A l'aube de cette journée cruciale pour l'Italie, voici une analyse du tissu politique italien contemporain élaborée par Ilvo Diamanti, traduite par votre modeste serviteur, qui date des dernières élections régionales mais me semble cruellement d'actualité.
Analyse des résultats des élections régionales italiennes de mars 2010 par Ilvo DIAMANTI. Sociologue, politologue et journaliste au quotidien « La Repubblica »
La victoire de Zaia n’est pas une surprise, celle de Cota dans le Piémont était moins attendue.
Depuis longtemps les votes des forteresses de la Ligue*, Treviso, Vicenza, Bergamo, Como avoisinent les 30%, ce, depuis la fin des années 80, lorsque la Ligue a assiégé puis remplacé la Dc**. La percée dans les régions de gauche est significative d’une tendance déjà apparue en 2008. Révélatrice est la surprise, tant des alliés que des adversaires, des observateurs que des acteurs de la politique, qui continuent à considérer la Ligue comme un sujet anormal et pour cette raison instable, oscillant entre progression et régression.
Ce n’est plus ainsi. Le succès de la Ligue est « normal », car depuis longtemps la Ligue est un parti « normal », un des seuls, parmi les partis « légers », médiatiques. Il suffit de regarder les chiffres ; 1er parti du Nord aux élections européennes, c’est aussi un parti de gouvernement avec des ministères importants et stratégiques ; ministère de l’Intérieur, des réformes constitutionnelles, et de l’Agriculture, poste clé pour la Ligue, car il évoque la terre, l’identité et la tradition, mais aussi le rapport avec les catégories amies : paysans, éleveurs et chasseurs.
La Ligue de lutte est désormais Ligue de gouvernement. La confiance en la Ligue s’est généralisée au Nord et même au Sud depuis 15 ans, car la Ligue a nationalisé son programme. Elle a dramatisé les peurs, de la globalisation, de l’immigration, des menaces en tous genres. En même temps, elle a dissocié le langage des pratiques ; promu les rondes sans les organiser, agité le spectre de la xénophobie en permettant l’intégration, indispensable au fonctionnement des petites entreprises, dans les régions qu’elle gouverne. Elle a utilisé le double levier de l’identité et du pragmatisme.
Dans la Venetie, la Ligue a surpassé le Pdl*** de 10%, car c’est un véritable parti alors que le Pdl un agrégat de notables. Elle a pénétré le cœur rouge du pays, en particulier en Émilia en profonde mutation sociale et démographique. Populiste ? Certainement, mais en mesure de toucher la corde sensible d’une société en perte de repères où la vie et la politique se superposent, et dans laquelle la disparition des partis traditionnels a laissé un grand vide.
La Ligue aujourd’hui est un parti de gouvernement et de revendication (sinon plus de lutte). La Ligue a dépassé les frontières padanes, elle est forte au Nord, car elle gouverne à Rome, et inversement. Elle s’est « méridionalisée » en suivant l’axe Rome-Calabre en passant par la Campagne.
Le succès de la Ligue peut représenter un exemple pour le Pd****, lequel,en s’appuyant sur l’exemple de Vendola qui a su en Pouilles mobiliser les électeurs, en donnant une identité, en marquant une différence avec les autres. Le Pd s’est au contraire contenté d’appréhender le centre comme un « non-lieu », se présentant à la télévision sans avoir rien à dire, comme si la constructiond’une identité était un problème de marketing.
Mais les défaites, à condition de savoir les interpréter sans feindre, s’avèrent édifiantes à qui sait les reconnaître…
*: la Ligue du Nord (droite/ Leader Umberto BOSSI)
** : Démocratie Chrétienne (centre) n’existe plus aujourd’hui, le centre étant représenté par l'UDC (Union Du Centre)
*** :Parti Des Libertés (centre droit/ Parti de Silvio BERLUSCONI)
**** : Parti Démocrate (centre gauche/ Leaderactuel Pierluigi BERSANI)
Si le vote de confiance n'est pas accordé à Berlusconi, que des élections anticipées soient organisées, nous pourrions craindre le pire...