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Billet de blog 20 avril 2016

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A M. PLENEL POUR UNE QUESTION DE PRINCIPE.

Sans chercher à polémiquer sur vos engagements que je partage pour la plupart et qui m’ont convaincu d’adhérer au projet Mediapart, il me semble nécessaire de vous signaler ce qui me parait contradictoire ou erroné dans votre démarche.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 A  M. PLENEL POUR UNE QUESTION DE PRINCIPE.

 Sans chercher à polémiquer sur vos engagements que je partage pour la plupart et qui m’ont convaincu d’adhérer au projet Mediapart, il me semble nécessaire de vous signaler ce qui me parait contradictoire ou erroné dans votre démarche. 

 Vous parlez de pluralisme entre Maccarthysme et stalinisme mais vous situez l’approche sur la défense des minorités en offrant tribune aux deux avec un a priori de plaidoyer que je trouve, peut être à tort selon vous, un tantinet partial. A moins que vous ne désigniez de totalitaires celles et ceux qui prônent la neutralité laïque que certains aiment à appeler tendancieusement “Laïcards” qui rime si bien avec ringard pour ne pas dire autre chose. Il se peut que l’addition des contraires contribue à leur neutralisations réciproques mais alors, il s’agirait dans ce cas d’équilibrer la représentativité des uns et des autres car il se peut aussi que vous déclenchiez un affrontement des extrêmes avec le poids du parti pris. La défense des minorités ne passe pas forcement par l’acceptation de son discours mais peut être aussi par une pédagogie qui lui permet de s’inscrire dans dans plus grand que la Oummah, puisqu’il s’agit bien de l’Islam dont il est question, à savoir l’humanité toute entière car un problème fondamental se pose à elle sur ce plan.

 S’agit-il, concernant le cas particulier de Tariq Ramadan, d’adapter l’Islam à l’Europe ou bien l’inverse ? L’ambiguïté du personnage permet de s’interroger car dans le premier cas, il se doit d’être tranché sur une religion qui comporte quelques “problèmes” concernant sa volonté d’emprise sur l’espace publique comme on le voit en Grande Bretagne où des quartiers sont décrétés islamiques avec la charia pour loi comme un état dans l’état. Non pas que j’accuse M. Ramadan d’islamisme mais derrière lui se profile une réalité qui pourrait en faire, même à son insu, un pied dans le chambranle de la porte pour imposer autre chose de plus fâcheux et son ambiguïté ne l’absout pas de tout soupçon. Un certain Islam a décrété la guerre aux infidèles dont je suis et ce djihad reçoit un écho inquiétant. Je considère donc que chercher à ménager la chèvre et le chou en la matière comporte un risque sérieux. Il serait bon qu’il y ait une véritable critique sans ambages de ce qui fait la défiance des non musulmans à l’égard d’une religion dont la lettre semble liée au coran comme la moule sur son rocher alors que l’esprit s’en trouve captif. En réalité le linge sale se lave en famille et en tant que non musulman, je ne peux que leur souhaiter une bonne lessive. En cas contraire, on tombe vite dans le travers de celui qui se mêle de ce qui ne le regarde pas. Ensuite, les minorités ne sont pas forcement musulmanes, comme vous l’avez rappelé, elles sont d’ordre diverses et notamment concernant l’homosexualité mais pas seulement. Faire le lit des uns ne risque-t-il pas d’en pénaliser d’autres ? On trouvera toujours plus minoritaire si on cherche.

 La véritable approche ne serait-elle pas de vous définir clairement pour mieux positionner cette approche ? Je préfère quand Mediapart fait de la pédagogie sur la laïcité à condition que cela ne se transforme pas dans le seul but de rappeler la neutralité de l’état pour accepter la non neutralité du religieux qui aurait soudain le droit de se mêler des règles communes pour un soit disant rééquilibrage. Appeler à la tolérance est louable mais celle-ci ne se conjugue pas nécessairement dans la démission de l’esprit d’une république qui n’a pas obligatoirement le gout de rouvrir les vieux débats concernant le pacte de non agression que fut la loi de 1905.

