Samedi 9 Mai 2020 : Nîmes
Nous arrivons à la fin du confinement. Être finement con, je sais faire, être confiné, je m'en fout, car c'est un état qui m'est presque naturel. Je suis quasiment, en temps ordinaire, un « hikikomori ». c'est-à-dire en français de « retrait social Né dans le Japon désenchanté du début des années 1990, le phénomène toucherait actuellement entre 500 000 et 1 million d'individus au pays du Soleil-Levant. Selon la définition officielle, un hikikomori est un jeune retranché chez lui et qui ne prend plus part à la société depuis plus de six mois, sans qu'aucune pathologie mentale n'ait pu être identifiée.
Je ne le suis pas tout à fait, n'étant plus jeune et ayant la chance d'avoir une maison très confortable, une garrigue privée d'oliviers et une piscine en ordre de marche.
Cela dit, dés lundi, je ne reprendrai pied hors de chez moi qu'à toute petite dose, sachant que le masque sera quasiment obligatoire et que je n'ai pas spécialement envie d'en porter.
S'agissant du traitement médiatique insupportable dont nous sommes victimes, je partage l'avis du philosophe André Comte Sponville :
« On nous fait tous les soirs, sur toutes les chaînes d'information en continu, le
décompte des morts du Covid-19 : beaucoup en France.. C’est trop. C’est triste. Mais en rappeler qu’il meurt 600.000 personnes par an en France? Que le cancer, par exemple, toujours en France, tue environ 150.000 personnes chaque année, dont plusieurs milliers d’enfants et d’adolescents? Pourquoi devrais-je porter le deuil des 14.000 mors du Covid 19, dont la moyenne d’âge est de 81 ans, davantage que celui des 600.000 autres? Encore ne vous parlais-je là que de la France. À l’échelle du monde, c’est bien pire. La malnutrition tue 9 millions d’êtres humains chaque année, dont 3 millions d’enfants. Cela n’empêche pas que le Covid-19 soit une crise sanitaire majeure, qui justifie le confinement. Mais ce n’est pas une raison pour ne parler plus que de ça, comme font nos télévisions depuis un mois, ni pour avoir en permanence "la peur au ventre", comme je l’ai tant entendu répéter ces derniers jours. Un journaliste m’a demandé – je vous jure que c’est vrai – si c’était la fin du monde! Vous vous rendez compte? Nous sommes confrontés à une maladie dont le taux de létalité est de 1 ou 2% (sans doute moins, si on tient compte des cas non diagnostiqués), et les gens vous parlent de fin du monde. »
Pendant cette période contrainte, j'ai fait comme beaucoup :
Relu la Peste, de Camus oblige. Un très vieux livre de poche tout jauni retrouvé au fin fond de ma bibliothèque :
Avril 194.., la peste s'installe en Algérie dans la ville d'Oran, chaque jour des cas mortels se multiplient. Pourtant la préfecture tarde à faire la déclaration de « l'état de la peste » car elle ne veut pas inquiéter l'opinion publique. Mais au bout de quelques semaines, face à l'urgence le préfet ordonne de fermer les portes de la ville.
Oran est isolée, séparée et coupée du reste du monde, les habitants deviennent « les prisonniers de la peste », la ville ressemble à une condamnée à mort.
L'épidémie progresse... La peste frappe partout et garde la ville repliée sous elle. Elle devient une « affaire collective » et même ceux qui ne portent pas « cette cochonnerie de maladie » la porte dans leur coeur.
La peste ouvre les yeux des habitants et force à penser et à réagir. Chaque individu choisit son camp et adopte une attitude propre à lui-même.
Albert Camus illustre son récit avec des personnages principaux comme Rieux le docteur, Cottard le trafiquant, Grand l'employé de mairie, Paneloux le prêtre, Tarrou le chroniqueur, Rambert le journaliste etc... Chacun de ces protagonistes incarne une morale différente face au fléau et même si ces hommes sont en désaccord sur différents plans, ils s'avèrent des « hommes de bonne volonté » qui agissent pour vaincre ensemble la peste.
Bien plus intéressant que la hauteur de l'herbe de mon jardin, qui atteint par endroit plus d'un mètre de haut. Tondeuse et débroussailleuse en confinement oblige...
Et puis, les coquelicots sont sortis... Et comme à chaque rencontre, je pense à Mouloudji :
Le myosotis, et puis la rose,
Ce sont des fleurs qui dis'nt quèqu' chose !
Mais pour aimer les coqu'licots
Et n'aimer qu'ça... faut être idiot !
T'as p't'êtr' raison ! seul'ment voilà :
Quand j't'aurai dit, tu comprendras !
La premièr' fois que je l'ai vue,
Elle dormait, à moitié nue
Dans la lumière de l'été
Au beau milieu d'un champ de blé.
Et sous le corsag' blanc,
Là où battait son coeur,
Le soleil, gentiment,
Faisait vivre une fleur :
Comme un p'tit coqu'licot, mon âme !
Comme un p'tit coqu'licot...
(Claude Monet)