Le mythe a souvent de curieux échos dans la réalité : cette réalité, il est vrai, est surchargée par des mouchards : je regarde pour filmer ; pas le moindre évènement qui ne soit enregistré par les Smartphones. Le lieu de l’attentat de Boston apparait sur les écrans comme un décor, le décor d’une tragédie. Calme avant la tempête, des gens trottinent. Dans l’après coup, on cherche l’endroit ou va jaillir la fumée. Un autre plan d’hélicoptère nous signifie la mare de sang. Et cette vague qui déferle sur le monde en boucle, quelques minutes après : horreur ordinaire, les témoins, les proches qu’on ne voit plus, les ambulances, la routine de la banalisation exhibitionniste…..
Est-ce Philippidès ? Est ce Eulée ? La victoire de Marathon, celui qui vient l’annoncer meurt. Mourir de vaincre.
Cet acte est bien sur insupportable par sa violence : une manière de simplicité, d’aisance et de désinvolture dynamitée: le courir pour courir, pas pour échapper à un prédateur, à un ennemi. La légèreté est devenue une charge explosive
Et si l’on déplace au monde, à la Syrie, au Mali, au monde de ceux qui courent pour survivre, le cimetière des défunts fauchés dans l’arbitraire, l’odieux, l’irrespectueux, le machinal fait une ombre sur la terre.
Vaincre peut être, mais mourir de visibilité, d’images sans consistance et sans profondeur. Ces ondes de choc nous cassent la mémoire.
Et c’est peut être dans ces moments qui nous poussent à l’abandon sensoriel qu’il faudrait le plus résister dans nos intelligences.