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Billet de blog 12 mars 2013

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Eloge de la grue

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il ne faudrait pas, pour viser l’essentiel trop vite, oublier que la grue est d’abord un échassier migrateur qui vole par bandes. La grue  est connue pour une indéniable capacité à supporter l’attente sur un pied. On a vite fait d’imaginer les terribles effets d’un assoupissement, d’une déconcentration funeste qui vont provoquer la chute. La grue a aussi  un sens de racolage  passif, une présentation fardée qui appelle une consommation lubrique, la grue est en exhibition. Enfin, la modernité l’a fonctionnalisée du côté d’un engin de levage et de manutention.

Pour comprendre le présent, l’investissement de la grue comme cri de protestation, nous devons, sans doute, mettre tous ces composants dans un chapeau, le secouer et en faire une sorte de ragout mélangeant migration (déplacement), exhibition et élévation. On peut, en effet, considérer cette machine comme le décor d’une nouvelle piéta, il y a tant de lieux à escalader et c’est celui là qu’on choisit.

Dans ce choix, l’élévation a une cause commune : l’enfant dont on serait privé comme père ou grand-mère. L’élévation est grandeur et purification : grandeur parce que le cri poussé de plus haut prend l’ampleur d’un cri strident, purification parce que la montée vers le ciel gomme les lamentables contingences du terrien : on est plus là, à cette hauteur, l’emmerdeur de service, la chieuse incurable : on est le cri, la souffrance, la victime

Cela nous renvoie à l’ordalie : le juge aux affaires familiales parait bien fade, il y a la visibilité d’une justice divine : si je monte si haut et que « Dieu » ne me fait pas un croche pied, c’est quand même que je dois avoir un peu raison et la preuve, c’est que je passe en boucle sur les chaines d’infos

Redescendre de la grue relève donc du retour sur terre : les histoires se complexifient, les héros redeviennent mortels, imparfaits. Mais, je reste frappé par la nouveauté du geste : le divorce, le partage de la communauté  évoluent vers moins de contenu et plus de style : le style d’une lésion à exposer haut et seul avec en métaphore, le risque de la chute : et si je ne redescendais pas, et si je chutais (on pense un peu à une forme de chantage) . Sans être devin, cette chute est la prochaine opportunité d’audience  des chaines d’informations en boucle.

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