Cher Monsieur le Professeur, Cher Membre, Cher Président,
(Professeur Emérite à l'Université de Montpellier.
Membre du Conseil National du Parti socialiste.
Président de la Convention pour la 6° République)
Vos titres rendent votre article extrêmement important à mes yeux de voyageur de commerce en retraite qui s’est trainé toute sa vie en bas de la hiérarchie sociale. Comme très souvent les commentaires aux articles publiés dans Mediapart me déçoivent beaucoup. Parmi ceux qui commentent votre article, un seul me parait digne d’être retenu, c’est celui qui soumet une interview de Pierre Bourdieu dans laquelle il fait part de sa conviction que ni François Hollande, ni d’ailleurs Ségolène Royale, n’ont jamais été de gauche. Pour Ségolène il est très catégorique : elle n’a choisi la gauche en sortant de l’Ena qu’en fonction d’un plan de carrière car elle ne voyait pas comment «parvenir » en choisissant la droite. Il ne s’agit donc pas d’analyser comment et pourquoi on tourne casaque ou on retourne sa veste mais comment et quand il se révèle que des dispositions machiavéliques avaient été prises à l’avance. P. Bourdieu indique aussi qu’on n’est pas « de gauche » quand un fond de caractère autoritaire et sans considération pour les positions des autres finit par prendre le dessus. Un mien cousin (Jean-Pierre Martin) a écrit tout un bouquin sur l’ « Apostasie » et un de ses amis (Maurice Goldring) a surenchéri en publiant : « Les ex-communistes, éloge de l’infidélité » ! Les socialistes d’avant-guerre qui ont « viré fascistes », dont vous évoquez le souvenir, n’étaient que de minables précurseurs ! Ne convient-il pas de rappeler aussi l’observation de Hannah Arendt citée par le Nouvel Observateur du mois d’Août dernier : ""Le penchant au tyrannique se peut constater dans leurs théories chez presque tous les grands penseurs"" note-t-elle, diagnostiquant une véritable "déformation professionnelle" (en français dans le texte !)."" Pourquoi alors les « petits » penseurs échapperaient-ils à cette tendance « de droite » ? On comprend alors pourquoi toutes les révolutions de gauche aboutissent à des dictatures de droite même et surtout quand elles se réclament « du peuple » ! N’est-il pas clair pour beaucoup que la confrontation des « généreux de gauche » avec les « faits têtus », lorsqu’ils parviennent au pouvoir les fait virer vers « la droite » ? Le Mitterrand de 1981 a-t-il échappé à cette « malédiction ( ?)» en 1983 ? Pas plus que « le Hollande » en choisissant Vals et Macron en 2015 ! Ce qui me porte à une forme de résignation c’est de savoir que M. Macron a été le secrétaire de Paul Ricoeur, pour lequel, selon un de ses exégètes : « agir c’est choisir entre le mauvais et le pire ! ». On peut espérer qu’il choisira le moins pire ! Cela nous mène au coeur du problème : on ne sait pas si on est de gauche ou de droite avant d’être confronté à la nécessité d’agir, pas seulement de choisir un mot ou un autre dans une phrase d’un discours ! Cela commence déjà par le vocabulaire : si vous employez l’expression « prendre une décision » vous êtes de droite, vous tendez vers un comportement de gauche si vous êtes convaincu qu’il faut toujours : « élaborer une décision » avec les autres ! Pierre Bourdieu le souligne en mots très simples. J’aurais aimé lui demander : qu’est-ce qu’on fait dans l’urgence d’un branle-bas de combat : on « élabore » ou on « prend » la décision ? En italien branle-bas de combat se dit : « panica generale ». La panique : tout est dit ! J’attends de voir si vous êtes réellement de gauche lorsque vous aurez le pouvoir d’agir, mais je pleure à la pensée que vous pouvez envisager de résoudre les problèmes en passant en 6ème République ! Il est possible que je vote Hollande en 2017 !