La polysémie de certains mots sonne parfois bizarrement : le règlement de compte est –il l’ultime façon de payer une dette ou de la faire payer ? Une fois les comptes réglés, le commerce continue mais il manque un acteur du jeu puisqu’on lui a réglé son compte
Le règlement, c’est aussi une façon de codifier, de normer les rapports humains mais dans un mode déséquilibré : si la loi présuppose un intérêt général partagé, débattu, le règlement n’a pas cette délicatesse .Le règlement est une brute un peu calculatrice, légèrement intellectuelle du style vous avez stationné plus que vous n’aviez payé et la pléthore de règlements enivre dont le règlement de copropriété qui se veut une batterie anti-missile contre l’étendage du linge (étendre son linge à sa fenêtre donnerait à voir la misérable indécence de nos sous vêtements, ne parlons pas du linge sale) et contre la cuisson des saucisses sur les balcons.
La pathologie du règlement est sa perversité : même au plus fort de la servilité ou de son respect, vous avez toute chance de ne pas le respecter vraiment ou pour dire autrement, plus vous le respectez et plus vous êtes convoqué à l’incertitude d’être vraiment dans les clous.
On ne compte plus les règlements de compte à Marseille et en Corse et ne plus compter devient un problème dans le règlement parce qu’on ne comprend plus ce qui se compte et ce qui compte
Il y donc de l’arbitraire dans le règlement de comptes, de la gratuité ce qui est un comble.
Je redeviens sérieux un instant sur ce sujet grave : la violence n’est jamais gratuite même si elle est insupportable souvent. Lorsque la dette devient morale, elle bascule dans l’honneur et le déshonneur : drôle de dettes, drôle de drame, l’honneur étant surtout affaire de hiérarchie et de domination.
La loi du milieu, le règlement de compte, tout cela devient une belle illustration d’un mécanisme de déshérence : qui fait loi ? Dans quel état est l’Etat pour laisser la dérive des caïdats ? Le monopole de la violence légitime a du plomb dans l’aile.
Le destin de ce pauvre homme, abattu à la sortie d’une prison à Marseille nous met face à un triste paradoxe : il avait peut être payé sa dette mais il n’avait pas réglé ses comptes. Et le fait de payer sa dette ne lui a pas sauvé la vie.