 Débattre sur M. Ramadan équivaut à mes yeux à s’occuper de ce que le voisin fait ou pense quand je ne lui demande rien d’autre que d’accepter les règles qui font le vivre ensemble. Après, il est fréquentable ou pas mais c’est un autre débat. Il ne faudrait pas oublier dans l’histoire que derrière tout cela se joue aussi le droit des femmes qui n’est pas toujours reconnu à hauteur de ce qui leur est du. Qu’en est-il de notre histoire et des luttes successives dont celle d’Olympe de Gouges et de toutes les féministes qui suivirent ? Combien de fois le droit à la différence a fait revisiter ce combat féministe pour le ramener à son rôle de complémentarité soumise et choisi avec le signe du voile islamique pour signifier qu’entre la maman et la putain, la vertu choisit son camp quand d’autres sont perdues ? Qu’en est-il du droit de celles-ci à disposer d’elles mêmes quand les règles familiales sont inscrite dans un marbre poussiéreux ?

 Parler des discriminations pour que d’autres s’y substituent n’est pas les combattre, c’est se tromper. Jusqu’à présent aucun pays se réclamant des lois coraniques n’a pu avoir valeur exemplaire sur le respect des droits de l’homme et de la liberté de penser et il serait bon de ne pas oublier cet aspect par simple égard à tous ceux qui dans ces pays luttent au péril de leurs vies pour accéder aux libertés qui sont les nôtres. Nous n’avons pas le droit de reculer pour des raisons de repentance d’un colonialisme exécrable quand nous sommes par notre choix laïque exemplaires aux yeux de bien du monde malgré les campagnes de dénigrements répétées à dessein. Exemplaires parfois même jusque dans ces pays qui durent souffrir des méfaits de l’administration coloniale.

 La majorité de ce pays est laïque et athée, nous avons brisé nos chaines après de longues et douloureuses luttes alors pourquoi s’ingénier à tendre la main à ceux qui veulent de manière soft ou dure, peu importe, nous ramener à ce que l’irrationnel produit de pire avec sa camisole divine. La liberté de penser est précieuse et ne se négocie pas. Aussi séduisant soit-il, M. Ramadan n’espère que d’en confectionner une qui nous soit suffisamment chatoyante pour l’accepter et ça, il n’en n’est pas question. Que les musulmans entament un débat est non seulement légitime mais à mon humble avis nécessaire mais nul besoin de convoquer la nation pour ça. Le tango se danse à deux disait ma grand mère et si problème il y a, ce que je ne nie pas, l’Islam a sa part dans le problème de l’islamophobie et le principe de la démocratie réside dans le fait majoritaire et son acceptation. Aucune interdiction ne le frappe et je serais de ceux qui y veilleront mais il n’y a pour l’instant aucune alternative à ce principe et ce pays à déjà fait depuis longtemps le premier pas en matière de tolérance. En outre, force est de constater à la vérité que l’islamophobie grandit en proportion des revendications toujours plus agressives d’une minorité des fidèles à vouloir changer les équilibres pour danser sa chorégraphie en solitaire et la tolérance à cet égard correspond à une volonté communautariste évidente.

 Défendre les minorités serait aussi et surtout dénoncer pourquoi nous en sommes arrivé là, à ce divorce conséquent aux promesses non tenues concernant nos prétentions à l’universalisme des droits de l’homme quand on fait la somme des discriminations dont les anciens serviteurs de nos colonies sont toujours victimes car pour eux finalement, le système colonial reste toujours d’actualité, même si le décors n’est plus tropical. Sur ce combat, je vous suivrais les yeux bandés car notre linge sale réside dans le parjure que nous perpétrons quotidiennement et c’est celui-là que nous devons laver ensembles eux et nous dans le souci de convergence auquel je tiens autant que vous. C’est sur ce terrain que je vous espère, pas sur celui du religieux où nous nous enliserons tous tant celui-ci est abreuvé de sang et jonché d’hypocrisie.

 Je ne doute absolument pas de votre sincérité à défendre les principes que vous avez énoncés ni de votre intégrité mais peut être faites-vous fausse route à vouloir éclairer depuis l’angle où vous avez placé vos projecteurs. Trop de polémiques à ce sujet, trop de battage, trop de conneries qui n’ont en fait pour résultat que de placer au centre de notre actualité un débat où les crispations vont s’exacerber. Vous risquez finalement pour des questions de principe devoir défendre une simple posture. Parfois, moins on en dit, moins on en fait se révèle plus productif.

 Amicalement.

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