Loi El Khomri : le sismographe s’affole…
Les politiques et les médias nous présentent la mondialisation comme une inexorable fatalité à laquelle nous ne pouvons échapper. Depuis le début des années 80, sous ce prétexte, les gouvernements successifs infligent aux peuples une série de mesures d’austérité invoquant sans cesse le pragmatisme économique. Un des piliers de la rhétorique politique et médiatique légitimant ces dispositifs repose sur la valeur travail.
Pourtant, celui-ci se raréfie, et alors qu’en France nous sommes réputés pour être les champions de la productivité, on ne cesse de nous décrire comme des oisifs pervertis par les 35 heures. La loi Aubry, bien que considérablement assouplie depuis 2003, rendue responsable de tous nos maux, demeure pour le pouvoir politique, y compris celui qui l’avait instaurée, l’ennemi à abattre. C’est précisément une des cibles de la loi El Khomri, laquelle, de manière plus générale, s’est donné pour objectif de flexibiliser le travail.
Accorder davantage de liberté au chef d’entreprise comme au travailleur pourrait être considéré comme un progrès humain, malheureusement, l’absence de mesures pour sécuriser le parcours du salarié pénalise ce dernier une nouvelle fois. Le coup de grâce consisterait à réduire la durée d’indemnisation des chômeurs, un dispositif dont il est pourtant question. La réponse de la ministre à la pétition « loi travail non merci ! » sur le thème de la sécurisation corollaire de la flexibilisation est plus qu’évasive et pour cause, le « compte personnel d’activité », une sorte de fourre-tout marketing où cohabitent des droits mal définis, fait office de pansement sur une jambe de bois.
L’ensemble des mécanismes prévus dans la loi travail modifie profondément l’équilibre entre les droits de l’employeur et ceux du salarié. Était-il besoin de s’attaquer si frontalement au Code du travail ? Le fait de pouvoir licencier plus facilement créera-t-il réellement des emplois ? Les partisans de la loi avancent l’argument selon lequel les pays qui ont assoupli leur législation ont vu la diminution du chômage, mais en observant de près les études réalisées dans les pays concernés, le lien entre flexibilisation du travail et baisse du chômage n’est pas avéré. Des facteurs variés spécifiques pour chaque pays expliquent cette tendance.
(Loi Travail : la flexibilité marche-t-elle ailleurs en Europe ?)
La flexibilité dans une société de plus en plus ubérisée existe déjà, car beaucoup d’employeurs à défaut d’embaucher des salariés font appel à la sous-traitance de micro-entrepreneurs, travailleurs indépendants affiliés au régime Rsi déficitaire et offrant une couverture sociale pitoyable.
Au lieu de chercher des solutions adaptées à l’évolution de la société visant à un équilibre économique et écologique tout en assurant sécurité et épanouissement à l’individu, nos dirigeants, engagés dans une spirale libérale ascendante, se référent à des grilles de lecture issues du XIXe siècle.
Voici donc une nouvelle occasion manquée par la gauche de se réconcilier avec son électorat. Dès lors, il ne faudra pas s’étonner que par désarroi ou par dépit le peuple de gauche trahi par les siens s’oriente vers des solutions troubles voire dangereuses…
Cette désaffection pour la représentation politique est toutefois tempérée par l’émergence de mouvements tels « Nuit debout » à l’instar des « Indignés » ou des « Occupy Wall Street » à la recherche, sans doute encore mal définie, d’autres formes d’expression démocratique. Une lueur d’espoir dans le monde obscur de la politique ?