Les objets qui nous entourent nous parlent : une sorte de parole discrète et lancinante, une parole de miroir, à la mode méchante reine pour nous dire notre beauté ou notre indignité. Les portails routiers de l’écotaxe en font partie.
Dans les vrais mots de la langue à la mode, il y a durable. Nous découvrons cette nécessité du dur, du durable sans doute en écho au gaspillage, à l’obsolescent. Le développement ne peut prendre place que dans le durable. Nos fragilités et nos peurs sortent du bois, durable, vivant, résistant. On pourrait interroger cette noblesse du durable en pensant qu’elle ne contient pas que du bon inconditionnellement. Le durable peut être une forteresse, réservée aux riches qui peuvent se l’offrir ou le penser, une sorte de snobisme de l’idéal du bon gout. Mais reconnaissons-lui au moins une vertu ; intellectuellement, le durable est un frein à la précarité, une aide à la sécurité, une précaution du long terme.
La pollution est donc ce gaspillage qui oscille entre responsabilisation collective ou culpabilité individuelle ; la parole est risquée ; se faire traiter de gros crado inconséquent est une des pires insultes qu’on peut se voir décerner, un certificat d’inconséquence.
Mais, cette parole fine et pour le coup durable, le pouvoir actuel est incapable de la soutenir, tout occupé qu’il est à harmoniser les extrêmes, à synthétiser l’hétérogène, à emboliser le conflit. Aussi, dans le contexte de crise profonde, à travers l’écotaxe, il vient réveiller les campagnes et les villes de la crainte de l’octroi. Ces portiques infaillibles qui nous scrutent, évaluent sans erreur nos participations à la pollution carbonée. Du coup, grâce à l’aimable contribution des radars, l’espace routier devient un espace entièrement fliqué, fait analogie au flicage informatique, rappelle le flicage administratif ; un chiffon rouge liberticide ; cela laisse entendre que personne ne pourra y échapper et, dans ceux-là, les nécessiteux, ceux-là qui ne peuvent pas faire autrement, dont les bagnoles sont pourris se disent que la pompe à fric est en marche, qu’après les camions, ils sont les suivants. Point n’est besoin d’être un homme en vrai, il suffit d’être possesseur d’une carte grise.
Donc, mesurons avec attention les révoltes et réactions bretonnes en les assimilant trop vite à une beauferie fascisante ; il s’agit là d’une révolte et d’une protestation contre un mode de gestion technocratique, lointain, non approprié, persécuteur. J’ai trop longtemps fréquenté de respectables militants écologiques pour affirmer qu’ils soutiennent autre chose qu’une police des comportements individuels, mais défendent un projet de responsabilisation et d’intelligence et d’éducation au long cours
Et si, écologie politique égalait portail d’octroi, ils seraient morts d’avance.