INSTRUMENTALISATIONS.
Pauvres populations maghrébines et au delà africaines, plongées dans un pays aussi machiavélique que le nôtre. Utilisées, usées, abusées sur leurs propres terres du temps des colonies, elle se sont retrouvées indépendantes sans économie viable, obligées d’aller chercher ailleurs ce qui leur faisait défaut. Combien peuvent avoir le sentiment de s’être ainsi jeté dans la gueule du loup en traversant alors la Méditerranée, tâcher sans rechigner de gagner de quoi faire vivre les leurs pour se retrouver encore utilisés, usés et abusés par les besoins exponentiels d’une économie gourmande en main d’oeuvre qui se servit d’eux aussi pour faire pression sur les revendications salariales des travailleurs en place. Travailleurs qui virent en eux une concurrence déloyale, les “jaunes de service” qui venaient manger le pain des français et qui tracèrent la frontière qui les séparerait dans le ressentiment et l’amertume réciproque. Isolés à jamais dans le pays des droits de l’homme de la communauté “fraternelle” de cette république, derrière une frontière toute trouvée par la justification religieuse et le faciès. Travailleurs qui ne leur pardonneraient jamais dans le refus de faire la distinction entre victimes et bourreaux et qui aujourd’hui se jètent en masse dans le front national avec la furieuse envie de leur faire payer le prix du pain mangé indument sur le dos des français.
Quitter le bled, la famille, les amis pour vivre une citoyenneté de troisième classe vouée à tous les usages réservés aux outils rangés dans les remises des cités où leurs places sont assignées. Parfois manoeuvre, parfois épouvantail, l’immigré joue toujours à son corps défendant le rôle que d’autres lui réservent. On lui promît la citoyenneté, la naturalisation mais il allait de soi que cela impliquait une clause de normalisation et d’acceptation à la condition non avouée de l’outil de service. En réalité, l’immigration qui suivit la décolonisation était pensée comme un prolongement du système colonial dans la même pyramide des couches sociales rapportée intramuros. Des travailleurs typés, musulmans pour la plupart, condamnés à la servitude naturelle dans les arrières cours des cités à qui on demandait de se montrer reconnaissants de la mansuétude républicaine mais aussi et surtout de savoir rester à leur place.
Génération après génération, l’étau ne se desserre pas mais s'accroit avec la difficulté supplémentaire des crises de l’emploi qui résultent du choix de se débarrasser des travailleurs sans qualification qui aggravent les conditions sociales au delà même de cette population et qui augmentent les profits d’une minorité sur laquelle je reviendrais peut être dans un futur billet. En clair, les riches éliminent les pauvres et parmi les pauvres, bien sur, en première ligne, cette population ostracisée qui n’obtiens toujours pas son admission dans le récit national et qui se voit désignée la sortie.
Une, deux, trois voir quatre générations accumulent les promesses non tenues, les mensonges, les hypocrisies, les trahisons et surtout les rancoeurs bien compréhensibles.
Pour ajouter au tableau, voilà que les intérêts de cette minorité des riches industriels et de leurs actionnaires, dans leur souci de compétitivité au sein d’une guerre économique qu’ils se sont déclaré à eux mêmes, nécessitent dans leur logique expansionniste une énergie indispensable à leur survie. Elle veut donc annexer dans un néo-colonialisme les pays producteurs de pétrole qui pour la plupart ont en commun avec cette immigration la religion qui devient ainsi vecteur des résistances au coeur d’un conflit qui se mondialise comme un cancer qui se généralise. Tout cela sans parler du conflit israelo-palestinien pourtant en clé de voute de l’édifice.
Les positions se mêlent et se démêlent sur une identité affirmée en réaction qui semble signifier: “vous ne nous aimez pas ? Et bien tant pis pour vous, nous sommes là et nous resterons jusque dans la scission si nécessaire ! Le temps de la fusion est passé, vous avez raté le coche, il est trop tard. Notre identité est l’islam et française par le droit” ! Choix dangereux s’il en est.
