L’EUROPE ET L’ENVIE DE BREAKS IT !
Les anglais ont donc décidé de quitter l’union au terme d’un référendum historique et mon sentiment à ce propos est mitigé car il est à mon sens un choix motivé pour de bonnes raisons dans un contexte politique européen inacceptable mais pour une solution discutable sur bien des plans.
Le rejet de l’Europe est massif dans les opinions nationales et je suis à peu près certain que la même réponse serait donnée dans la plupart des pays si la même question était posée à l’exception de quelques uns dont la fiscalité complaisante a permis un enrichissement par le dumping social. C’est donc bien là un désaveu exprimé en premier lieu à la gouvernance conséquente au traité de Lisbonne mais pas seulement, à toute une logique de l’union qui a tué toute volonté politique et soumis les nations a une autorité contestable par ses pratiques anti-démocratiques évidentes. Le choix de la concurrence libre et non faussée livrant les peuples à une lutte des uns contre les autres pour la survie plutôt que la coopération, l’obligation aux privatisations, la mise à plat des services publics et des patrimoines, la marchandisation de tout acte ainsi même des citoyens pour le profit d’une vision financière qui aboutit à la servitude et à la précarité des gens ordinaires profitant à la seule classe des actionnaires qui voient leurs fortunes décupler au delà de toute décence comme des champignons qui prolifèrent sur un lit de décomposition. Tout cela ne pouvait conduire que dans une impasse et à une réaction négative dans des pays où de longues luttes sociales ont façonné leurs équilibres si chèrement atteints et qu’ils voient balayés au nom d’une guerre économique autant inutile qu’opportuniste. 10% de la population possède la moitié du patrimoine en France en contradiction avec ses principes de liberté, égalité et fraternité clamés à la face du monde et je suppose qu’il en est de même sur tout le continent. L’union en est devenue synonyme d’injustice et de privilèges de classe, bref, une régression gigantesque et dévastatrice, une féodalité sous la férule des banquiers qui ne dit pas son nom. L’union est bien devenue cette négation de l’histoire et de l’intelligence prise dans ses contradictions et ses mensonges qui l’obligent à se muter en univers totalitaire plus que condamnable et à coup sur à combattre.
Partout les nationalismes ont le vent en poupe comme seule réponse envisageable à la rigidité des doctrines néo-libérales qui ont tant commis de dégâts. Partout les mêmes arguments de replis identitaires avec en filigrane l’éthnicisation des opinions et je me souviens combien les électeurs français furent accusés d’imbécilité et de racisme primaire lorsque l’exemple du plombier polonais s’était invité dans le débat du référendum de 2005. La presse unanime insulta alors tout un peuple qui dénonçait une évidence, celle d’une concurrence déloyale organisée pour en finir avec les “privilèges” supposés d’une classe ouvrière dont soudain on considérait sa dignité devenue indécente et illégitime. Le vent de la réaction pouvait souffler sur un siècle de progrès social, les héritiers tenaient leur revanche et leur poing si longtemps rongé par la frustration allait pouvoir enfin s’abattre sur la roture et la réduire à merci afin de la renvoyer là d’où elle venait et à la servitude qu’elle n’aurait jamais du quitter.
Ironie de l’histoire, le polonais était une nouvelle fois l’invité du débat sur le brexit et cette fois-ci pour le même résultat le condamnant. Un dénonciation de cette concurrence déloyale faite par des travailleurs contre d’autres travailleurs car c’est bien là le drame de cette histoire. Les gauches traditionnelles, abandonnant le progrès social pour se convertir aux lois divines du marché, dans une trahison sans nom, ont tout simplement tué et interdit toute alternative à la toute puissance d’une idéologie aussi méprisable qu’imbécile à qui voit un peu plus loin que le bout de son nez plongé dans la poudre de perlimpinpin dorée et dealée par des sirènes anthropophages aux égos surdimensionnées depuis les bourses mondiales. Le problème n’est évidement pas le polonais, plombier ou autre, mais le traité et sa philosophie qui ont permis qu’on l’instrumentalise ainsi. Dans cette compétition, que dis-je, dans cette guerre économique comme dans toutes les guerres, les victimes sont appelées à défendre la patrie en danger et les Jeanne d’Arc sont ressorties de leurs tombeaux moyenâgeux pour sauver en réalité les intérêts des vizirs qui se verraient bien califes à la place du calife dans des royaumes de pacotille. Le problème n’est pas plus dans l’afflux de réfugiés venus de régions en guerre où la vie ne vaut plus grand chose et qui arrivent sur ce continent en proie à l’infamie du calcul des plus riches qui font peser par la terreur du lendemain un climat où tout nouvel arrivant devient une menace supplémentaire.
