Jeudi 5 Avril 2018 : Nîmes
Temps instable et incertain en ce début du mois d'avril. Pâques au tison, les lilas tardent à s'ouvrir.
« Printemps partout sur tous les toits / C'est la victoire en chocolat / La libération dans les branches », chantait Jean Sommer., qui nous disait aussi :
Les mots les plus beaux sont des fleurs
En prose, en bouquets dans le vent
Ils nous disent le pays meilleur
Des poètes endormis sous le temps.
Et, en ces temps incertains, les cheminots sont dans la rue. Comme les mineurs en leur temps, les gaziers et électriciens, ils sont très attachés à leurs emblématiques métiers, que Macron veut chambouler. En défendant leur service public, ils défendent aussi tous les services publics. Lisons Myriam Benoît :
Vous en souvenez vous de nos vieux cheminots
Alimentant le cœur de l’énorme machine ?
S’ils n’avaient pas acquis le renom de Tino,
Ils chantaient, eux aussi, tout en courbant l’échine.
Ils chantaient fort souvent malgré leur dur labeur,
Mais le bruit étouffait toujours la chansonnette
Qui s’en allait mourir dans l’épaisse vapeur :
L’électrification, alors, n’était pas faite.
Chauffeur ou chef de train, mécanicien, piéton,
De nuit comme de jour, ils prenaient leur service.
Ils rentraient harassés, noircis par le charbon
Qui collait à leur peau d’étranges maléfices.
Ils quittaient lentement leur habit mâchuré
Après avoir posé leur panier sur la table.
Ils enviaient parfois le sort inespéré
De ceux qui pouvaient prendre un repas convenable.
Et pourtant, ils l’aimaient ce métier fatigant
Qui ne connaissait pas Noël et les dimanches,
Qui volait en riant l’ardeur de leurs vingt ans,
Et leur faisait passer d’innombrables nuits blanches.
Les trains n’attendant pas, ils étaient ponctuels.
Quel cheminot n’a dit, souriant à la lune,
Prenant pour l’occasion un accent solennel :
“ Je pars à l’omnibus de dix-sept heures une ”.
De nos vieux cheminots, gardez le souvenir.
Ils n’ont jamais connu les honneurs et la gloire,
Mais ils ont préparé pour nous un avenir
Aux noms de T.G.V. d’espoir et de victoire.
En écrabouillant toute la classe politique sur son passage, Macron a balayé la Gauche. A quoi servirait « la convergence des luttes... , sans aucune alternative politique ?
Macron a moisi la France, ce qui me rappelle le somptueux article de Philippe Sollers dans le monde du 28 Janvier 1999 : La France moisie : (extrait)
« La France moisie a toujours détesté, pêle-mêle, les Allemands, les Anglais, les Juifs, les Arabes, les étrangers en général, l’art moderne, les intellectuels coupeurs de cheveux en quatre, les femmes trop indépendantes ou qui pensent, les ouvriers non encadrés, et, finalement, la liberté sous toutes ses formes. La France moisie, rappelez-vous, c’est la force tranquille des villages, la torpeur des provinces, la terre qui, elle, ne ment pas, le mariage conflictuel, mais nécessaire, du clocher et de l’école républicaine. C’est le national social ou le social national. Il y a eu la version familiale Vichy, la cellule Moscou-sur-Seine. On ne s’aime pas, mais on est ensemble. On est avare, soupçonneux, grincheux, mais, de temps en temps, la Marseillaise prend à la gorge, on agite le drapeau tricolore. On déteste son voisin comme soi-même, mais on le retrouve volontiers en masse pour des explosions unanimes sans lendemain. L’État ? Chacun est contre, tout en attendant qu’il vous assiste. L’argent ? Évidemment, pourvu que les choses se passent en silence, en coulisse. Un référendum sur l’Europe ? Vous n’y pensez pas : ce serait non, alors que le désir est oui. Faites vos affaires sans nous, parlons d’autre chose. Laissez-nous à notre bonne vieille routine endormie. »
Oui, sans débats, sans opposition, la France moisit, à quelques jours du cinquantième anniversaire de Mai 1968... « La poésie est dans la rue », disions-nous. Aujourd'hui, moisissons, il en restera toujours quelque chose...