Inutile d'évoquer des loiscompliquées de l'économie ou de la société, inutile de frimer surles autoroutes et dans les aéroports, inutile de s'envoyer desflots d'âneries sur internet, il apparaît une évidence assez simple : Actuellement, les retraités vivent assez confortablementavec deux modestes retraites, sauf des problèmes de santé dus àl'âge, mais entièrement remboursés par la Sécu. Et cela depuis 10- 20 ans environ.
Il nous est pourtant très faciled'observer qu'autour de nous, les jeunes connaissent beaucoup dedifficultés : emplois instables, inexistants ou sans aucun intérêt,salaires très médiocres, fluctuants, voire du travail non payé,inflation des prix et des machines sophistiquées, concentrationsmarchandes des supermarchés, empoisonnement des terres et des eaux… etc.
Il est aussi facile de faire despronostics : Les futurs retraités seront pauvres, les remboursementsde la Sécu se dégradent d'année en année, les endettements segénéralisent, et finalement ça craque de partout, dans la finance,dans l'économie, dans la société, dans la nature…
Ces observations banales etquotidiennes concernent au moins un milliards d'hommes, nonobstantles trois milliards qui vivent avec moins de 2 $ par jour, ça faitdéjà beaucoup de monde… D'où l'immense pauvreté de l'humanitéaprès deux siècles de croissances industrielles forcenées : Constat d'échec ?
Pourtant depuis 20 ans au moins, lacroissance et le progrès des techniques, la mondialisation deséchanges marchands et financiers… n'ont cessé leurs avancées. Alors où se trouve l'intérêt de cesavancées ?
À qui ont-elles profité ? Sinon à l'économie marchande et à sesentreprises libérales avec leur liberté et leur croissance, quipossèdent par ailleurs, à peu près tous les pouvoirs : financiers,politiques, médiatiques et même sociaux…
Paradoxalement nos dirigeantspolitiques, de droite comme de gauche, n'ont qu'une prioritéabsolue, celle de l'économie et d'aplanir toutes les difficultésstratégiques de nos entreprises.
On devrait donc se demander si lescitoyens sont au service de l'économie ou si ça ne devrait pas êtreplutôt l'inverse ?
Alors même que l'économie et les entrepriseslibérales sont incapables de gérer le monde qu'elles ontelles-mêmes créé et façonné, dans le seul projet d'accumuler, àtitre privé, des sommes colossales dans l'économie interlope et internationale ?
Et après la grande crise financière,cette extraordinaire inflation des finances privées se mêle désormais de corriger les États démocratiques, qui ontsurtout pour défaut majeur de n'être pas très conformes au modèleultra-libéral, c'est à dire anglo-saxons.
Comme à l'accoutumée, lorsqu'on setrouve au milieu d'un gué, on se demande s'il faut continuer ourevenir en arrière ?
Pour les charmés du marché, c'estassez simple, on n'ira jamais assez loin : Les crises et les échecsdu modèle sont provoqués par les interventions de l'État, les chômeurs sont desfainéants, les pauvres ne savent rien faire d'autre qu'être pauvreset la planète est inépuisable. C'est à peu près comme dansl'énergie nucléaire, si toutes les charges et les coûts sont payéspar l'État, la collectivité et les générations futures, çamarche pas trop mal.
D'autres pensent, au contraire que nousarrivons à la fin d'un modèle épuisé et incohérent, celui d'uneéconomie mondiale gouvernée par les supposés automatismes dumarché; c'est à dire le modèle de HAYECK, qu'on avait substitué,à grands renforts de propagande, et durant des décennies, auxmodèles de MARX et de KEYNES. Précisons quand même que HAYECK,c'est plus une absence de modèle qu'un système : «Laisserfaire, laisser passer» telle est la formule libérale. Enréalité les libéraux n'ont rien inventé, ou pas grand'chose, sinon lediscours pour se faire passer pour des inventeurs… Ce ne sont quedes épiciers, nous sommes une civilisation d'épiciers et il estpermis de penser :« Je hais ce peupled'épiciers qui vont ramasser le moindre avantage dans les ordures ».
Ce pseudo-système économique n'a faitaucune invention fondamentale, rien que de la grosse épicerie, sinondu dogmatisme.
