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Billet de blog 18 avril 2016

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NUITS DEBOUT, au delà de la nécessité immédiate.

En cette période faste en débats, de retour du politique dans son entière définition citoyenne et démocratique des nuits debout, il serait peut être bon de sortir du simple cadre de la réaction sur une loi ou les pratiques d’un pouvoir pour projeter sur une vision globale incluant les grands problèmes auxquels nous aurons à faire face dans un avenir qui devient chaque jour un peu plus le présent.

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NUITS DEBOUT, au delà de la nécessité immédiate.

 En cette période faste en débats, de retour du politique dans son entière définition citoyenne et démocratique des nuits debout, il serait peut être bon de sortir du simple cadre de la réaction sur une loi ou les pratiques d’un pouvoir pour projeter sur une vision globale incluant les grands problèmes auxquels nous aurons à faire face dans un avenir qui devient chaque jour un peu plus le présent. Pousser la réflexion au delà du moyen pour en dessiner les buts. 

 Une vie, c’est long et c’est court à la fois. Juste le temps de reproduire ce que chaque génération reproduit avec la seule variable d’une évolution technologique pour décor. Naitre, travailler, procréer et disparaitre dans une continuité sans faille sur la base d’une normalité immuable qui pourtant aujourd’hui montre sa limite. Une existence trop courte à notre gout mais suffisante pour constater la rapidité des bouleversements qui s’opèrent autour de nous.

 Partout, à qui veut le voir, on constate que le développement humain se paie cash sur l’ensemble des écosystèmes. Réchauffement et changements climatiques, disparition de pans entiers des composantes d’un équilibre du vivant si complexe que nous ne pourrons prétendre le maitriser avec nos imperfections humaines, surtout si nos consciences se limitent à l’anthropocentrisme. Chaque année charge un peu plus le déficit du crédit qui nous est alloué sur une planète qui n’a que faire de la folie d’une espèce qui prétend à sa domination et à sa domestication. Malgré l’illusion entretenue d’une évolution technologique pleine de promesses, l’infini diversité des interactions entre espèces nous interdit pour l’instant d’envisager de s’y substituer sans risquer l’amorce d’un effondrement général.

 Penser à ce qui nous conduit vers cette situation devient urgent et ne peut se faire  sur la base des références habituelles. Jamais la terre n’aura connu une telle reconfiguration de ses paysages conséquents à l’industrialisation et à la surpopulation qui en résulte depuis la sédentarisation des premières civilisations. Partout, l’impact de nos activités recompose pour en définitive organiser à notre seul profit sans réaliser la portée du pillage qui obère le capital-vie des générations à venir. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme professait Rabelais et notre époque illustre parfaitement la justesse du propos.

 Ici, le déficit d’eau, là, montée des océans et comme le liquide de la casserole que l’on chauffe et qui s’agite, l’atmosphère se charge d’une énergie destructrice qui se manifeste au rythme dont la fréquence s’accélère. La composition chimique de l’air et des océans s’en voient modifiés sans que l’oeil humain puisse le détecter mais les effets sont bien réels. La désertification progresse à pas de géant sans pour autant alerter l’homo-technologicus qui, fort de son thermomètre économique, la tête dans la virtualité des écrans, refuse l’évidence et cherche refuge dans une fuite en avant. Comment dans ces conditions ne pas désespérer de nous mêmes ?

 La genèse de notre erreur de jugement remonte selon mon avis aux origines de nos civilisations. Les religions ont à ce propos une responsabilité flagrante. Elles ont en effet en commun pour celles qui se réclament du Dieu unique de sacraliser la nature de l’humanité qui se voit ainsi semi-divinisé. Dieu, l’homme et la nature dans un schéma pyramidal qui extrait le second de la troisième pour en faire l’usufruitier incontesté qui n’a de comptes à rendre qu’à lui même et à son créateur. Nous voyons aujourd’hui ce que cela implique. Elles ne pourront donc éviter un nouvel aggiornamento égal à celui qui obligea l’église à abandonner son géotrocentrisme pour se conformer à la réalité de l’héliocentrisme que lui opposaient les Giordano Bruno, Copernic et Galilée. Une leçon d’humilité s’impose donc à nous pour s’inscrire dans une réalité brute, celle de notre place réelle dans ce que les croyant appèlent la création. Nous sommes tellement liés par notre filiation à l’ensemble du vivant que prétendre à autre chose peut que se révéler suicidaire. A contrario, les religions animistes n’ont jamais commis cette erreur et ont su s’adapter dans la durée sans nuire à leurs écosystèmes. Ces “sauvages” comme ils furent longtemps désignés, semblent pourtant en mesure aujourd’hui de nous enseigner une sagesse dont nous serions bien inspirés d’en apprendre les principes. La vanité des hommes les aveugle sur leurs méchoix et les intérêts particuliers n’arrangent en rien la difficulté d’une vision salvatrice sincère.

