«LE CIRCUIT DE LA VIE ÉCONOMIQUE EST FERMÉ»
Disait le grand économiste SCHUMPETER1 . Cela signifie qu'on ne peut simultanément se situer à l'intérieur et à l'extérieur, qu'on ne peut jouïr de «La Société de Consommation : Il y a aujourd’hui tout autour de nous une espèce d’évidence fantastique de la consommation et de l’abondance… l’évidence du surplus, la négation magique et définitive de la rareté, la présomption maternelle et luxueuse du pays de Cocagne…»2 qu'à condition qu'un salaire nous fasse entrer dans la circulation monétaire.
Or le capitalisme industriel sépare complètement ces deux circulations inversées, qui se referment :
- La valeur du travail, les salaires sont dispersés dans la société immédiate;
- tandis que les produits du travail, les marchandises sont concentrées à titre privé dans des usines privées, dans des transports encore privés pour aboutir dans des supermarchés lointains tout aussi privés, où les salaires de la circulation monétaire publique viennent refermer le même «circuit de la vie économique» privée.
Ces deux conditions étaient peu distinctes pendant les Trente Glorieuses, où les économies étaient locales ou nationales, nationalisées et où chacun avait besoin des autres, dans des solidarités inter-relationnelles, inter-professionnelles, inter-classes sociales, inter-générationnelles…le patron avait besoin du travail de ses salariés et réciproquement; d'où un fervent consensus de Progrès.
Or la mondialisation libérale a profondément changé ses acteurs : l'allongement des flux économiques globalisés délocalise les productions et les salaires vers des conditions sociales et environnementales peu contraignantes; elle transforme alors les citadins en une économie de services, dont la faible productivité lui inscrit plutôt le rôle majeur de consommer les marchandises d'un grand capitalisme international; c'est à dire une sorte de rente capitaliste, qui s'est épanouie dans les crédits revolving ou subprime, tandis que «La finance a pris un poids démesuré par rapport au fonctionnement des économies… (en vingt ans) la finance (actions, obligations et crédits bancaires) pèse désormais l’équivalent de quatre fois le P.I.B.… 10 fois en France … (Ses opérations) se produisent dans un espace fictif, l”offshore”, dont la particularité est de n’être sous le contrôle d’aucune autorité publique… »3
C'est aussi pourquoi les affrontements sociaux ont aussi profondément changé et qu'il devient vain de marcher dans les rues, de rompre temporairement ou involontairement le travail… si on continue de se précipiter, en 4x4 au supermarché, car «le circuit de la vie économique (reste bien) fermé» Et c'est aussi pourquoi «quand il y a une grève, ça ne se voir pas.»
Notre vraie grève, ne serait-ce pas le boycott de la consommation capitaliste : Boycottez la télé., la bagnole, les autoroutes, les supermarchés, l'électronucléaire… ?
C'est très facile et on y arrive très bien; sans vouloir citer des modèles trop proches, nous n'avons jamais eu la télé.; depuis les années 60 je n'ai acheté que 4 voitures, dans lesquelles je me promenais et je dormais, sinon cuisinais en cas de mauvais temps, la première a été une 2 CV., la dernière est un Trafic-renault qui a plus de 15 ans; nous n'empruntons jamais les autoroutes, les petites routes et les chemins de terre nous assurent un renouvellement et une beauté des paysages, dans lesquels on s'intègre facilement; nous n'allons jamais au supermarché, le jardin, le marché bio.local et ses maraîchers et artisans nous contentent ordinairement; j'ai réussi à diviser ma consommation d'électricité par deux, ne serait-ce qu'en contrôlant le fonctionnement du chauffe-eau, de l'ordinateur… etc.
Il existe quand même d'autres activités possibles que de recourir à la commodité du supermarché, pour pouvoir bayer aux corneilles d'une télé. débile pendant 4 heures par jour ? Inutile,je pense de chercher à les énumérer ?
1) Joseph SCHUMPETER : Théorie de l'Évolution Économique - Dalloz - 1999
2) Jean BAUDRILLARD : La Société de Consommation - folio-essais1986
3) Christian CHAVAGNEUX : Alternatives Économiques, n° spécial 75 - 2007