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Billet de blog 10 septembre 2014

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Fraude des élites : trouver la bonne clef

Il y a, dans toutes nos transgressions ordinaires, le gout du risque maitrisé, le désir de puissance ou le besoin de s’oublier du monde. Rouler plus vite que prévu, faire du bruit dans le silence, ne pas payer son ticket, ne pas répondre aux obligations, oublier les échéances.

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Il y a, dans toutes nos transgressions ordinaires, le gout du risque maitrisé, le désir de puissance ou le besoin de s’oublier du monde. Rouler plus vite que prévu, faire du bruit dans le silence, ne pas payer son ticket, ne pas répondre aux obligations, oublier les échéances. Lorsqu’on n’arrive pas à relier ces comportements à des choix, des nécessités ou à un sentiment d’injustice, on retombe vite en enfance quand on est pris la main dans le pot de confiture, quelque chose d’un surmoi qui nous met la honte. Mentir grossièrement, faire le naïf, jouer au con (ah bon ! après le vert, il y a le rouge), se faire plaindre, avouer son débordement sont des stratégies lamentablement utilisées pour passer la douane en évitant le pire, l’amende et le déshonneur

La modernité du monde nous aide à déjouer la culpabilité. Un automatisme géant s’est emparé des contraventions, mettant dans la même lessiveuse, le civisme et l’incivisme. Des radars sont là pour nous flasher, des machines à affranchir nous délivrent la sanction, des ordinateurs trient les majorés des majorettes. Le comportement juste relève du prélèvement. Une chaine du génie de la simplicité qui vide les petits vases, remplit les gros, fait la pluie et le beau temps. La contestation a 45 jours pour s’exprimer. Inodore et indolore, le vivre ensemble est un flux monétaire, la loi une rationalité managériale (ne sortez pas des clous informatiques). Des caméras se chargent de nous reconnaitre, les plages magnétiques suffisent à valider nos identités.

Bon, il y a quelques fois des ratés ; le tracteur roule à deux cents à l’heure, tandis que vous preniez le café à Amiens, vous louiez une limousine à Miami ; vous ne vous souvenez pas d’avoir acheté 300 exemplaires de Merci pour le moment ; mais, comme en gros, le progrès nous décharge, on se sent plus léger, moins libre, mais plus léger, inexistant parfois

L’élite est une grenouille de la météo de la probité. Elle est prise dans ce même mouvement en cinémascope, en géant. Sa jouissance de transgresser est multipliée par 12 742, elle peut mettre en œuvre l’impunité de sa puissance et son activisme de cocaïnomane la situe aux confins d’un monde dans lequel il lui faut, pour être aux taquets de l’efficience et du génie, s’éloigner des contingences tout en tordant le cou à la concurrence. Comment se fait-il que ce terrain de jeu s’étale sur une telle surface, que l’arbitraire en soit l’arbitre, la violence la règle ?

 Le monde n’est plus moral, il cherche à être rentable.

Bien sûr, j’éprouve le ricanement ordinaire et sadique quand je vois le clown tomber de son piédestal, mais il m’arrive dans un cauchemar de trouver que le clown n’est pas si étranger à l’atmosphère dans laquelle nous peinons à respirer. 

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