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Billet de blog 4 février 2015

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Ici, le terrorisme est un contorsionniste.

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On aura un peu tout vu dans l’absurde, après l’horreur : des enfants convoqués au commissariat pour se voir décerner un brevet d’intégrisme à huit ou dix ans, un retour sans doute insidieux de la délation, cette forme de civisme dévoyé qui fait du zèle servile, jouissif même avec l’espoir d’un résultat qui irait au-delà de ses espérances ; des mots des choses visibles ou imperceptibles, des actes anodins ou violents. Avec un peu de distance, nous aurions pu considérer chacun de ses phénomènes  sous des chapeaux différents. Si Charlie a fédéré l’espace d’un dimanche après-midi, la peur gangrène et divise le reste de l’année.

On se rappelle avoir observé, il y a quelques temps , l’angoisse du fou au poignard qui tue au hasard dans la rue et qui a justifié des évolutions d’enfermement. La caractéristique commune, à tous ces évènements pose qu’au nom d’actes relativement isolés, on met en place des usines à gaz de surveillance de l’ensemble de la population. Hier, tout était folie furieuse, aujourd’hui, tout est terrorisme. Le jeu du foulard prend une autre dimension.

Bien sûr, les faits existent, un complot ne les a pas créés  artificiellement mais il est intéressant de constater combien les pouvoirs reversent  toutes les miettes qui bougent dans la grande poubelle du terrorisme, jouant sinon avec le feu, du moins avec la prophétie auto réalisatrice. Les qualifications pénales ne manquent pourtant à priori pas de la violence, de la violence avec armes, de la tentative d’homicide au meurtre. Il existe encore une antiquité explicative  qui en devient presque grotesque, l’abolition du discernement. Tout devient aujourd’hui obligatoirement responsable, qualifiable, punissable. Le triomphe du champ de la visibilité à tout crin tord le cou aux faits eux-mêmes. Il faut la réponse qui surplombe et qui rassure.

Ainsi, donc, quelqu’un qui vient de prendre une prune dans un transport en commun, dont on ne sent pas vraiment la préméditation doctrinale, vient s’attaquer à des militaires devant un lieu de culte. Terrorisme ? Si cela suffit à gagner le paradis médiatique, les candidats vont se bousculer au portillon.

L’inégalité de la menace crée comme un malaise. Depuis le massacre parisien, Nice revendique le titre envié de Bagdad français. Le terrorisme a manifestement des accointances avec les Alpes Maritimes. La menace est gravissime, le maire se lève comme un seul homme contre l’indigence de la terre entière. Il est vrai qu’il est élu par un corps électoral qui en redemande.  On ne remerciera jamais assez cette ville de concentrer autant de menaces quotidiennes ce qui permet à d’autres endroits, à caractéristiques sociologiques similaires, de ne pas vivre le même enfer relatif.

Mais, ne soyons pas injuste, les arrières pensées ne viennent pas que des élus du terroir, ces seigneurs qui  ferment les portes des châteaux forts ; En ces périodes d’élection, entretenir la consistance de la mayonnaise oblige à une tournée des popotes pour rappeler la recette. A ce degré ultime et permanent du terrorisme, le Ministre de l’Intérieur se démultiplie. Il se rapproche du héros tant l’ubiquité de la tache rend le travail surhumain. Etre partout tout le temps, ça mérite une concession au Panthéon.

On voit ici que la volontaire indéfinition du mot terrorisme apparait aujourd’hui comme l’ensemble des contradictions, difficultés de notre vivre ensemble, un monde dans lequel se défendre, tenir l’autre en  joug  dans sa fragilité permanente balisent les conditions même d’existence.

 A force de trop vouloir jouer aux allumettes sur un bidon d’essence, on se prépare des lendemains de cendres. 

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