 La logique industrielle et capitaliste se révèle un carcan indépassable pour une société à courte vue. La logique du profit justifie ses priorités sans se soucier du long terme d’où la nécessité de sa remise en cause pour plusieurs raisons.

 La mondialisation peut se conjuguer sur la confrontation des relations des uns et des autres, non pas en terme de compétition mais en terme de coopération. Le pétrole que brulent les uns fragilise tout le monde sans exclusion. C’est seulement à des degrés différents que les effets divergent. Les migrations en attestent par leurs ampleurs exponentielles. Si nous vivons sous des climats tempérés, il n’en n’est pas de même pour d’autres régions qui subissent à la fois le déséquilibre économique mais aussi climatique comme une double facture insurmontable. Des continents entiers se voient en danger de pénuries qui les transforment en bombe à retardement dont l’ampleur risque d’emporter tous les rêves fous d’une minorité égoïste dont nous, occidentaux, faisons partie à des degrés plus ou moins divers.

 L’industrialisation doit être contrôlée pour limiter son impact et le sens du bien commun doit s’imposer à nous de façon draconienne pour interdire un individualisme mortifère qui nous pousse à l’ignoble comme on le voit dans la crise des réfugiés. Produire plus pour plus de profit se traduit par plus de ravages et ce n’est plus acceptable. Le progrès ne réside pas dans la simple prouesse technologique ou dans l’abondance mais aussi et surtout dans le social. C’est tellement vrai qu’on discerne bien la corrélation entre lui et le développement démographique. Tous les pays développés où les retraites, pour ne prendre que cet exemple, ont permis aux personnes âgées de ne plus faire peser leurs moyens de vie sur leurs enfants et ont connu une stagnation, voir une régression du renouvellement des générations. Partout où celles-ci faisaient défaut, il a fallu que par tradition le fils ainé soit chargé de la tâche de palier aux incapacités dues au vieillissement de leurs parents et quand on sait qu’une fois sur deux nait une fille, que de plus une mortalité infantile importante obligeait à avoir plusieurs fils, on comprend bien les raisons des explosions démographiques de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique. Les cadets, souvent bouches inutiles, n’ont alors d’autre alternative que de remplir les bidonvilles des métropoles où ils s’enlisent dans des impasses ou bien émigrent vers des paradis supposés qui ne sont que des enfers esclavagistes. Si un tigre nécessite vingt cinq kilomètres carrés pour avoir une niche suffisante à sa survie sans épuiser son cheptel de proies, de quelle surface dispose un homme pour ne pas scier la branche sur laquelle il est assis ?

 Nos dirigeants sont coupables de refuser les responsabilités qui sont les leurs. La logique d’un marché libre et concurrentiel ne répond à aucune autre nécessité que l’assouvissement de l’appétit d’une minorité d’abord illégitime mais également dangereuse. Ils ont fait le choix d’organiser un chaos où les gagnants et les perdants sont déterminés par la naissance comme au bon vieux temps de l’ancien régime. Ils abusent de leurs positions quand pourtant ils font croire, comme chez nous en France, que tous les cinq ans nous déterminons et justifions leurs méfaits. Les nuits debout expriment le refus de les cautionner plus encore car comme le dit le slogan initiateur des révoltes en cours, nous valons mieux que cela. Il nous faut défendre les acquis sociaux pour des raisons de sécurité publique et écologique car c’est dans le nous que nous trouverons les réponses aux grands défis qui nous attendent et c’est dans l’exact contraire de l’individualisme consumériste prôné par le libéralisme et son programme de privatisation que réside bon nombre de solutions. Notre avenir nous appartient et encore plus à nos enfants. Le bien commun n’est pas négociable et puisque le temps est à la mise en question, pourquoi ne pas en profiter pour interroger le sens d’une civilisation à l’aune de ses errements.

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