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Billet de blog 15 novembre 2016

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DU BREXIT A TRUMP, les signes du danger populiste.

Réflexion personnelle sur la vie "démocratique" de notre monde à la dérive populiste et du piège tendu par les camelots au service des cupides.

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DU BREXIT A TRUMP, les signes du danger populiste.

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En toute chose, il faut prendre une certaine distance pour apprécier le plus justement possible un fait d’actualité dans sa globalité. La mode actuelle étant de considérer de façon binaire chaque évènement, chaque déclaration, chaque personnage, les conclusions sont donc faites le plus souvent sans nuance, tranchées et lapidaires et on se demande comment au bout du compte, nous nous retrouvons devant le triste spectacle des élections américaines.

Trump n'est juste qu'un révélateur qui se heurtera à la réalité de notre contemporalité, une mauvaise herbe qui aura poussé sur les friches d'un monde en décomposition. Comme tout populiste, il a su surfer sur la vague de mécontentements qui traverse le monde engagé dans une mondialisation qui sème chaos et division pour affaiblir sur la base de promesses mensongères et il échouera. Je ne crois absolument pas à un succès de sa politique qui du reste sera comme pour tous les bonimenteurs qui promettent sans compter, une source de déceptions comme ce fut le cas d’un Hollande qui devait, selon ses dires, combattre la finance.

Les gardes fous sociaux abattus, les usuriers, actionnaires et cupides de tous poils, affranchis des règles civiques, ont pu impunément imposer leurs chantages sur des pays entiers comme le notre mais aussi bien sur, sur les USA, grâce à une classe politique qui leur doit son existence. Des régions, des villes entières, anciens fleurons industriels qui ont fait la fortune des états, sont aujourd'hui rongés par le chômage et la misère comme à Detroit par exemple, laissant rancoeurs, frustrations et colères pousser comme du liseron dans un jardin négligé par de mauvais jardiniers.

Dans cette vision manichéenne, livrée comme un prêt à penser dans un monde consumériste ou chaque chose est simplifiée à outrance, chacun ne veut plus voir des individus mais des symboles étiquetés sur des critères basiques. Une réflexion de zappeurs compulsifs où seules les touches un et deux réduisent toute sentence à l’affect et au j’aime/j’aime pas. Ainsi le blanc est colonialiste, le noir et le musulman ses victimes comme aux temps immuables de la colonisation. Si ce monde n'est pas totalement disparu dans son ordre social, il n'est pourtant plus vraiment possible de le définir sur cette simple grille de lecture autrement que sur l'origine des comportements et par la récupération politicienne de vieux réflexes obsolètes. Nous payons ainsi les dénis de l'histoire qui masquent la complexité des choses en nous incitant à conserver ces clivages comme une fatalité définitive. Tous les blancs ne furent pourtant pas esclavagistes et l'occident n'a pas l'exclusivité de ces pratiques comme tous les allemands ne furent pas marqués à la naissance par le nazisme de façon atavique. L'esclavage a aussi existé sur tous les continents. L’injustice n’est pas une question ethnique propre à une fraction de l’humanité mais bien une donnée universellement partagée. Ces divisions instrumentalisées nous enferment dans des réflexes identitaires qui donnent au bout du compte des Trump, des Le Pen, des Farage, des Orban etc d'un côté mais aussi DAESH, et tous les mouvements islamistes et racialisés de l'autre.

Dans cette simplification outrée, nous en sommes arrivés à “communautariser” nos sociétés avec des frontières de plus en plus marquées au point de les mener à un cloisonnement hermétique. Nous tombons ainsi tous dans le piège qui nous est tendu par ceux qui, manipulateurs de chaque camp y trouvent leur intérêt. Le nationalisme fait place au communautarisme et c'est la fleur au fusil, que certains se voient emprunter les sentiers de la guerre comme un siècle plus tôt nos ancêtres le firent à Verdun ou sur la Marne pour défendre les siens, sa cité, sa religion.

Analyser l'élection de Trump sur ce simple critère racial n'éclaire pas suffisamment l'évènement. Ce fut juste l’argument porteur du moment puisque les médias nous le fourguent massivement comme une paire d’oeillères sur nos regards. La seule chose que nous pouvons en conclure, et encore avec prudence, est que la mondialisation connait une crise sans précédent pour n'avoir pas tenu ses promesses envers les citoyens du monde entier. Les dénis de démocratie, les prévarications, les corruptions, les mensonges, les reculs sociaux, les inégalités croissantes, les durcissements des répressions conséquents aux dérives d'une globalisation de l'oligarchie assurant sa puissance sur la fragmentation des peuples, trouvent dans l'émergence des populistes une suite logique du processus de leur domination sur nous. C'est un monde totalitaire qui surgit maintenant en relai des sociales-démocraties à bout de souffle. Ainsi, jouant sur le tableau des détestations réciproques, les oligarques s’assurent les complicités opportunes pour désigner à chacun son bouc émissaire et faire en sorte de ne jamais faire l’unanimité contre eux. Diviser pour mieux régner comme chaque pouvoir inique a su le faire depuis la nuit des temps.

Combien de fois n’ai-je tenté de prévenir du risque communautaire en dénonçant l’ostentation, la racialisation comme autant de boomerangs non maîtrisés qui reviendraient en pleine face de ceux qui l’auront lancé sous la forme de réactions identitaires qui portent aujourd’hui les succès des populistes avec le Brexit, maintenant Trump et peut être demain avec Le Pen ou du moins ses thèses. 

 C’est une escalade dans les discours sectaires, on bâtit des murs, creuse des fossés, on bunkerise, on se repli sur soi et les siens en fantasmant l’autre qui devient menace et donc l’ennemi. On affirme son appartenance qu’on oppose aux autres, les intolérances des uns accusent celles des autres. Résultat: on ne vote donc plus pour une politique mais pour sa communauté culturelle et confessionnelle.

A ce rythme, je ne vois pas comment à terme nous échapperons aux velléités d’épurations, celles là mêmes qui ravagèrent l’ex-Yougoslavie, qui poussèrent la Turquie au génocide des arméniens, des tutsi massacrés par les hutus, des chiites et des sunnites etc...

C’est un mécanisme implacable qui nous jète médusés dans les échos d’une époque qu’on croyait révolue comme une menace à laquelle il semble difficile d’échapper. Le seul moyen de lui résister est de créer un nouveau rapport de forces qui doit puiser son inspiration dans l'universalisme et le progrès social. Pour cela, il nous faut bien abandonner le communautarisme, ce néo-nationalisme aussi surement nocif que le nationalisme lui même et il serait judicieux que la gauche soit capable de porter cette idée fédératrice pour redonner un sens à l'internationale. Il serait temps de se réveiller avant que le monde ne soit la proie du Klu-Klux-klan et de Daesh en guerre perpétuelle.

Trump a été élu parce que les élites ne sont plus crédibles et qu'à force d'avoir tiré sur la corde, celle-ci a fini par rompre. Les mêmes causes menant toujours aux mêmes effets avec l’ajustement de l’actualité pour variante, il nous faut vraiment sortir d’un certain discours, abandonner la revendication identitaire pour reprendre celui de classe dans lequel tout un chacun, blanc, noir, arabe asiatique ou autre peut se reconnaitre dans une alliance objective aux antipodes des champs de bataille où l’on nous mène. A ceux qui veulent instaurer un apartheid mondial, sachons leur répondre notre unité et notre humanité indivisible.

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