Il y avait sans doute quelque chose d’impossible à montrer lors des funérailles de Mandela tout simplement parce que ce qu’on cherchait à nous montrer n’existait pas. Le paradoxe tenait en un dilemme : chacun des « grands » présents voulait en être et s’en revendiquer tout en évoluant à des distances abyssales de la vie du défunt.
Les anecdotes, incidents divers qui émaillent une cérémonie disent toujours une vérité fine et la présence de ce fameux faux traducteur de la langue des signes, crédible pour l’image, inaudible pour les sourds contenait en lui-même un humour certain de l’ironie monde : traduire quoi, se faire entendre de qui ,être l'écho des orateurs pour ne rien dire?
Décidément, la vie est bien exigeante, Mandela par sa radicalité têtue, son insistance sans faille, son combat nous a indiqué un incontournable, un nécessaire de vivre qui ne peut exister précisément que dans le vivre et qui aura une impossibilité à se prolonger dans la mort. Tant que tu vis, vis, fais marcher ton corps et ta cervelle. Comme dirait Fanon : « oh, mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge »
Ce temps trop long du vieux Nelson entre l’hôpital et la maison, cette suspension du temps qui court, ce feuilleton un peu ignoble de sa retenue artificielle dans la vie exprimaient en creux ce pressentiment : « ne meurs pas Mandela, parce qu’après tu seras mort »
Non qu’il n’y ait aucune suite possible, ni aucune relève envisageable, mais simplement et fondamentalement, parce que sa vie singulière, sa vie a cessé de vivre et que quelques soient, les espoirs qu’on y trouve, cette perte est là, béante, irrattrapable, intraduisible.