Le hasard, c’est un peu comme la fumée sans feu. Il se départage péniblement entre une irruption impromptue, inattendue et une émergence inévitable. Le hasard se doit d’advenir soudainement. Après les massacres de Paris et l’attentat de Copenhague, je tombe sur une biographie d’André Malraux et je comprends une vitalité et une actualité de sa pensée dans l’air du temps.
La condition humaine, les conquérants, autant d’œuvres qui viennent interroger l’absurde de la vie en face de la mort, l’abyssal d’un néant dans un contexte où la révolution broie toute réalisation individuelle, l’aventurier se nourrit de son imaginaire pour mettre en scène sa tragédie du monde.
Enfant des contextes de trouble et de guerre, la mort réarticule et justifie démentiellement le vivant, sur la base d’un imaginaire chevaleresque, d’une destinée à accomplir, un moment où, par son œuvre et sa fin tragique, on reprend la main et on réécrit le livre de façon magique et ou aucune critique ne sera là pour contester au héros la valeur de son sacrifice. Seul, un Dieu peut en être comptable.
Il doit en falloir de la détestation de la vie et dose illimitée d’impuissance pour en arriver là.
Ces nouvelles figures de martyr nous surprennent par la radicalité de leur médiocrité mais c’est précisément ce qui ne devrait pas nous étonner. Nourris d’exclusion, de souffrance, de petites combines, dopés au virtuel, ils abandonnent l’espace social de la communauté des hommes ou leurs fragilités ne les récompensent qu’à grand renfort, d’humiliations et de folie. On peut faire l’hypothèse que la question du « qu’est-ce que je fais là » devient absolument béante. On va donc voir ce qu’on va voir et ça peut nous tomber dessus à tout moment dans le registre d’une toute puissance illimitée.
Purs délires d’appartenance et d’identité, ils décrivent une utopie qui n’a aucune réalité et dont l’avènement paradisiaque se doit d’être précédé par d’une liquidation bruyante et sensorielle de cette exaspération du vivre, de l’impudeur insupportable de nos viandes et de nos corps, de la facticité de certaines vies, du formalisme imbécile de nos relations.
Appeler ce cauchemar islamisme radical est leur rendre un bien grand hommage. Froidement, je ne vois pas bien la différence entre les tueries sur les campus américains et les convulsions européennes actuelles. J’appellerai plutôt la liturgie de l’arme à feu, ce style unique pour liquider les doutes de la pensée.
Voilà, l’horreur dévoile les incontournables de la vie, la reproduction et l’invention. Quand on est un infirme des deux, on tire dans le tas.