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Billet de blog 22 décembre 2018

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Samedi 22 Décembre 2018 : Nîmes

C'est fait. Nous sommes entrés dans le solstice d'hiver. Températures douces. Quelques jours de retraite à une encablure de Cordes sur Ciel, merveille déserte à cette saison. Vie rythmée dans la superbe maison de pierres de mes amis, à la manière d'une abbaye de Thélème laïque. J'aime.

Juste avant d'écrire ces lignes, je regardai, à la manière gourmande d'un Jacques Chirac, un combat de sumo, ce sport de lutte des demi-dieux japonais, qui cumulent embonpoint surmultiplié et souplesse. Ce combat se caractérise par le gabarit des lutteurs ainsi que par les nombreux rites traditionnels qui les entourent et consiste en deux règles simples : les lutteurs ne doivent pas sortir du cercle (dohyō), ni toucher le sol avec une autre partie du corps que la plante des pieds. Là encore, j'aime.

« Le bonheur, c'est le chagrin qui se repose », dixit Léo Ferré.

Et puis, tous ces derniers jours marqués, au fer rouge, par les gilets jaunes. « A la fois du sublime et des traces de choses abjectes ». Je partage ce jugement de Christiane Taubira. Eux qui n'ont généralement jamais voté ni été syndiqués sont sortis du bois, avec un dresse-coat d'une grande intelligence, un gilet jaune que l'on gardait, méprisant, au fond du coffre. Une crise sociale et une crise politique, qui frappe les classes moyennes inférieures.

Traversé par des courants contraires, ce mouvement sans leader a les inconvénients de ses avantages : une dispersion des demandes, une incertitude quant à l’horizon politique, parfois une haine préoccupante de la représentation et des représentants. Mais les gilets jaunes dessinent aussi d’autres voies, prometteuses : une demande de démocratie sociale, de réappropriation du pouvoir par le peuple sous forme de démocratie plus directe, – assemblée citoyenne (à la place du Sénat), référendum d’initiative populaire, – une inversion de la politique économique et sociale en faveur des moins riches et des classes moyennes. Le timide début de réponse apporté par le chef de l’Etat aux demandes les plus ponctuelles laisse entièrement ouvert ce chantier de refondation démocratique et d’instauration d’un système économique plus juste.

Et puis, je poursuis ma balade gourmande « d'un sacré gueuleton », recueil d'articles de Jim Harrison, s'agissant de manger, boire et vivre. J'ai toujours aimé son écriture d'homme libre, "Donner une voix aux gens qui n'en n'ont pas, je crois que c'est ça, la responsabilité de l'écrivain". Homme des grands espaces, du Michigan, amoureux de la France et de sa gourmandise, j'ai toujours adhéré pleinement à la philosophie de la vie de l'auteur de Dalva. Comment ne pas aimer celui qui a écrit : « Quand la vie décide de m'accabler, je sais que je peut faire confiance à un Bandol, à quelques gousses d'ail et à Mozart. »

« Un seul mot d'ordre : être modéré à l'excès. »

« Si l'on devait m'apprendre que j'allais bientôt passer l'arme à gauche, j'ai souvent pensé que je rejoindrai Lyon pour y manger comme quatre durant un bon mois, après on pourrait me jeter d'une civière dans le Rhône bien aimé. Peux-être y nagerais-je au fil du courant jusqu'à Arles pour y retrouver mon dernier dîner. »

Et puis, regardé cette semaine un film d'une grande sensibilité : « Wajib, l'invitation au mariage », de la Cinéaste Palestinienne Annemarie Jacir (2017) :

Abu Shadi, 65 ans, divorcé, professeur à Nazareth, prépare le mariage de sa fille. Dans un mois, il vivra seul. Shadi, son fils, architecte à Rome depuis des années, rentre quelques jours pour l’aider à distribuer les invitations au mariage, de la main à la main, comme le veut la coutume palestinienne du "wajib". Tandis qu’ils enchaînent les visites chez les amis et les proches, les tensions entre le père et le fils remontent à la surface et mettent à l’épreuve leurs regards divergents sur la vie. 

Un film juste et touchant. Deux acteurs tellement bons qu’ils s’équilibrent. Le discours politique latent est une forme subtile de résistance. La structure en duel continu et en mouvement nous fait partager ce moment simple et riche. Annemarie Jacir confirme ainsi son talent pour créer des œuvres engagées dépourvues de dogmatisme.

De Jim Harrison à la Palestine, il y a un lien : un viscéral besoin de liberté.

L'odeur de la mer si proche,

Un grand plat de spaghettis à la Vogole, une bouteille de splendide

Foradori Fontanasanta

Manzoni Blanco 2015

Un gorgonzola à la cuillère

J'entend déjà le violon de Renaud Capuçon

et l'album Cinéma

Cinéma Paradisio que mon fils Boris a doublé.

Noêl sans toi, mon fils,

Noël, il le faut.

Jim Harrison

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