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Billet de blog 15 novembre 2009

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ESSAI sur la RANDONNÉE

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Vous m’avez demandé un petit texte sur la randonnée, mais ne possèdant qu’assez peu d’humour, ni d’une belle maîtrise des mots, j’ai hésité à entreprendre une description forcément décevante, sinon paradoxale, d’un loisir qui m’est pourtant presqu’indispensable.

En général le mot de randonnée évoque une file colorée et bruyante, qui s’exclaffe à la à la queue leu-leu, sur des pentes plus ou moins abruptes; et puis les pic-niques un peu gras et rigolards, les appareils photos de groupe et les téléphones portables, sinon les quads ronfflant et enfumeurs…

Eh bien ! pour ma pratique,qui a été assez prolongée, j’ai très souvent fuis ce genre de rassemblements et mes randonnées ont tenu et tiennent encore en trois mots :

Silence. Solitude et Nuit.

De quoi s’agit-il donc ?

Il s’agit de recueillir le plus d’indices, souvent extrémement ténus, de la vie, qui n’est sauvage que parce que nous lui imposons des pressions violentes.

Aussi ma promenade doit-elle passer inaperçue, ne pas laisser de traces, ni de bruits, disparaître quasiment du paysage et pourtant y rester à l’affût (c’est le mot) du moindre signe, de la moindre hypothèse de présence d’un animal, depuis le pied du lynx dans la neige fondante jusqu’au minuscule cri d’envol de la grive musicienne…

Dans mes randonnées, il y a effectivement beaucoup d’oiseaux : des minuscules pouillots (Phylloscopus) au Grand Duc, du Grand nord à la Mauritanie, de l’Espagne à l’Éthiopie; mais il ya aussi quelques mammifères, du Castor à la Loutre, du Lynx au Loup… et beaucoup de plantes, principalement un attachement aux monocotylédones, des iridiacées aux orchidées…

Alors pourquoi la nuit ?

Parce que la nuit, et à l’approche de la nuit, il se passe plein de choses intéressantes : les bêtes terrorisées par la présence d’un animal de jour bruyant et dévatateur, sortent pour s’alimenter et se rencontrer. Ne serait-ce que pour les chants d’oiseaux, la moitié des turdidés ne chantent qu’à la nuit tombante ou à l’aube encore noire; sans parler des nocturnes.

Mais l’obscurité est devenue une nécessité pour nos rares mammifères : nos castors ne sortent plus que la nuit, alors qu’au Canada, où on leur fout la paix, ils sont parfaitement diurnes. Même chose pour la Loutre, encore que je l’aie vue en plein jour, par hasard… Finalement tous ces animaux avaient été exterminés, pour des raisons obscures et les naturalistes ont bien des difficultés à les faire revenir. et admettre; autre exemple tous les lynx du Bas Bugey se font flinguer les uns après les autres, certains cadavres même déposé devant la gendramenie, qui s’en fout royalement. Et puis la nuit la chasse est, en principe, interdite.

Alors comment organiser une nuit de bivouac ?

Le bivouac ne doit pas être une épreuve, mais un pliaisir assez exaltant. J’avais fait confectionner une sac de bivouac en grosse toile, qui se pilait en forme de sac à dos sur une claie de portage; dessous une tapis de mousse, dessus un simple voile en plastic, ou une couverture de survie, repliés aux pieds et débordant largement sur les côtés, à l’intérieur un duvet plus ou moins chaud selon les saisons et cela se passait très bien, dans des sites merveilleux, particulièrement du Bugey à la rivière d’Ain, des hauts plateaux du Vercors aux montagnes du Gapençais,…

Aujourd’hui,avec l’âge, je me contente d’un petit fourgon aménagé, dans lequel je dors toutes portes grandes ouvertes. Ce genre d’expéditions nocturnes, j’en ai fait de centaines, sinon un millier, en France comme en Espagne, en Grèce comme en Sardaigne, en Israël comme en Mauritanie et tout le monde m’explique que c’est très dangereux, car on ne sait jamais qui passe ? Car la télé. leur a montré que ce doit être très dangereux. Mais je n’ai jamais été dérangé, pas une seule fois, même pas par les chasseurs.

En fait on va dans la nature pour décourvir des choses et, peut être découvre-t-on toutes autres choses… plus simples et qu’on avait oubliées ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.