficit d’égalité mais il me semble que c’était là que résidait la racine de la problématique. Je n’interdit rien et si des femmes veulent se parer des atouts de la vertu, porter fièrement le symbole d’un prosélytisme évident, je n’appèlerais ni à leur condamnation ni à l’interdiction et partagerais volontiers l’espace commun dans lequel nous évoluons mais puisque ce voile me dit quelque chose, il m’a semblé équitable de lui répondre avec sincérité pour signifier à certains que sur le sujet, mieux valait la franchise que le parti-pris qui nous fait avaler des couleuvres bien indigestes. Je me réserve donc le droit de ne pas me taire et dire sans haine ni passion les raisons de mon refus d’accepter ce qui me parait indécent aux vues d’un combat vieux de plus de deux siècle.

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