Je me rends compte de l’insidieuse et énorme distorsion qui s’est imposée entre les réalités concrètes et leurs représentations médiatiques. Qu’appelle-t-on réalités concrètes ? Les flux de la vie, ses nécessités, le bouclage des fins de mois, les perspectives d’avenir, les lourdeurs et les légèretés du quotidien, nos manières d’être ensemble, de nous reconnaître et de nous ignorer, de nous aimer ou de nous détester.
Qu’y avait-il dans la rue hier, dans la rue, entre la Bastille et la Nation ? Des réalités concrètes, des besoins de lutter, une envie de vie meilleure, de l’énergie, des sourires.
Que se dit-il dans les médias pour dire et traduire le partage et l’énergie de la marche? De l’éructation, de la personnalisation, de l’ambition ; rien qui dit pourquoi les gens étaient vraiment là.
Mais quelle honte que les participants soient mis en miroir de la droite extrême alors que c’est précisément pour s’opposer à la haine, au renoncement, au repli qu’ils étaient rassemblés.
Pauvres et tristes médias serviles. Donnons aussi une palme particulière à notre ministre de l’intérieur qui s’est lâché d’un faux comptage. Mais, si Valls n’est pas l’ennemi de la Droite, il est quand même le copain du mensonge.
Désolation enfin dans l’expression du PS : des ministres apparemment respectables comme Hamon qui se mettent à pousser la chansonnette du débinage, ignorant les questions respectables, la dignité des manifestants. Décidément, l’exercice du pouvoir rend vite nauséabond. Les agences de communication ont remplacé la réflexion et la parole politique, une sorte de ruralisme idéalisé a déferlé sur nous : le premier ministre est un jardinier, contemplant Dame Nature avec la patience d’un épouvantail, l’inertie est noble, la défaite glorieuse.
De qui se moque-t-on ? Le jardinier jardine, les cinq millions de chômeurs chôment, l’Europe se fendille, le fascisme sort du bois.
Les militants du Front de Gauche ne sont pas les membres d’une secte, hypnotisés par un gourou. Notre parole cherche le mieux, l’élaboré, le construit ensemble.
Dommage pour les scribouilleurs lâches et envieux, les chiens de garde hurlent, la marche continue.