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Billet de blog 21 juillet 2022

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L’arnaque du projet de loi sur le pouvoir d’achat

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le gouvernement n’en démord pas, Il refuse obstinément d’augmenter le SMIC qui devrait entraîner automatiquement une hausse de l’ensemble des salaires. Pour lui la solution passe par une prime pour tenir compte de l’inflation. Outre le fait que cette proposition ne tient pas la route puisque une prime ne pourrait résoudre le problème de l’inflation qui engendre une augmentation des dépenses contraintes dans la durée, l’attribution de celle-ci ne serait même pas obligatoire et relèverait du seul bon vouloir des chefs d’entreprises, ce qui revient en fait à ne rien décider, puisque les patrons n’ont de toute façon pas besoin d’une telle loi pour attribuer des primes s’ils le souhaitent. C’est donc une non-loi que le gouvernement propose aux députés. Une loi qui ne servira strictement à rien puisque les patrons pourront en plus invoquer n’importe quelle raison pour ne pas la mettre en œuvre, sans risque de sanction, entendu que cette loi sera tout, sauf contraignante.

Et puis, rappelons que de toute façon, les primes ne remplacent pas les salaires versés de manière pérenne, sans qu’il soit possible d’en diminuer le montant en invoquant n’importe quel prétexte. Cette loi est donc une pantalonnade de plus, destinée à amuser la galerie pour faire croire aux naïfs que Macron et son gouvernement font quelque chose en faveur des salariés précaires. En vérité, il n’en est rien, car au final peu bénéficieront de cette prime, et quand cela sera le cas, les sommes généreusement octroyées ne compenseront jamais l’inflation (c’est ce qui s’est passé avec les négos sur les NAO)

La bataille que mène la NUPES en faveur de l’augmentation des salaires est louable, mais ne sert à rien, puisque en face d’eux, l’armée des playmobils est toujours là, la main sur la couture du pantalon prête à voter en cadence contre les amendements susceptibles d’améliorer un tant soi peu le contenu de ce texte indigent.

Illustration 1

Comme je l’ai rappelé récemment, la seule issue pour que soient audibles les revendications du plus grand nombre sur la question des salaires, des retraites et des minimas sociaux est maintenant de créer un rapport de force puissants dans les entreprises et donner à ce mouvement revendicatif de la visibilité par des manifestations massives partout sur le territoire. C’est le sens de l’appel de la CGT et de Solidaires qui proposent comme première date le jeudi 29 septembre avec comme perspective ensuite des grèves multi sectorielles qui s’enracineraient dans la durée afin d’obtenir une hausse conséquente et généralisée des salaires, des pensions de retraite et des minimas sociaux. C’est la seule issue, et ce serait aussi l’occasion d’unifier les luttes autour de cette question centrale, mais pas la seule.

Car d’autres questions sont aussi d’actualité. Depuis des dizaines d’années, le mouvement social subit des reculs historiques. Il a échoué face aux contre réformes libérales sur les retraites, la représentation des salariés dans les entreprises, sur le droit du travail, mais aussi sur les libertés syndicales, associatives et même les libertés individuelles. Il a également échoué dans sa lutte pour protéger la planète et la prise en compte du réchauffement climatique, sans compter que nous assistons en plus à des recul sans précédent sur le droit des femmes, le droits des immigrés, le droit des personnes racisés, des LGBT+.

Si les syndicats de luttes et de transformation sociale, puis les « nuits debout » et enfin les Gilets Jaunes ont échoué tour à tour par le passé, c’est qu’aucun n’a réussi à fédérer suffisamment de monde autour des revendications portées par ces mouvements. Des revendications souvent proches, mais dont les priorités mises en avant n’ont pas toujours été les mêmes.

Alors que les syndicats fléchaient leur priorités vers les salariés (salaires, conditions de travail), le mouvement « nuit debout » s’est construit autour de la question de démocratie et de l’intervention directe des citoyens dans les prises de décision à tous les niveaux, avec la mise en place de débats et d’assemblées citoyennes. Enfin le mouvement des Gilets Jaunes a littéralement éclaté sur les questions d’urgence sociales directement liées à la question du pouvoir d’achat et « de comment remplir son frigo ». Les urgences n’étaient donc pas tout à fait les mêmes pour les uns et pour les autres, et ce sont probablement toutes ces questions qu’il faudra remettre sur la table afin que tout le monde y trouve son compte.

Il reste que la voie parlementaire semble être une impasse, parce que le système a été pensé pour verrouiller toute tentative d’irruption citoyenne et de changement de paradigme économique et social. Alors que la bourgeoisie a perdu la majorité absolue aux législatives, elle reste arc-boutée sur ses privilèges et entend faire peser sur les plus modestes la crise engendrée par la logique du système économique capitaliste ultra libéral. En faisant payer l’inflation par les plus modestes et par les classes moyennes, elle préserve la progression des bénéfices des plus riches à qui elle est culturellement et économiquement intimement liée.

L’augmentation des salaires qui pose aujourd’hui avec encore plus d’acuité que par le passé, n’est donc rien d’autre que la question d’un rééquilibrage et de la répartition des richesses produites. Et si elle se pose avec une telle acuité, c’est que jamais dans l’histoire de l’humanité la prédation des richesses n’a été aussi grande et aussi massive.

L’inflation agit aujourd’hui comme un super révélateur d’une situation devenue insupportable pour beaucoup de familles, si bien que l’explosion des inégalités ne peut que conduire à une explosion sociale à court ou moyen terme. Et plus cette explosion sociale tardera à advenir, plus elle sera violente et destructrice. Ne pas vouloir regarder cette vérité en face est simplement irresponsable et signe surtout l’incapacité d’un système à se réformer, ne serait-ce que assurer sa survie.

Le mouvement social sera t-il au rendez-vous en septembre ? Personne ne peut prédire l’ampleur d’une éventuelle mobilisation (si elle a lieu). La date du 29 septembre proposé par la CGT et Solidaires peut constituer un point d’appui pour élargir ensuite le mouvement. Mais tout comme se fut le cas en 36, en 68 et en 95, il faudra que la mayonnaise prenne. Et cela peut se réaliser si et seulement si une grande majorité de personnes veulent que cela change, pour le pouvoir d’achat, pour l’urgence climatique et pour la justice sociale. Et pour que cela change, il faudra que toutes et tous le veulent en même temps. Rendez-vous dans la rue le 29 septembre.

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