Des politiques, qui de tous bords instrumentalisent cette situation explosive, pour certains, ramassent ainsi le bâton qu’ils attendaient et qui leur est ainsi tendu pour rappeler qui est le maitre quand d’autres encouragent les musulmans à ce qui pourrait devenir réellement leur martyre dans un jeu de postures mortelles. Les tensions s’exacerbent, déjà les premiers morts...
Puisque la religion prend le centre de la problématique, elle détourne la possibilité des luttes sociales qu’elle relègue au second plan, qu’elle minore donc, qu’elle ignore pour ainsi dire. Il n’y a donc plus de luttes de classes, il n’y a que luttes identitaires qui nient l’universalisme au profit de la notion de oummah ou de chrétienté ou encore de judaïsme. La fraternité devient coreligionnaire, plus nationale ni républicaine mais exclusive. Il faut bien avouer malheureusement que ces valeurs républicaines n’auront été pour l’instant qu’une arlésienne opportune pour endormir de ses belles paroles mais faut-il réellement jeter le bébé avec l’eau du bain ? Les lumières sont-elles assujetties à la réalité des faits ?
Le cycle émotionnel exploité à outrance dans une instrumentalisation de tous les instants n’est pas propice à la réflexion et la raison.
C’est le temps des passions ! Passions religieuses bien entendu et comme aurait dit Gabin, les choses entrainent les choses, le bidule crée le bidule et de fil en aiguille, les chrétiens revendiquent leurs territoires menacés d’occupation mauresque. En plus des divisions de classes, se rajoutent maintenant les divisions ethniques et confessionnelles qui d’ailleurs pour ces dernières comme dit précédemment, prédominent toute logique. Partout où cela a lieu, c’est dans un bain de sang que cela finit à un moment ou un autre et il ne faudrait pas croire que la France puisse échapper à cette triste vérité. Il fut un temps où le bouclier américain nous protégeait de l’URSS pour des enjeux industriels et économiques évidents mais la zone à sanctuariser pourrait tout aussi bien avoir voyagé avec les délocalisations.
Combien sont partis sur les sentiers de la guerre en croyant tuer ou mourir pour dieu, la patrie ou la démocratie et revenir, parfois pour les plus chanceux, pour constater après coup que le champagne coulait à flot dans les coupes des manipulateurs qui réglaient ainsi leurs problèmes sur le dos des peuples endoctrinés et fascinés.
Les immigrés et leurs enfants sont sujets par la situation qui leur est faite, à toutes les manipulations qui ne sont pas uniquement issues dans des a priori raciaux ou confessionnels mais qui peuvent aussi trouver leurs origines dans la politique, parfois même de supposés amis qui clament leurs solidarités avec des accents compassionnels que les pires missionnaires jésuites ne récuseraient pas. je me méfie des bonimenteurs, leurs techniques sont vieilles comme le monde et pourtant, elles fonctionnent toujours avec la même redoutable efficacité si j’en juge par notre actualité.
Les musulmans sont la proie de ceux qui les tiraillent pour en faire les mèches qui mettront le feu aux poudres ou par ceux qui les agitent en épouvantails et j’ai bien peur que là aussi ils en sortent encore une fois laminés pour se retrouver une fois encore plus ostracisés. Qu’avons-nous à gagner à ce jeu de dupes ? Qu’ont-ils à gagner ?
L’ostentation religieuse n’est pas innocente même si ceux qui la pratiquent ne sont pas, loin s’en faut, des terroristes ou des ennemis de la France. Affirmer le contraire n’est qu’hypocrisie, on le mesure bien aux réactions qu’elle provoque et si une part est due à un racisme pur et dur, ce n’est pas la seule raison qui ne doit pas cacher le refus du religieux dans dans l’espace que nous partageons et qui est loin d’être négligeable. Elle se joue sur une toile de fond qu’il faut contempler dans sa globalité au delà de nos frontières pour l’inscrire dans les luttes que se livrent les occidentaux et les pays arabes par peuples interposés. Une guerre frontale n’étant pas envisageable pour des raisons évidentes d’intérêts à préserver, elle se joue sur la périphérie, dans les pays satellites dont nous faisons peut être maintenant partie. Des états sont bien agressés mais pas au coeur des empires. Il en a toujours été ainsi même du temps de la guerre froide. Cette vérité là échappe sans doute à ceux et à celles qui ne voient rien de mal dans une attitude avec sincérité.
