Une sidérante activité de loisirs (mais est-ce le bon mot ? Cela va plus loin que le loisir.) provoque en moi une réaction contrastée : des personnes, pendant leur temps libre, se drapent d’uniformes et de tenues historiques pour « rejouer » sur des terrains de jeux souvent historiquement exacts, une bataille, une scène de vie d’époque. Touchant et gonflant. Mais, comme, vraiment, cela n’affecte en rien mes choix de vie, c’est vraiment un jeu de projection et d’identification qui me fait alternativement les couvrir d’un regard bienveillant ou les traiter de cons.
J’ai une affection particulière pour le grognard napoléonien : ce petit soldat qui inlassablement vient donner du Vive l’Empereur, marcher au pas, traverser en toussant des volutes de fumées de canon (il n’y a pas que le cannabis dans la vie)
La controverse médiapartienne entre Michéa, Corcuff et Lordon et d’autres a des airs de reconstitution de batailles, un petit gout du faire semblant, un petit air de se chauffer les neurones. Je tiens d’abord à dire, sans être dans une adoration, une fascination de la posture intellectuelle, que je l’apprécie ; elle m’apporte à la façon d’un oiseau qui picore (bien que j’ai la taille du pélican). Je grappille, je choppe ce qui tombe avec le grand risque n’étant pas vraiment de la chapelle, du contresens, de l’approximation, de l’erreur grossière.
Je vais donc commencer par une première contre vérité : la chute de l’ennemi fait le consensus. La capacité de produire une énergie collective pour virer Sarkozy a été, je trouve exemplaire. Dans ce moment historique, il ne s’est pas trouvé beaucoup de déserteurs, à part quelques égarés, généreusement récupérés par le Parti socialiste. (Mais on ne fera pas l’injure à l’intelligence de les classer dans le camp des intellectuels),
Mais, ce temps ballonné de la présidence hollandienne change la donne, tout intellectuel digne de ce nom l’ayant anticipé, la victoire a un parfum de défaite et bizarrement, alors que la situation de la réalité est incroyablement difficile, le bruit des controverses enfle, controverses souvent incompréhensibles et anecdotiques, précieuses
Il ne m’appartient pas bien sur de commander à la pensée de penser, ni d’indiquer sa direction, mais comme une majorité de ces intellectuels ont une posture d’engagement, je me posais la question naïve du rôle de l’intellectuel, sans sombrer dans les poncifs du « au service de », ni du grand matin du grand soir.
Me revenait avec d’antiques souvenirs, le terme de praxis : une action intentionnée dans une visée de transformation. L’intellectuel n’a pas à être forcément utile, mais j’attends de lui ce mouvement et il me semble parfois que la contemplation de leurs génies, la célébration de la justesse de leurs prédictions les entrainent vers une infection sournoise de leur nombril. Oui, à la controverse, non à contradiction qui, de ce fait aura beaucoup de mal à être dépassé par la gauche. En revenir au carburant de l’essence contre l’existence et inversement, ça me rappelle un truc qui m’a obsédé comme ritournelle dans mon territoire des années 1970, une question terrible de l’opposition des groupuscules : « les forces productives ont-elles cessé de croitre », que 40 ans après, je hurle sous la douche, chantonne au café dans une posture de gratuité quasi petite-bourgeoise.
Peut-être suis-je alarmiste et vieux, mais je trouve que l’urgence du moment appelle du rassemblement, du souci pour l’autre. Bien sur que les forces sont diverses et ont le gout, le droit de s’engueuler avec volupté tandis que la responsabilité de faire lien, de faire nombre m’apparait comme une nécessité.