Il ne viendrait à l’idée de pas grand monde d’interpeller le téléthon (ça arrive, mais c’est rare), car on voit bien que ce mouvement même de critique révèle la sacralité certaine de l’opération. On ne saurait la réduire à sa matérialité, à ses travers, à son humanité, à sa défectuosité. Le téléthon est quelque chose qu’on n’approche pas impunément, qu’on ne touche pas sans purification parce que son objet est précisément d’ordre divin.
En tant qu’individu, je donne, j’ai donné, je donnerai pour les réalités de cette enfance horriblement pourvue par la nature de défaut rare de fabrication. J’imagine la souffrance abyssale des parents, leur culpabilité potentielle, la rage qu’ils doivent trouver pour étayer la joie d’un vivre.
Mais, chaque année, je suis frappé par cette mobilisation incroyable, ces préparateurs de soupe, ces cyclistes de l’improbable, ces multiples manifestations qui touchent au plus simple ou atteignent un surréalisme naïf : s’auto collecter en y mettant du sien, payer son écot à sa bonne santé, payer son indulgence au mal fabriqué.
Car l’enjeu se situe au niveau de la vie elle-même, une vie sans contingences, sans réalité sociale, le droit à vivre sur ses deux pieds, avec ses deux yeux et tout accessoire utile. La vie est bien apolitique dans ce cas de figure, elle ne mobilise pas de conflits sociaux, elle s’essaie au charitable, à la réparation. Comment être contre le roman du destin et ses injustices foncières ?
Mais, l’autel a changé : si levant les yeux dans les cathédrales, nous pouvions deviner un ciel de cantate, nos globes oculaires sont attirés par un compteur sur un plateau télévisuel dont on voudrait que les chiffres s’affolent : les formes du spectacle ont décidément bien changé.
Dieux, vous n’êtes plus grands, vous êtes même ratatinés, le culte médiatique vous a emporté. Sachons rendre hommage aux nouvelles liturgies.