Reprenons l'exemple du symptôme majeur de lamodernité, la pointe du progrès et de l'innovation, dont on nousrebat les oreilles depuis cinquante ans : l'industrie nucléaire;lorsque j'étais petit lycéen fasciné de progrès, je croyais quel'industrie nucléaire consistait à piquer des électrons àd'énormes atomes, qui en avaient tellement, qu'ils les perdaientavant de s'en rendre compte; l'industrie allait donc refiler cesélectrons libres à EDF, qui en avait tant besoin ? Ça c'était duProgrès !
Mais les savants ne savent pas qu'ilscroient, ils croient seulement qu'ils savent; alors nos technocratesnous ont fait de la très très grosse épicerie : Ces très grosatomes se cassent tout seuls et s'échauffent, ça fait bouillir del'eau et l'eau chaude finit par fournir un peu d'électricité…Vous voyez bien que l'épicerie moderne a inventé l'eau chaude etils ont mis des mots anglais sur des vieilles marmites, pour fairesavant… Avec tous leurs autres apprentis-sorciers de la chimie etdu pétrole, de l'automobile et des transports, de l'agro-alimentaireet des supermarché… qui nous racontent leurs prouesses deproductivité, alors qu'ils ont pourvu le chômage, les ouvriersagricoles semi-esclavagés, et les migrants des bidons-villes, quiavant occupaient ces mêmes lieux de productions.
Bref, comme toutestransformations économiques s'accompagnent d'entropies physiques etchimiques (déchets, sous-produits, pollutions, empoisonnements…), « La Grande Transformation »de la société (selon K.POLANYI) s'accompagne de reflux sociaux deplus en plus larges et profonds, et comme tous ces coûts ne sont passolvables, ils échappent à la comptabilité économique et nepourront jamais intervenir dans un raisonnement marchand; donc lemarché est incapable de les prendre en compte et « Laplace du marché est pleine de bouffons solennels.»
Alors faut-il revenir aux modèlesprécédents de MARX ou de KEYNES ?
Certains croient croître encore avecces modèles; mais d'autres croient que la croissance n'est plus lasolution, elle problème :
Elle l'est en effet comme croissance desinégalités, comme concentrations des richesses, comme croissancedes ventes, d'un côté, mais du côté de l «off-shore »interlope, c'est l'accumulation secrète des richesses nationales àtitre privé. Et tous les rapports que l'économisme entretient avecle reste du monde ne sont que spoliations, décharges,empoisonnements publics et éradication des gens et des espèces…Une mondiale machine de PONZI et un immense gâchis, motivé par laseule cupidité sans fond des financiers et des tenanciers, réalisée grâce à une abondance énergétique carbonée ou hydrocarbonéedont les réserves naturelles sont épuisables à moyen terme.
On comprend bien qu'on n'ait plus envied'essayer de revenir sur aucun de ces modèles, mais le gros problèmeest que nous n'en possédons pas d'autre, et que nous n'avonspersonne pour l'inventer; bien entendu il n'est peut être question nonplus de tous revenir à la ferme autarcique, vivant directement deslongs cycles naturels; alors nous aurions besoin d'un économisteassez génial, pourvu d'une culture assez large pour connaîtred'autres économistes que les néo-libéraux américains, mais quiconnaisse aussi d'autres disciplines et sache faire une synthèse destrois dimensions solvables et non solvables de l'économie terrestre:
- - le Capital del'humanité (et non pas le capital privé),
- l'Humanité solvable et l'humanité non solvable, et enfin
- la Terre, ses stocks façonnés par des longs cycles naturels (pétrole, minerais, air, eaux, climat…etc) et les flux terrestres (soleil, vent, eaux courantes…)
«Voilà laformule trinitaire qui contient tous les secrets du processus deproduction» disait MARX :
- Le capital financier vacontinuer à croître en exploitant le travail des hommes et lesespaces terrestres, c'est une évidence quotidienne.
- La démographie va continuer à produire despauvres, qui envahissent les espaces naturels, mais la mémoire del'humanité contient les plus grands trésors dont nous disposons.
- L'espace naturel est notredemeure, nous n'en connaissons aucune autre, et si «lamaison brûle», c'est que nous y avons mis le feu.
Peutêtre que la première tâche serait d'éteindre le feu ?