Si d’un côté le brexit réjouit pour la gifle assenée aux institutions bruxelloises, il n’en reste pas moins inquiétant sur le long terme car cet acte considéré par beaucoup comme courageux, recèle bien des drames à venir. Nul doute que L’Europe des 27 va faire payer très cher cet affront au peuple anglais et les appels à l’éclatement du royaume vont se multiplier. Les écossais, les irlandais et peut être même les gallois vont entendre bien des fables pour abandonner le navire de sa gracieuse majesté. Les marchandages vont aller bon train pour promettre tout ce qui sera susceptible de les faire aller dans ce sens et qui les conduira vers un marché de dupes. Les conditions commerciales vont se durcir entre l’Angleterre et le continent et il n’est pas certain que le commonwealth soit toujours une alternative crédible pour sauver le royaume d’un étranglement économique car il va de soi qu’il serait du plus mauvais effet de constater une amélioration dans ce domaine hors de l’empire.
C’est pour ces raisons que finalement, une certaine tristesse m’accompagne concernant le choix britannique même si j’applaudis d’un autre côté ce geste dont la dimension romantique me séduit. Les Nigel Farage, les Boris Johnson, les Le Pen et tous les populistes qui jubilent de cet évènement vont connaitre maintenant l’épreuve de la gouvernance et je ne crois absolument pas que les citoyens vont y gagner quoi que ce soit, bien au contraire. Les anglais vont peut être réaliser que leur courage n’aura d’égal que la dureté du sacrifice qu’ils auront consenti.
Je suis et je reste obstinément citoyen du monde et les replis nationaux résonnent en moi comme une régression supplémentaire dans la ligne droite de la déliquescence généralisée qui sévit sous les coups portés par une minorité qui est le véritable problème. L’Europe en elle-même reste pour moi un rêve possible d’espace de liberté agrandi et sans frontière. Il ne faut tout simplement pas se tromper d’ennemi.J’ai une pensée inquiète lorsque je ne peux m’empêcher de voir symboliquement le destin de l’ex-Yougoslavie se profiler en ombre menaçante sur le continent. Le plombier polonais reste un travailleur comme le plombier anglais ou français et c’est dans l’égalité de traitement, dans une harmonie des lois et de la fiscalité, dans un retour à la démocratie et dans l’abandon du marché-roi que nous trouverons les promesses non tenues de paix et de progrès social, pas dans la désunion dans laquelle nous ne ferons que nous affaiblir.
Notre objectif doit être révolutionnaire en appelant tous les européens à défendre les valeurs de progrès social, de liberté, d’égalité et de fraternité et c’est du reste notre responsabilité à nous français, de porter haut ces valeurs qui furent celles qui changèrent la face de la France, de l’Europe et aussi du monde. C’est notre héritage et ce serait notre déshonneur comme c’est celui de nos dirigeants politiques de l’abandonner comme ils le font sans le moindre scrupule depuis des lustres pour revenir à des notions quasi tribales en matière sociale. L’avenir est dans une gauche européenne soudée sur des bases simples et compréhensibles par tout le monde. Les querelles de clochers, les luttes d’égos et des clans doivent cesser car sinon, nous pourrons les inclure parmi les responsables de ce qui deviendra le plus grand désastre que l’Europe aura connu dans son histoire moderne et la fin pour des générations d’un rêve d’une humanité apaisée et libre.