Les américains depuis des lustres envoient leurs missionnaires évangéliser dans les églises pantecôtistes ou évangéliques pour distiller derrière un discours religieux, une doctrine politique à leur avantage. Les arabes en font de même avec des imams qui, depuis le Qatar ou l’Arabie saoudite, soudent la Oummah dans la vision politique qu’ils utilisent en bouclier face à l’agression occidentale. Les iraniens, chiites, ne sont pas en reste, ne cachant pas leurs volonté impérialistes dans les luttes qu’ils livrent aux sunnites pour assurer leur dominium dans la région. Partout, depuis l’Asie en passant par l’Afrique et maintenant en Europe pour les raisons de la désanctuarisation évoquée plus haut, les conflits confessionnels font rage. Le danger d’embrasement est donc bien réel et il n’est pas bon de laisser le discours religieux, d’où qu’il vienne, envahir les rues.
Pour ce qui me concerne, il ne s’agit pas de désigner un ennemi mais d’alerter sur une réalité qui semble ne pas vouloir être regardée de peur de faire imploser la société française en officialisant ce qui pourrait ainsi envenimer les tensions déjà fortes.
Je n’affirme rien, je propose seulement une grille de lecture hors du cadre habituel qui se focalise sur une vision franco-française qui met en exergue tel ou tel aspect juridique qui me semble insuffisant pour cadrer la compréhension de ce qui divise notre société. Le dogmatisme conçoit toujours le cadre des réflexions qui comme je l’ai déjà écrit, rencontre sa limite à un moment ou un autre.
Il se pourrait donc que les musulmans de France soient instrumentalisés par bien du monde. D’un côté par des politiciens et des financiers qui voient en eux un levier de pression sociale et de l’autre par des stratèges qui font d’eux une force vive agitée en menace intérieure potentielle. Opposer le communautarisme au nationalisme pour redessiner les identités et brouiller les cartes. Une façon de dire: “si tu m’agresse, voilà ce qui t’attend !”.
Le piège qui dès l’origine a englué l’immigration principalement issue des anciennes colonies, musulmanes de surcroit, les a mis entre le marteau et l’enclume pour encaisser tous les coups qui tombent en avalanche génération après génération. la France, dans son déni concernant son colonialisme, dans son racisme qui puise son origine dans l’islamophobie et le refus de voir des travailleurs égaux en droit et en fraternité pour le rôle joué à leur corps défendant sur la concurrence ressentie comme déloyale par beaucoup d’ouvriers, s’est elle même placée dans une situation de faiblesse. Les trahisons et les mensonges d’état à leur encontre, l’abandon des politiques sociales ont rendu inaudibles les rappels à la citoyenneté et il est tout à fait naturel que ces musulmans de France se tournent massivement vers un communautarisme qui leur semble plus apte à les défendre. Espoir placé dans une position qui comporte le danger de la réaction qui déjà s’affirme chez les identitaires.
Instrumentalisés sur la base de leur désarroi, le marteau risque une nouvelle fois de s’abattre mais cette fois-ci avec la force de celui qui veut écraser.
Sans passion ni haine, il serait bon d’avoir une réflexion commune qui réunit les bonnes volontés pour éviter que tout cela ne dégénère. Il faut donc bien chercher à regrouper d’abord sur ce qui nous réunit plutôt que ce qui nous divise et mettre en arrière nos identités exclusives. Marquer sa différence ne peut se faire que dans l’apaisement. Dans le contexte actuel, entretenir les rapports de forces est une erreur qui pourrait se révéler fatale. Faire en sorte que nos combats soient ceux de tous et cesser de regarder l’avenir dans les rétroviseur qui nous rappèlent toutes les factures impayées du passé. Ce qui est fait est fait, il ne s’agit pas de le nier mais de s’en servir pour ne plus répéter à l’infini les mêmes erreurs et tâcher d’apporter un discours positif pour suivre la route qui s’ouvre devant nous. Si nous n’en sommes pas capables, je vous laisse imaginer ce que celle-ci nous réservera d’accidentel, voir de mortel au prochain virage raté.