Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

240 Billets

0 Édition

Billet de blog 13 août 2014

Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

La guerre est finie, la paix est morte, le massacre se poursuit.

La distinction entre les populations civiles et les armées est un postulat qui quadrille la définition de la pratique de la guerre. Peut-être que ce postulat était juste un mirage avant que les médias assurent une présence exhaustive sur tous les conflits de la planète. Évidemment, de tout temps, les destructions, les meurtres, les famines, les dégâts collatéraux, les viols ont cruellement marqué les populations civiles.

Pierre Avril (avatar)

Pierre Avril

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La distinction entre les populations civiles et les armées est un postulat qui quadrille la définition de la pratique de la guerre. Peut-être que ce postulat était juste un mirage avant que les médias assurent une présence exhaustive sur tous les conflits de la planète. Évidemment, de tout temps, les destructions, les meurtres, les famines, les dégâts collatéraux, les viols ont cruellement marqué les populations civiles.

Même si elle apparait aujourd’hui comme franchement théorique, elle donnait à voir la délimitation d’un champ de bataille où les forces militaires confrontaient leurs forces. Il y avait un espace circonscrit, une délégation de violence, un code de démarrage et de fin des hostilités, un transfert de l’issue du combat vers d’autres instances.

Il semble qu’aujourd’hui, en intensité, en temporalité, ce que l’on nomme guerre ne soit plus exactement conforme à ses représentations ordinaires.

  • Sur ses causes, plus besoin d’évènement, ni de déclaration, les pouvoirs font exister un danger permanent, nommé terrorisme avec des cellules dormantes. On pourrait dire qu’il y a une idée de guerre permanente, une guérilla dont les soubresauts font gicler le sang puis retournent au sommeil. C’est la première idée : l’immuabilité d’un état jugé autrefois comme particulier. On ne peut s’empêcher de le mettre en rapport avec la guerre mondiale économique qui nous occupe depuis un certain temps ; point de trêve, point de répit, la guerre est de tous les instants. Quand on pense à cette chaine d’anxiété mobilisatrice qui va de nos gares et de nos aéroports au fin fond des déserts, on se dit que le spectre est large.
  • Les valeurs obscures et abstraites ont pris le pas sur les nations et les territoires ou plutôt les territoires et les nations n’incarnent plus les valeurs. La patrie ne joue plus comme symbole. Cela fait penser à une crise d’épilepsie ou, soudainement un soubresaut se déclenche puis s’éteint. Personne n’en saisit la logique au long cours (Afghanistan, Irak, Libye) puisqu’une fois fait 2 pas en arrière, l’effet de désorganisation apparait flagrant. L’œuvre civilisatrice aboutissant à une barbarie au moins égale à la tyrannie précédente. La guerre est ainsi une bouffée délirante.
  • L’assimilation de toutes composantes du territoire ennemi à un combattant potentiel et la probabilité forte de massacrer des civils. On a bien compris que la stratégie de la terreur jouait à plein du côté de la Palestine et de l’Irak, mais peut-être faut-il aller chercher plus loin dans le fait que tout habitant d’une zone hostile constitue un danger à détruire, notamment dans la fâcheuse capacité qu’il a de se reproduire ce qui rend inévitable la  banalisation du crime contre l’humanité.
  • L’extrême visibilité des morts, à travers le cru de ses brulures, de ses éventrations. L’image se veut parlante, agitée. Elle pose la question de ce qu’elle apporte en plus quand elle est ordinaire, quotidienne. Mise en scène, cette présentation des défunts produit un effet d’objectivation ou de fascination, un arrêt sur image de l’instant, une confusion du réel et du virtuel. Sans penser le tabou du mort, de sa différenciation avec le vivant totalement pur, la question du respect s’impose et les limites du regard sont importantes à rappeler. Peut – être seraient-elles à montrer, mais dans un autre contexte que la bouillie d’informations continue pour que chacun puisse avoir la possibilité de poser la question : À ce moment, que suis-je en train de regarder et qu’en est-il du lien avec moi-même et mes proches ?

Au risque d’être un peu réducteur, je pense que la guerre vivait autrefois en mauvaise intelligence avec son ombre, la paix. Ce qui change dramatiquement aujourd’hui, c’est que la guerre ne cherche plus la paix. Elle cherche à se déployer seule, en toute hégémonie, dans tous les aspects de la vie humaine. Elle ressemble ainsi étrangement au néo-libéralisme. Les deux saignent la bête, jouissent et se barrent. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.